Si le trial français a démarré en région parisienne en 1953 (voir notre N° 1), vous avez remarqué qu’il existe dans l’Est, un important foyer de trialistes. Joël Corroy nous conte comment tout y a démarré.
L’esprit du trial (Extrait du programme officiel du 4ème trial de Montbéliard du 15 oct. 1967, d’après Claude Coutard)
“ En 1931, M. Antoine Peugeot, fils de M. Jules Peugeot, administrateur
des Cycles Peugeot à Beaulieu-Mandeure, était encore étudiant
et eut l’idée de “ grimper ” le Montenvers -au pied de la Mer de
Glace- avec une motocyclette ! Tentative ô combien osée quand
on sait quels étaient les engins de l’époque : pas de suspension
arrière, fourche avant à parallélogramme “ déformable
”, pneus qui ne “ buvaient ” guère l’obstacle et moteurs peu puissants
!
Qu’importe, l’aventure était belle, originale, inédite.
Le jeune Antoine Peugeot fit donc alléger au maximum une 220 cm3
à soupapes latérales, ajouta un ventilateur pour le refroidissement,
et, attaquant la pente, parvint au sommet au grand ébahissememnt
des alpinistes de l’époque !
Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir... Monsieur
Peugeot venait de faire du trial de la même façon ! Comment
aurait-il pu le savoir ? Le trial n’existait alors qu’à titre très
confidentiel en Angleterre.
Toutefois, l’esprit du trial venait de naître en France grâce
à un enfant du pays de Montbéliard ! ”
L’Histoire
Moins de 30 ans plus tard, , un autre enfant de la famille Peugeot,
Claude (surnommé “ le grand Claude ” en raison de sa taille), allait
être le pionnier du trial au pays de Montbéliard. Dès
1959 en effet, le grand Claude, fils de Jean-Jacques Peugeot (qui dirigeait
les usines d’outillage Peugeot-Japy à Audincourt), s’intéressa
à ce sport “ inventé ” par les Anglais et qui ne se pratiquait
alors en France qu’en région parisienne (Buc, Chaville, Clamart
et bien sûr St-Cucufa). Dès 1960, Claude fut Champion de France
“ Inter ” sur une... Peugeot 175 TC4 “ coulissante ” qu’il avait modifiée
lui-même.
La première organisation d’un trial (en fait un gymkhana-trial)
au pays de Montbéliard fut la rencontre organisée par le
Vélo-Moto-Club de Montbéliard sur le terrain militaire d’Allondans,
en 1961. Cependant, c’est avec l’arrivée d’un autre Claude, Claude
Coutard, que les choses évoluèrent. Pilote inter de trial
licencié à l’ASM st-Cloud, il était l’un des organisateurs
du trial de St-Cucufa. Muté en région de Montbéliard
en 1962 pour diriger le foyer des jeunes travailleurs de Grand Charmont,
c’est tout naturellement qu’il eut envie d’organiser de vrais trials dans
cette région vallonnée propice à ce sport, avec son
ami Claude Peugeot. Ils cherchèrent d’abord à créer
un club avec les quelques passionnés de moto tout-terrain de la
région, tels Dany Faivre, Claude Pourchot, Jacques Perrin, Robert
Guay, Michel Nardin, les frères Jolicor et bien d’autres. Les statuts
du Moto-Club de Sochaux furent déposés en 1962. Le premier
président en fut Dany Faivre (champion de France de cross en 1962),
le trésorier Claude Peugeot et le secrétaire Claude Coutard.
12
juillet 1962 : premier trial de Montbéliard. Partant de Grand Charmont,
à côté de l’église des Fougères, pour
une boucle d’une trentaine de kilomètres, ce fut le premier trial
français organisé en dehors de la région parisienne.
Avec 49 coureurs, il connut un succès inespéré pour
l’époque.
Le vainqueur fut Jean Bohec, champion de France en titre sur 200 Triumph,
devant Claude Semal et le Suisse Rudolf Wyss.
Le deuxième trial, organisé par le MC Sochaux, eut lieu
le 9 juin 1963. Partant de Valentigney, il accueillait cette fois un bon
nombre d’étrangers. La victoire revint à l’Allemand Gustav
Franke (futur champion d’Europe), sur 250 Zündapp, devant le “ grand
Claude ” Peugeot et le Hollandais Wink (tous deux sur 200 Triumph). A noter,
la 8ème place du jeune Jacky Ickx, futur champion automobile, sur
une 100 Zündapp, et la troisième place en “ National ” du pilote
local Claude Pourchot sur sa Maïco de cross !
Il
n’y eut pas de trial en 1964 afin de peaufiner une organisation gigantesque
pour 1965 : à l’image de ce qui se faisait outre-Manche (Claude
Peugeot venait de participer deux années de suite aux fameux “ Six
Jours d’Ecosse), le Moto-Club de Sochaux décida de mettre sur pied
un trial dont le tour ferait 120 km. Du jamais vu en France, d’ailleurs
aucun autre club n’organisera, par la suite, un tel trial dans notre pays.
