Billets classés sous « Énergie Est »

D’un bout à l’autre, il y a deux arguments valables et solides dans la question de l’oléoduc Énergie Est. Dans le coin « noir pétrole », il y a les producteurs qui ont besoin d’un nouvel oléoduc pour exporter leur pétrole et le projet Énergie Est est celui qui est le plus prometteur en ce moment pour l’industrie.

Dans le coin « vert écologie », il y a les environnementalistes qui affirment que la meilleure façon de réduire notre consommation de pétrole et d’assurer une transition vers de nouvelles énergies, c’est de ne pas construire de nouvelles infrastructures qui vont permettre d’exporter plus de pétrole et d’en produire davantage.

Quelque part, entre ces deux positions fondamentales dans cet enjeu, les maires de la région de Montréal, avec Denis Coderre à leur tête, annoncent leur opposition au projet. Sur quoi appuient-ils leur décision?

Si c’est pour des raisons économiques, ils n’ont pas tort de dire que les retombées seront faibles pour la région de Montréal. S’ils s’opposent pour des raisons environnementales, ils n’ont pas tort non plus de dire que le pétrole n’est pas exactement une solution durable pour l’avenir de la planète. S’ils le font pour des raisons de sécurité, c’est vrai qu’il y a eu des déversements, mais la discussion peut s’éterniser quand on essaie de déterminer lequel des maux est le moins dommageable, entre les trains et les oléoducs.

Le grand malaise : la péréquation

Une fois qu’on a exposé tous les arguments contre l’oléoduc, nous sommes obligés de constater que l’enjeu se joue à un autre niveau. Le grand malaise canadien, c’est la péréquation. Ce système existe pour réduire au maximum les différences dans le niveau de vie des Canadiens d’un bout à l’autre du pays. Mais, dès qu’une décision est prise quelque part au Canada, il y a toujours quelqu’un pour nous rappeler que la péréquation, largement influencée par les revenus des ressources, devrait peser plus lourd dans la décision que tous les autres arguments.

Le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, est le dernier en lice sur ce plan. Sur Twitter, il a déclaré ceci : « Je fais confiance aux maires de la région de Montréal pour qu’ils retournent poliment leur part des 10 milliards de dollars en péréquation soutenue par l’Ouest. »  A-t-il raison de placer l’enjeu de la péréquation au coeur de la décision sur Énergie Est?

La première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, affirme qu’on ne peut pas aborder les questions climatiques et énergétiques en silos. L’environnement est un défi qui n’a pas de frontière, dit-elle, et l’enjeu énergétique doit être traité en tenant compte des intérêts de tout le pays. Et dans les circonstances, le Canada doit considérer la question de l’oléoduc Énergie Est en évaluant l’intérêt économique et environnemental de tout le pays.

Obligation morale?

Alors, la grande question, c’est de savoir si le Québec a une obligation morale de dire oui à l’oléoduc Énergie Est parce qu’il est l’un des bénéficiaires de la péréquation. Le Québec est le premier bénéficiaire quand on regarde l’enveloppe totale qui lui est versée. Le Québec est la cinquième sur six provinces quand on prend le calcul du versement par habitant. C’est par habitant, je vous le rappelle, que la péréquation est calculée.

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Même si le projet entraînera de faibles retombées économiques pour le Québec et qu’il contribuera à une hausse des émissions de gaz à effet de serre, le Québec doit-il dire oui?

L’argument de la péréquation doit être abordé avec des pincettes. La chute du pétrole abaisse le niveau de richesse de l’Alberta en ce moment, ce qui atténue sa capacité fiscale et réduit l’écart de richesse entre l’Alberta et l’ensemble des provinces au Canada. Il faut donc s’attendre à ce que cette situation vienne réduire la redistribution de la péréquation au pays.

Pour conserver son niveau de péréquation, il faudrait que le Québec voie sa capacité fiscale être réduite considérablement, ce qui est peu probable. Le Québec est en faible croissance, c’est vrai, mais l’Alberta est en récession. L’écart fiscal est appelé à être réduit.

