Il est facile de glisser dans le pessimisme ambiant quand on regarde les indicateurs de l’économie canadienne, soit la chute du dollar et du prix du pétrole, l’endettement des ménages et le ralentissement mondial. Mais le gouverneur de la Banque du Canada ne mange pas de ce pain-là.
L’économiste à la tête de la banque centrale, venu de la planète exportations (il dirigeait il y a quelques années l’organisme Exportations et Développement Canada) est un homme optimiste, jovial, positif. Le verre est toujours à moitié plein avec lui. L’économie ira mieux, nous dit-il.
Le passage à vide de l’économie américaine, qui a touché notre économie, est temporaire. L’économie américaine va bien, les taux d’intérêt remontent, nos exportateurs devraient en profiter, affirme Stephen Poloz. L’économie mondiale va retrouver une meilleure vitesse de croisière, nous dit-il aussi, quelque part en 2016. Et le budget fédéral, qui contiendra des mesures de stimulation fiscale, va certainement aider l’économie canadienne.
Au micro, Stephen Poloz se montre prudent, non alarmiste, assez optimiste. Le dollar canadien protège notre économie, va-t-il jusqu’à dire, en amortissant l’effet du choc de la chute du pétrole. Mais, dans le détail de l’analyse de la Banque du Canada, dans son rapport sur la politique monétaire de 32 pages publié aujourd’hui, le portrait est plutôt incertain. L’économie canadienne doit s’ajuster à un prix plus faible du pétrole et à un dollar canadien plus faible également. La banque parle d’un « processus long et complexe d’ajustement ».
Ça veut dire deux choses :
- La chute des ressources entraîne des pertes d’emplois, des faillites d’entreprises, une réduction de revenu pour les citoyens et les gouvernements. Le monde du pétrole, du gaz et des ressources non énergétiques, qui représente 16 % du PIB canadien, est en pleine restructuration.
- « La diminution de la richesse et du revenu intérieur réel, écrit la Banque du Canada dans son rapport, a freiné les dépenses des ménages et les investissements dans le secteur hors ressources. » Il faudra de trois à cinq ans pour que toute l’économie s’adapte à cette nouvelle réalité, celle d’une économique plus diversifiée, moins orientée vers ses ressources.
Dans les circonstances, cinq choses à savoir sur l’économie canadienne à la lecture du rapport de l’institution sur sa politique monétaire :
- La Banque du Canada a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour le Canada, de 2 % annoncé en octobre à 1,4 % aujourd’hui pour l’année 2016, puis à 2,4 % en 2017.
- La banque centrale prévoit que « les cours du pétrole demeureront près de leurs niveaux récents », mais à moyen terme, les prix devraient remonter. Les pétrolières ont réduit leurs coûts de production depuis 2014, ce qui leur permettrait de retrouver une certaine rentabilité à un prix plus faible du pétrole que par le passé. Tout de même, selon la Banque du Canada, « les prix vont probablement demeurer volatils ».
- Des « vulnérabilités » demeurent dans les finances des ménages, parce que le niveau d’endettement est élevé et que certains marchés immobiliers sont surévalués. Ces « vulnérabilités » s’accentuent toujours un peu plus, selon la banque, et devraient prendre un peu plus d’ampleur encore avec la faiblesse continue des taux d’intérêt.
- Les investissements des entreprises ralentissent de façon plus marquée qu’attendu, alors que de plus en plus d’entreprises et de régions du pays disent subir les effets négatifs de la chute du pétrole. Néanmoins, la banque s’attend à une poussée à la hausse des investissements dans la deuxième moitié de 2016.
- Une chute encore plus forte du pétrole pourrait avoir des « incidences négatives sur la confiance et les retombées sur la demande [...] pourraient peser lourdement sur l’économie en général ».
Avec la dégringolade des marchés boursiers mercredi midi, il y a probablement plus d’un épargnant qui s’inquiète de la suite des choses. Notre système économique s’abreuve à des crises régulières, de la crise du pétrole au début des années 80 à la crise financière de 2008-2009, en passant par l’éclatement de la bulle technologique et la faillite de l’Argentine ou de la Grèce. Sans céder à la panique, on ne peut pas sous-estimer les risques qui pèsent sur l’économie canadienne et ceux qui font réagir les marchés boursiers.