Le
parcours du trial de ce 17 octobre 1965 était impressionnant : partant
des Buis à Valentigney, il se dirigeait vers Vandoncourt, Meslières,
le Lomont, pour aller jusqu’à Pont-de-Roide. Là, une neutralisation
avait lieu à midi, sur la place de l’usine Peugeot, où les
pilotes pouvaient se restaurer sous un chapiteau. Il y avait ensuite le
groupe de zones du Roide (à l’endroit même où l’on
organise maintenant le trial à l’ancienne), avec son impressionnante
“ marche de la dernière section ”. Dans son article de Moto-Revue
du 30 octobre 1965, Gilles Mallet décrivait ainsi le fameux Roide
: “ La Derrière ” n’était, malgré son extrême
difficulté, qu’un “ amuse-gueule ” avant le Roide, une montée
de torrent très raide, très longue (800 m), avec d’énormes
pierres, et au sommet, les “ Cascades ”, avec comme dernière épreuve
cette immense marche presque verticale! ” C’était du
sérieux pour l’époque ! Les trialistes n’avaient jamais vu
ça, et 35 ans après, le Roide est resté dans la mémoire
des anciens.
Le vainqueur 1965 fut le Suisse Rudolf Wyss sur Bultaco, devant Gustav
Franke sur Zündapp et le Belge Alex Colin, lui aussi sur Bultaco.
Celui-ci gagna la fameuse “ montée impossible ” de la Combe de Vauvarembourg,
une grimpette de près de 400 m de long, de plus en plus abrupte.
Là, c’étaient les chevaux et l’audace qui parlaient !
Le
premier Français fut Christian Rayer sur Greeves, classé
5ème, mais Claude Peugeot ne participait pas, trop accaparé
par cette lourde organisation. En “ National ”, victoire de Jacques Jolicor
de Sochaux sur sa 175 Peugeot spéciale, devant André Communier
de Giromagny sur 175 Gnôme-Rhône, et Jean-Claude Jolicor sur
250 Peugeot bi-cylindre.
En 1966, pas de trial, mais l’épreuve de 120 km fut reconduite
le 15 octobre 1967. Cette fois, Claude Peugeot l’emporta, devant Rudolf
Wyss et Christian Rayer. L’article de Moto-Revue qui suivit salua les performances
de deux pilotes du MC Sochaux : “ Premier “ National ”, Jacques Jolicor
sur une Peugeot bien préparée, portée à 200
cc avec un piston de Bultaco. Un autre pilote local est à féliciter,
le très jeune Joël Corroy, qui termine sur sa 175 Peugeot très
près d’un autre pilote beaucoup plus expérimenté et
mieux équipé, en l’occurrence Marcel Chambard. ”
L’année suivante (1968 donc), le MC Sochaux se vit confier l’organisation
d’un Championnat d’Europe, toujours sur le circuit de 120 km, épreuve
remportée par l’Anglais Denis Jones sur 118 Suzuki devant le Belge
Claude VanStenagen sur Greeves, et Claude Peugeot sur Bultaco.
Les temps modernes
Une trêve de plusieurs années eut lieu jusqu’en 1971, quand
le Moto-Club de Sochaux renoua avec les épreuves internationales
en utilisant un nouveau site, à Beutal, près de l’Isle-sur-le-Doubs,
fief de la famille Totems. Il faut dire qu’entre-temps, les trialistes
du club n’avaient pas chômé, puisque Charles Coutard, le fils
de Claude, dominait le trial français tandis que Jean-Claude Jolicor,
puis Guy Totems, avaient décroché le titre en “ National
”.
En 1973, c’est une nouvelle équipe dirigée par le regretté
Jacques Totems (père de Guy), qui organisa à nouveau la prestigieuse
manche de championnat. Jacques Jolicor en fut le principal maître
d’oeuvre, toujours sur 120 km avec départ de Montbéliard,
et nouvelles zones comme celles de Liebvillers avec leurs superbes cascades
en calcaire. Ce fut un nouveau succès sportif et populaire, Mick
Andrews remportant l’épreuve pour donner ainsi sa toute première
victoire en championnat d’Europe à la Yamaha TY. Il devançait
le Suédois Everston et l’Anglais Martin Lampkin (futur champion
du monde et père de l’actuel, Dougie). Charles Coutard termina 7ème
et premier Français.
Le MC Sochaux reconduira le trial de Beutal en 1977 avec un championnat
de France et de nombreuses épreuves internationales.
C’est Marie-Claire Vauthier, la dynamique secrétaire du club,
qui prit la direction des organisations à partir de 1978, contribuant
notamment à mettre sur pied la prestigieuse épreuve de Championnat
du Monde en 1978, avec départ de Montbéliard. Le Suédois
Ulf Karlson, sur Montesa, enleva l’épreuve devant l’Américain
Bernie Schreiber sur Bul et notre Charles Coutard sur SWM. Notez que Mick
Andrews participait de nouveau sur une Ossa.
Le Moto-Club de Sochaux organisa ensuite un trial à Beutal tous
les ans, sauf en 1982 qui fut l’année d’un championnat de France
à Pont-de-Roide (épreuve remportée par Charles Coutard).
Pour raisons professionnelles, Marie-Claire Vauthier quitta le pays
de Montbéliard en 1992 et personne ne prit la relève... Un
dernier trial de Beutal fut organisé cette année-là,
puis le MC Sochaux fut dissout !
Toutefois, Guy Totems, l’enfant du pays, Joël Corroy et le Club Trail 70 de Vesoul organisèrent à nouveau un trial régional à Beutal en août 1995. Enfin, le 16 juillet 1996, le club Trail 70 Classic y organisa son 1er trial pour motos anciennes, avec le concours des anciens du MC Sochaux. Malgré la pluie battante, ce fut un succès : 100 participants, 7 nations. Depuis cette date, le club Trail 70 Classic organise tous les ans à Beutal et au Roide, deux trials qui pertpétuent cette grande tradition du pays de Montbéliard.