Ce qui s'est passé ce 11 juillet à la Bourse de Milan change certainement la donne pour toute l'Europe. Nous ne nous trouvons plus en présence de pays comme la Grèce ou le Portugal, représentant 2 % de l'économie de la zone euro. Nous nous voyons confrontés à l'ébranlement d'un des plus solides piliers de la construction européenne.
On argue aujourd'hui d'une dette italienne de 1 800 milliards d'euros. On la présente, faussement, comme impossible à rembourser. Que dire dès lors de la dette de l'État central parisien évaluée elle-même, et de manière moins rigoureuse, aux alentours de 2 000 milliards d'euros, financés à plus de 70 % par l'Étranger, le reste par l'assurance-vie.
Or cette situation ne peut en rien être présentée pour nouvelle. Et la France et l'Italie, certes, persistent évidemment à voter des budgets en déficits, ce qui alourdit leurs endettements. Mais pour Paris, cela dure depuis 35 ans. Et pratiquement personne, dans le monde politiquement si correct de la finance internationale, ne semblait rien dire, rien voir, rien redouter.
La différence entre les deux grands pays du sud et l'Allemagne, ou la Grande Bretagne, ne tient pas à l'euro. Le gouvernement Schröder à Berlin a imposé outre-Rhin à partir de 2002 une cure de remise en ordre financier. Celle-ci remonte donc à près 10 ans. Nos voisins en bénéficient désormais. Or, ce programme d'austérité, a été réalisé au détriment de sa popularité, au moment de la mise en place de l'euro, et alors que le poids de l'unification se faisait encore sentir. À Londres on pratique aujourd'hui un plan de rigueur extrêmement vigoureux, 10 ans plus tard.
Il ne sert donc à rien de pester contre les contraintes, à la vérité fort molles, des fameux critères dits de Maastricht ou du plan de stabilité que, précisément, l'Union européenne n'a pas su faire appliquer.
Il ne sert désormais strictement plus à rien de prétendre "s'indigner" du pouvoir de la finance contre la vie des Etats.
Les "indignés" eux-mêmes, ceux que les médias ont exhibés comme représentants du peuple espagnol et du peuple grec ne reflètent aucunement l'opinion majoritaire de leurs pays. Les élections municipales de Madrid l'ont souligné de manière éclatante, donnant la victoire à la droite. Les petits groupes destructeurs et violents, attisés par de gros démagogues répugnants ne servent qu'à casser et à poser pour les photographes complaisants. Ils pourraient bien un jour se révéler, d'ailleurs, les plus directs agents de l'énorme spéculation développée depuis 2009 pour miser contre les structures de l'euro.
On pourrait certes maugréer, à bon droit, contre les agences de notation. Leurs récentes prophéties se seraient montrées auto réalisatrices : dans un système de crédit, quand la rumeur du discrédit se propage, elle ne peut qu'accélérer la faillite du surendetté.
On ne peut remarquer hélas, au sujet des Moody's, Standard and Poor's ou Fitch, qu'une seule chose : elles ont surtout tardé à remettre en cause elles-mêmes des évaluations trop optimistes, trop conformistes. Puis, elles se sont précipitées à souligner ce que tous les médiats dissimulaient, mais que tout le monde savait. Je me permets de dire que bien avant la dégradation des fameuses notes AAA nous étions en mesure d'annoncer la crise générale du "risque souverain" (1)⇓.
Les conséquences peuvent s'en révéler à court terme catastrophiques pour la conjoncture des économies occidentales. Fondées depuis un demi-siècle sur la priorité artificielle de la consommation de masse elles ne pouvaient pas surmonter la contradiction de l'égalitarisme.
Il fallait que chacun puisse pousser le chariot du supermarché à égalité : il importait donc de faire semblant de distribuer, et même d'appeler de nouveaux bénéficiaires. Comme si l'Europe devait nécessairement fonctionner comme l'El Dorado des migrants arrachés à leur village du Tiers Monde. Rien de tout cela ne créait la moindre prospérité, surtout pas chez les victimes de ce mirage.
Rappelons en effet que la vraie richesse de l'occident n'a jamais reposé sur le gaspillage des ressources. Elle procède au contraire d'un certain nombre de contraintes et de principes, allant de l'allocation rigoureuse de l'épargne à la libre entreprise, de la recherche de l'innovation et de la création, à la promotion de la technique, des métiers, de l'organisation du travail. Son respect du droit de propriété fonde aussi l'entretien de l'outil de production, etc. Rien de tout cela, aucun bureau public de bienfaisance ne l'a jamais suscité. L'égalitarisme affirmé comme un droit exprime exactement le contraire du progrès, y compris et même d'abord chez les plus démunis.
Or ce que l'on a trouvé naturel de financer par l'emprunt, la marge déficitaire des finances publiques ne représente jamais des investissements de progrès. Cela correspond au contraire, depuis toujours, à des gaspillages redistributifs dans leur apparence, – somptuaires en fait pour les dirigeants du système. Ce n'est pas l'outil de production que nos systèmes sociaux développent, c'est le prétendu "moteur de la consommation".
Pendant longtemps les faux raisonnements des technocrates ont privilégié le primat productiviste des "beaux ingénieurs". N'étant confronté à aucune remise en cause, ce travers, très répandu en France, avait pris des proportions monstrueuses dans le système soviétique. À son retour d'URSS Céline dans "Mea Culpa" (2)⇓ avait écrit des pages définitives. Depuis un demi-siècle en occident, on a imposé le délire inverse, celui des frénétiques du prêt à porter appuyés par les reliquats gauchisants du cléricalisme et par les avocats véreux du "socialisme maçonnique". (3)⇓ Tout cela, comme le communisme, ne fonctionnait que pour le bénéfice de quelques gros crocodiles.
Le social à crédit, dissimulateur des énormes prédations de nos prétendues élites, a fait faillite. Il faut avoir le courage de se retrousser les manches, d'en déblayer rapidement les décombres, et de ne plus jamais le reconstruire en Europe.
JG Malliarakis
Apostilles
- Et les lecteurs de L'Insolent le savaient dès l'automne 2009. ⇑
- Publié en 1936 aux Éditions Denoël.⇑
- cf. AG Michel "Socialisme maçonnique".⇑
Vous pouvez entendre l'enregistrement de nos chroniques
sur le site de Lumière 101
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Totalement d'accord avec vous, et sur le billet d'hier pareillement.
Cette dette financée par nos trois déficits est le vrai cancer de notre Etat avant toute autre maladie. Qu'y faire ? Tuer les oncologues (Moody, S&P, Fitch) selon l'endive de Savoie qui nous sert de commissaire à Bruxelles.
C'est le Bon Sens qui a fui l'Occident et l'Europe d'abord, et les peuples drogués à la social-démocratie ne peuvent plus le voir.
Rédigé par : Catoneo | mardi 12 juil 2011 à 10:25
Excellent billet.
Sans faire dans le millénarisme, on voit se dessiner clairement dans cette tourmente financière les signes d'une fin d'époque, celle de l’État providence.
Rédigé par : Kafka | mardi 12 juil 2011 à 14:42
Bonjour,
Je pense exactement cela depuis près de 20 ans. Mais je ne saurais pas l'écrire avec cette verve.
J'adore votre style. A la fois léger et percutant.
Merci. Continuez à nous enrichir.
Petithob
PS : je ne vois que très rarement le mot 'mediats' écrit avec un 't'; est-ce volontaire de votre part ?
Petite réponse : c'est volontaire. Petite coquetterie.
Rédigé par : Petithob | mardi 12 juil 2011 à 19:15