Amor fati

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Amor fati est une locution latine qui fut introduite par le philosophe allemand Nietzsche au XIXe siècle (et non par le stoïcien romain Marc Aurèle, comme on le dit parfois)[1]. Amor fati signifie « l'amour du destin » ou « l'amour de la destinée », ou plus communément le fait « d'accepter son destin ».

L’amor fati est souvent assimilé au fatalisme, mais c'est un contresens. L’amor fati doit plutôt être considéré comme un amour du devenir et du chaos que constitue parfois la réalité. Cet amour n’est pas une résignation passive face à ce qui arrive, ce n’est pas une obéissance servile aux évènements. L’amor fati a pour sens d'accepter son destin. Soit accepter les choix que nous faisons et qui ont une conséquence sur notre présent. A contrario, l'on doit se refuser d'étiqueter négativement le réel autour de soi, tant pareil jugement prétendument rationnel occasionne une émotion malsaine, ainsi qu'une inadéquation entre la réalité concrète (ou le kairos grec) et soi-même. À tout prendre, l'amor fati permet de véritablement embrasser son propre destin, d'agir dans le kairos et de mieux diriger la fortune.

L’amor fati est la conviction profondément ancrée en soi que le devenir et le chaos sont bénéfiques parce qu’ils nous permettent d’exprimer notre puissance, afin de nous épanouir. Ce concept s'illustre par cette citation de Nietzsche : « tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » (Crépuscule des Idoles, 1888). En effet tout événement qui survient, même le plus atroce, est l’occasion de se dépasser, de devenir plus fort et donc de se sentir plus vivant et plus affirmatif. C’est pourquoi la souffrance en elle-même n’est pas rejetée par Nietzsche : elle fait partie de la réalité et elle est à la fois inéluctable et nécessaire. Il est donc vain et inutile de chercher à la supprimer, mieux vaut chercher à la maîtriser, car cette maîtrise aboutit à la création, étape nécessaire dans l'accomplissement de l'être menant à la figure du surhomme.

Ainsi l’amor fati permet de comprendre que toute la réalité est bonne. Par conséquent, alors que tout le malheur de l’homme est de se sentir étranger sur cette terre, l’amor fati lui permet de se réconcilier avec la réalité. Il permet d’affirmer un idéal, « celui de l’homme le plus généreux, le plus vivant et le plus affirmateur, qui ne se contente pas d’admettre et d’apprendre à supporter la réalité telle qu’elle fut et telle qu’elle est, mais qui veut la revoir telle qu’elle fut et telle qu’elle est, pour toute l’éternité, qui crie insatiablement da capo, en s’adressant non pas à lui, mais à la pièce et au spectacle tout entier, et non pas seulement à un spectacle, mais au fond à celui qui a besoin de ce spectacle et le rend nécessaire ; parce qu’il ne cesse d’avoir besoin de soi et de se rendre nécessaire » (Par-delà bien et mal, 1886, §56).

« Tu dois devenir l'homme que tu es. Fais ce que toi seul peux faire. Deviens sans cesse celui que tu es, sois le maître et le sculpteur de toi-même. »

Interprétation d'Eckhart Tolle[modifier | modifier le code]

Dans Le pouvoir du moment présent, Eckhart Tolle explique en substance que, parce que l'être humain n'a pas fait sien l’amor fati, la faculté mentale de chacun empêche chacun d'être dans le moment présent, ou le kairos grec. De fait, l'esprit, en posant un jugement sur la réalité, nous la fait craindre, ainsi que le futur corrélatif. Ou encore l'esprit nous projetterait dans le futur. Si l'on embrassait l'amor fati, chacun serait autrement plus fort dans le moment présent. Or, pour cause de la prédominance de l'esprit, de ses jugements négatifs et des misères du désir de chacun, l'Occident ne serait plus du tout maître de son propre destin.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Pierre Hadot: La Citadelle intérieure: Introduction aux Pensées de Marc Aurèle, p. 102.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]