Bien sûr, l’ajout d’un oléoduc permettrait aux entreprises de produire plus de pétrole, d’en exporter davantage, et ainsi d’engranger plus de revenus et de profits, ce qui permettrait au gouvernement de l’Alberta de toucher plus de redevances de l’industrie.

Il faudra toutefois que le prix du pétrole remonte pour que les sociétés, le gouvernement de l’Alberta et toutes les provinces en bénéficient davantage par l’entremise de la péréquation. Donc, approuver l’oléoduc Énergie Est n’est pas un gage d’enrichissement pour la société canadienne.

Le prix du baril au Canada est environ 15 $ plus faible que le prix américain, parce que le Canada manque de capacité de transport et d’exportation. En supposant que cet écart de prix disparaisse, il faudrait tout de même que les cours augmentent sensiblement pour que les pétrolières voient leurs revenus augmenter et pour que les gouvernements en bénéficient.

En supposant que les prix augmentent dans les prochaines années, les producteurs, l’Alberta et le système de péréquation pourraient profiter d’une capacité supplémentaire de transport avec l’oléoduc Énergie Est.

En retour, puisque le prix nord-américain et le prix international sont à peu près les mêmes en ce moment, le coût de l’essence ne serait pas plus bas. Et sur le plan environnemental, construire Énergie Est permettrait d’ajouter de la capacité pétrolière dans l’économie et d’augmenter ainsi les émissions de gaz à effet de serre.

On peut être pour, on peut être contre. Mais la péréquation n’est pas un argument sans faille.

 

On ne peut pas baser une stratégie sur des variations à court terme. Mais on ne peut pas ignorer les effets de la chute des prix du pétrole sur un projet comme celui de TransCanada, qui veut construire l’oléoduc Énergie Est entre l’Alberta et l’Est du Canada. Les cours du pétrole ont chuté de plus de 50 % depuis six mois et on ne sait pas combien de temps va durer cette chute et jusqu’à quand les prix vont demeurer à de faibles niveaux, comme c’est le cas actuellement.

La plupart des analystes sont d’avis que cette situation est temporaire, mais qu’elle pourrait durer tout de même plusieurs mois, peut-être quelques années. Il faudra du temps pour que la production ralentisse véritablement aux États-Unis et que l’offre corresponde mieux à la demande mondiale en pétrole.

petorrrelkeLes pétrolières canadiennes ont besoin d’un prix d’au moins 60 $ le baril pour rentabiliser les projets des sables bitumineux. Ce n’est plus le cas, depuis plusieurs mois déjà. Dans les circonstances, de nombreuses pétrolières réduisent leurs investissements, suppriment des emplois, reportent à plus tard des projets.

Reporter le projet Énergie Est?

On peut se demander si TransCanada n’est pas en train de reconsidérer son investissement dans Énergie Est à la lumière des derniers événements dans le marché. La révision de son projet de terminal pétrolier à Cacouna, officiellement pour protéger les milieux marins, coïncide avec l’effondrement du marché. En même temps, ce projet d’oléoduc est structurant, à long terme, pour l’entreprise. Honnêtement, il serait très étonnant que TransCanada recule. Disons que le contexte actuel n’est pas très porteur pour la pétrolière, qui doit étudier de près toutes ses options.

Fini, l’avantage du prix…

Par ailleurs, vu du Québec et du strict point de vue économique, quel est l’intérêt de favoriser le projet Énergie Est? Est-ce que les arguments qui poussent le gouvernement Couillard à favoriser ce projet tiennent encore? L’argument économique principal pour dire oui à ce projet a toujours été de dire que d’acheter notre pétrole du Canada va coûter moins cher que de l’importer.

Ce n’est plus vrai. L’écart de prix entre Londres et New York, qui existait il y a deux ans, a disparu. Les prix sont maintenant égaux entre les deux marchés, à 48 $US. Le Québec importe son pétrole d’Algérie, de la mer du Nord notamment, dont les prix sont alignés sur le Brent londonien. Le Québec a payé cher ce pétrole dans les dernières années en raison des troubles géopolitiques qui gonflaient le prix international, mais l’écart défavorable s’est estompé.

