Est-il possible de « réhabiliter » Chakib Khelil ?

10:06  mercredi 16 mars 2016 | Par Hadjer Guenanfa | Actualité 
Chakib Khelil - TSA
Chakib Khelil, ex-ministre de l'Énergie (Crédit : D.R.)

Amar Saâdani, secrétaire général du FLN, a appelé à réhabiliter Chakib Khelil et les autres cadres écartés, marginalisés ou jetés en prison. Entretien avec Me Tayeb Belarif, pénaliste.


Amar Saâdani a appelé à réhabiliter Chakib Khelil. Comment une telle chose pourrait se faire concrètement ?

Chakib Khelil n’a jamais été condamné et les éventuelles poursuites ne sont pas infamantes. Ceci dit, la fuite de Chakib Khelil a confirmé qu’il y a eu effectivement des faits dont il pouvait craindre les conséquences. Le juge d’instruction (algérien chargé de l’affaire Sonatrach II) a émis plusieurs commissions rogatoires notamment en direction des autorités judiciaires suisses. Chakib Khelil avait alors fait une opposition à l’exécution de cette commission rogatoire en Suisse. Par l’intermédiaire de ses avocats, il a saisi le tribunal fédéral suisse en prétendant qu’il était poursuivi pour ses opinions politiques. Le tribunal a rejeté son recourt. Le parquet de Genève a décidé d’exécuter la commission et de transmettre les informations aux autorités judiciaires algériennes.

Que reproche la justice algérienne à Chakib Khelil ?

Pour le moment, Chakib Khelil ne fait pas l’objet de poursuite expressément dirigée contre lui en Algérie. Mais il faut que la justice aille jusqu’au bout de son travail. L’ex-ministre de l’Énergie, sa femme et ses enfants possédaient plusieurs comptes dans diverses banques en Suisse qui totalisent plusieurs dizaines de millions de dollars. Si M. Khelil arrive à justifier qu’il possède légitimement ces sommes phénoménales, il n’aura pas besoin d’être réhabilité et il sera blanchi. Sauf qu’en Algérie, il n’y a pas de justice mais un appareil judiciaire qui est aux ordres du pouvoir exécutif. On va laisser le temps s’écouler et puis on va s’apercevoir que la poursuite des infractions est prescrite. Le temps est le meilleur allié des délinquants.

La justice algérienne a lancé un mandat d’arrêt contre lui…

J’ai entendu parler du mandat d’arrêt à travers la presse. Mais je ne suis pas convaincu qu’il était effectif, qu’il était diffusé ou même élaboré dans les formes légales requises pour qu’il soit valable. Je pense que c’était juste de la poudre aux yeux. Ils savent que personne ne viendra les contrôler et que personne ne risque de sanction.

Comment expliquez-vous alors le limogeage du procureur général d’Alger ?

On a mis fin aux fonctions de beaucoup d’autres responsables. Cela ne veut rien dire. Le procureur général d’Alger n’a jamais été inquiété. S’il y avait eu un contrôle, même superficiel, il y aurait eu beaucoup de choses à lui reprocher pénalement parlant : abus de pouvoir, trafic d’influence, forfaitures.

Quand on ordonne de mettre en prison des gens sans raison, c’est quoi si ce n’est un trafic d’influence ? Les magistrats de la cour suprême ont annulé un arrêt de la cour suprême alors qu’il n’y a aucun recours possible concernant ces arrêts. Cela illustre le fonctionnement de la justice algérienne. Le DRS n’a pas disparu. On a effacé le sigle, mais la culture de l’arbitraire et de l’oppression demeure plus forte que jamais.