Aveugle à l'âge de huit ans à la suite d'un bris de lunettes, il a évoqué dans Et la lumière fut (Table ronde, 1953) le rigoureux effort qui le conduisit, élève de khâgne à Louis-le-Grand, aux portes de l'Ecole normale supérieure que le régime de Vichy lui interdit en raison de sa cécité.
Résistant, il contribua à la fondation du journal clandestin Défense de la France qui devait devenir France-Soir, fut arrêté à dix-neuf ans, connut les prisons de Fresnes et de Compiègne avant d'être déporté dix-sept mois à Buchenwald où il portera le numéro 39518. C'est cette dernière épreuve qu'il évoque dans Silence des hommes (Table ronde, 1954) en même temps que l'enrichissement intérieur qu'il en retire. Le monde commence aujourd'hui, son troisième livre (Table ronde, 1960), prolonge cette réflexion sur la possibilité de se forger une ligne de vie dans les plus rudes contraintes.
Rescapé de l'enfer concentrationnaire, il passe deux licences ; lettres et philosophie, est reçu à l'agrégation et, déçu par l'après-guerre, part pour les Etats-Unis où il enseigne le français et la psychologie à l'université d'Honolulu. Il avait consigné le fruit de ses expériences dans Douce, trop douce Amérique (Gallimard) paru en mai 1968.
Venu en vacances en France, il se disposait à faire à Zurich, devant des groupements de jeunes, une conférence sur la " pollution du moi " et devait discuter publiquement de ce sujet avec Mar-cuse quand la mort l'a frappé, mettant fin à un destin dont l'audience ne fut pas à la mesure de la qualité.
Jacques Lusseyran était chevalier de la Légion d'honneur et rosette de la Résistance.