L’impact du dollar canadien

Si l’Alberta pouvait nous envoyer du pétrole, il coûterait aujourd’hui le même prix que celui qu’on paie en Algérie. La chute du dollar canadien rend tout de même un peu plus cher l’achat du pétrole étranger, mais la chute des cours est telle que la facture d’acquisition est tout de même en baisse. Il faut s’attendre également, avec une remontée progressive des cours du pétrole, à une remontée également du dollar canadien.

Par ailleurs, nous savons que le passage de l’oléoduc sur le territoire du Québec ne permettra pas au gouvernement ni aux municipalités de tirer des redevances particulières.

Je ne dis pas qu’il faut faire ou ne pas faire ce projet. Il y a beaucoup de choses à soupeser sur les plans environnemental, social et économique. Il est important de mettre fin immédiatement à un argument qui n’a jamais vraiment tenu la route pour favoriser ce projet : celui du prix. En ouvrant un débouché dans l’Est pour le pétrole de l’Ouest, le prix canadien va rejoindre le prix international, un prix aujourd’hui équivalent au prix américain.

Bilan 2014 de l’économie

Vendredi 19 décembre 2014 à 16 h 50 | | Pour me joindre

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petro

Cette année se termine sur un événement qui n’était pas prévu, qui est finalement, à mon avis, l’événement économique de l’année. Les prix du pétrole ont chuté de moitié, et bien malin celui qui saura prévoir la fin de cette chute et la remontée des cours.

On produit trop de pétrole sur cette planète pour répondre à une demande qui croît moins rapidement que la production. Et ceux qui occupent les premiers rôles dans le grand ballet pétrolier mondial n’ont pas l’intention de jouer les acteurs de soutien.

L’Arabie saoudite est entrée dans une guerre de prix avec les Américains : les Saoudiens ne vont pas réduire leur exploitation parce que les États-Unis augmentent la production de pétrole de schiste à vitesse grand V!

C’est une mauvaise nouvelle pour le Canada, qui compte sur ses ressources pour s’enrichir. Qui, pensez-vous, va réduire sa production dans la foulée de la chute des prix du pétrole? L’Arabie saoudite a besoin de son pétrole, mais peut vivre avec une chute importante des cours. Les États-Unis sont devenus indépendants du point de vue énergétique et ont l’intention d’augmenter leurs exportations de pétrole. Mais le pétrole de schiste coûte cher à produire. Tout comme les sables bitumineux de l’Alberta, qui ont besoin d’un pétrole à 70 et 80 $ pour atteindre la rentabilité.

En même temps, la chute du pétrole va stimuler l’économie, puisque les prix de l’essence sont en glissade. Cette chute représente une baisse d’impôt de plusieurs centaines de milliards de dollars dans les pays développés, y compris chez nous. Avec la reprise américaine qui semble prendre racine, la baisse du prix de l’essence et du dollar canadien pourrait stimuler les économies de l’Ontario, du Québec et du Nouveau-Brunswick.

Sur le plan environnemental, la reprise économique et la chute des prix du pétrole viennent réduire l’impact négatif des prix élevés sur la consommation d’énergie fossile et l’achat de gros véhicules polluants. Le « signal du prix » est souvent considéré par les économistes comme la meilleure façon de changer les comportements.

PRINCIPAUX ÉVÉNEMENTS DE 2014 

Le top 5 – économie – monde

  1. Chute de 50 % des cours du pétrole
  2. Fin de l’intervention exceptionnelle de la Réserve fédérale
  3. Décélération de l’économie chinoise
  4. Russie : conflit avec l’Ukraine, sanctions économiques, chute du rouble, récession
  5. Quasi-récession en Allemagne : la croissance européenne est anémique

