Tiens, le géant américain de vente en ligne Amazon a décidé de payer ses impôts où ses bénéfices sont réalisés. Rien à voir avec les pressions européennes pour que cesse l’optimisation fiscale, dit l’entreprise. « Nous examinons nos structures régulièrement afin de nous assurer que nous pouvons servir nos clients aussi bien que possible », a déclaré un porte-parole d’Amazon à des médias européens.
Ainsi, depuis le 1er mai, sur les bénéfices réalisés en Allemagne, Amazon va payer ses impôts en Allemagne. Même chose au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie et bientôt en France. Amazon amorce ainsi un mouvement après avoir dû répondre pendant des années à de nombreuses questions sur ses pratiques fiscales.
L’optimisation, très à la mode dans le monde des multinationales, a pour but de réduire au maximum les impôts à payer. C’est pour cette raison qu’une entreprise comme Amazon a choisi de s’installer au Luxembourg, où le niveau d’imposition est faible par rapport à ses voisins européens.
Aujourd’hui, la pression s’intensifie. Le G20 a lancé des négociations sur l’érosion fiscale des pays et le transfert des profits. Le groupe a demandé à l’OCDE de présenter des propositions pour lancer des discussions sur ces enjeux. Sur une quinzaine de propositions, sept ont déjà fait l’objet d’une entente, selon ce qu’a indiqué Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, dans une entrevue à Alternatives économiques.
À cela s’ajoutent les soupçons de la Commission européenne sur les pratiques du Luxembourg, qui aurait octroyé des avantages fiscaux illégaux à Amazon dans la foulée des révélations journalistiques de « LuxLeaks » en novembre dernier.
Extrait d’un article du Monde : « En 2013, l’agence Reuters avait révélé qu’en 2012, en faisant transiter ses ventes depuis sa filiale luxembourgeoise, Amazon n’avait payé en Allemagne que 3 millions d’euros d’impôts sur les sociétés, alors même que son chiffre d’affaires dans ce pays avoisinait les 9 milliards d’euros. »
De toute évidence, recadrer la fiscalité est devenu une priorité. Et on peut se demander si d’autres entreprises, comme Apple, Fiat, Google ou Starbucks vont suivre le mouvement qu’amorce aujourd’hui Amazon. Non seulement la concurrence fiscale en cours est en train de tuer les capacités financières de certains pays, mais elle accentue les inégalités.
La pression pour le statu quo est toutefois forte, écrit Alternatives économiques : « Mi-janvier, le journaliste du Guardian Simon Bowers montrait comment plusieurs groupes de pression professionnels au service des industries de haute technologie – dont les membres incluent Apple, Microsoft, Google, Amazon, Intel, Yahoo!, Facebook, Uber, Netflix, Hewlett-Packard, eBay, IBM et Twitter – se mobilisent très fortement pour attaquer le contenu de Beps (le plan de l’OCDE nommé Base Erosion and Profit Sharing, érosion des bases fiscales et transfert de profits) et tenter une remise en cause politique. »
En plus de mettre fin au transfert de profits, les autorités travaillent aussi à améliorer l’échange d’informations fiscales. Autrement dit, le fisc canadien, par exemple, devrait être informé automatiquement de l’ouverture d’un compte bancaire à l’étranger par l’un de ses citoyens.
Les pays ont mis en place des procédures de déclarations volontaires. Selon Alternatives économiques, « à l’automne 2014, plus de 500 000 contribuables avaient approché leurs autorités fiscales dans neuf pays dans le cadre de procédures de dénonciations volontaires. Au total, 37 milliards d’euros de recettes auraient déjà été récupérés par un ensemble de 25 pays ».
Le succès pour réduire la portée des paradis fiscaux et de l’évitement fiscal s’appuie sur la coordination des politiques fiscales. Le travail du G20, de l’OCDE et de la Commission européenne, à ce titre, est encourageant. Mais plusieurs pays, dont les États-Unis, résistent à des mesures comme l’échange automatique d’informations. Dans ce contexte, la décision d’Amazon en Europe est un pas dans la bonne direction. Pour l’instant, ce n’est qu’un pas. La route sera longue.
Sources : Le Monde, Alternatives économiques