Le top 10 – économie – Québec, Canada

  1. La chute du pétrole affecte les finances publiques de l’Alberta, de Terre-Neuve et du gouvernement du Canada, mais va stimuler les économies centrales
  2. Chute du dollar canadien : impact positif pour les exportateurs et les provinces manufacturières – impact négatif pour les importations
  3. Annonce du projet Énergie Est, projet de 12 milliards de dollars de TransCanada – projet suspendu en décembre pour analyser la nouvelle classification des bélugas du Saint-Laurent, maintenant considérés comme en voie de disparition
  4. Baisse d’impôt pour les 4 millions de familles biparentales au Canada
  5. La réduction de la taille de l’État par le nouveau gouvernement Couillard au Québec : réformes, suppressions de postes, hausse de tarifs, révision des régimes de retraite
  6. Bombardier supprime 1700 emplois, dont 1100 au Québec, année 2015 importante pour l’avenir de l’entreprise
  7. Burger King achète Tim Hortons, transaction de 12 milliards de dollars, siège social en Ontario;
  8. L’Espagnole Repsol offre 8,3 milliards de dollars (15 milliards de dollars en incluant la dette) pour acheter la canadienne Talisman, ce ne sera probablement pas la seule transaction
  9. Démission en février et décès en avril de Jim Flaherty, ministre des Finances du Canada de 2006 à 2014
  10. Québec injecte 115 millions de dollars dans deux projets totalisant 190 millions de dollars avec Pétrolia et Junex, notamment pour explorer l’île d’Anticosti.

PERSONNALITÉS MARQUANTES DE L’ANNÉE

Martin Coiteux : Peu connu du public, cet économiste, que nous recevions à l’occasion à RDI économie, est devenu l’homme de la restructuration de l’appareil de l’État : coupes dans les dépenses, réduction des effectifs, révision des façons de faire. L’homme de la rigueur pour les uns, l’homme de l’austérité pour les autres.

Geoff Molson :  Le succès de son entreprise (et de son équipe) n’est plus à faire. Le Canadien de Montréal vaut maintenant 1 milliard de dollars. Tous les matchs sont joués à guichets fermés. Le Canadien a aussi signé un contrat de diffusion de ses matchs avec Rogers, contrat de 5,2 milliards de dollars pour 12 ans.

Le pouvoir citoyen : L’opposition de groupes environnementaux, de groupes citoyens et même des milieux d’affaires ont eu raison, de toute évidence, du projet de terminal pétrolier à Cacouna. Sur tous les aspects, le projet de TransCanada est dénoncé. Il n’est pas impossible, en retour, que TransCanada propose un nouveau tracé pour son pipeline et un nouveau site pour son terminal pétrolier. Le même pouvoir citoyen semble avoir eu raison du gaz de schiste. Non seulement un moratoire est en cours, mais le dernier rapport en lice, celui du BAPE, conclut au rejet de cette filière énergétique : il n’y a pas d’acceptabilité sociale, les risques sont élevés et la rentabilité économique mettra plusieurs décennies à se réaliser.

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Jim Flaherty

Jim Flaherty : Quelques semaines avant de mourir, Jim Flaherty a déposé son 10e et dernier budget le 10 février. Il a préparé le retour au déficit zéro qui sera officiellement annoncé dans le budget 2015-2016 de son successeur, Joe Oliver. Il a aussi bousillé la promesse des conservateurs, le lendemain de son budget, qui était celle de permettre le fractionnement de revenus pour les familles. Plusieurs ajustements et d’autres mesures ont été nécessaires pour rendre ce fractionnement acceptable politiquement, alors qu’une seule famille sur 10 peut en profiter.

Vladimir Poutine : L’intervention russe en Ukraine a poussé les pays occidentaux à imposer des sanctions commerciales contre Moscou. Avec la chute du pétrole, le pays a plongé en récession et le rouble s’est écroulé. La Russie est aux prises en ce moment avec une stagflation : récession et forte inflation. Le président russe a-t-il perdu la maîtrise de son pays? Comment va-t-il relever l’économie russe?

Jack Ma: C’est le fondateur d’Alibaba, géant chinois du commerce électronique, utilisé par le tiers des Chinois. Son entrée en bourse sur Wall Street en septembre est la plus importante de l’histoire des marchés, valeur de 25 milliards de dollars. Jack Ma a 50 ans et est l’un des hommes les plus riches du monde. Il est l’une des personnalités de l’année du magazine Time.

Thomas Piketty : Il est rare qu’un livre d’économie fasse autant parler, surtout aux États-Unis. De surcroît, un livre de 700 pages, écrit par un Français, socialiste, sur un sujet qui fâche chez les Américains : les inégalités. Son livre a été salué, puis critiqué. Le capital au 21e siècle fait partie des livres importants publiés sur les écarts de richesse.