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D’un bout à l’autre, il y a deux arguments valables et solides dans la question de l’oléoduc Énergie Est. Dans le coin « noir pétrole », il y a les producteurs qui ont besoin d’un nouvel oléoduc pour exporter leur pétrole et le projet Énergie Est est celui qui est le plus prometteur en ce moment pour l’industrie.

Dans le coin « vert écologie », il y a les environnementalistes qui affirment que la meilleure façon de réduire notre consommation de pétrole et d’assurer une transition vers de nouvelles énergies, c’est de ne pas construire de nouvelles infrastructures qui vont permettre d’exporter plus de pétrole et d’en produire davantage.

Quelque part, entre ces deux positions fondamentales dans cet enjeu, les maires de la région de Montréal, avec Denis Coderre à leur tête, annoncent leur opposition au projet. Sur quoi appuient-ils leur décision?

Si c’est pour des raisons économiques, ils n’ont pas tort de dire que les retombées seront faibles pour la région de Montréal. S’ils s’opposent pour des raisons environnementales, ils n’ont pas tort non plus de dire que le pétrole n’est pas exactement une solution durable pour l’avenir de la planète. S’ils le font pour des raisons de sécurité, c’est vrai qu’il y a eu des déversements, mais la discussion peut s’éterniser quand on essaie de déterminer lequel des maux est le moins dommageable, entre les trains et les oléoducs.

Le grand malaise : la péréquation

Une fois qu’on a exposé tous les arguments contre l’oléoduc, nous sommes obligés de constater que l’enjeu se joue à un autre niveau. Le grand malaise canadien, c’est la péréquation. Ce système existe pour réduire au maximum les différences dans le niveau de vie des Canadiens d’un bout à l’autre du pays. Mais, dès qu’une décision est prise quelque part au Canada, il y a toujours quelqu’un pour nous rappeler que la péréquation, largement influencée par les revenus des ressources, devrait peser plus lourd dans la décision que tous les autres arguments.

Le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, est le dernier en lice sur ce plan. Sur Twitter, il a déclaré ceci : « Je fais confiance aux maires de la région de Montréal pour qu’ils retournent poliment leur part des 10 milliards de dollars en péréquation soutenue par l’Ouest. »  A-t-il raison de placer l’enjeu de la péréquation au coeur de la décision sur Énergie Est?

La première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, affirme qu’on ne peut pas aborder les questions climatiques et énergétiques en silos. L’environnement est un défi qui n’a pas de frontière, dit-elle, et l’enjeu énergétique doit être traité en tenant compte des intérêts de tout le pays. Et dans les circonstances, le Canada doit considérer la question de l’oléoduc Énergie Est en évaluant l’intérêt économique et environnemental de tout le pays.

Obligation morale?

Alors, la grande question, c’est de savoir si le Québec a une obligation morale de dire oui à l’oléoduc Énergie Est parce qu’il est l’un des bénéficiaires de la péréquation. Le Québec est le premier bénéficiaire quand on regarde l’enveloppe totale qui lui est versée. Le Québec est la cinquième sur six provinces quand on prend le calcul du versement par habitant. C’est par habitant, je vous le rappelle, que la péréquation est calculée.

Pour consulter le graphique sur votre appareil mobile, cliquez ici.

Même si le projet entraînera de faibles retombées économiques pour le Québec et qu’il contribuera à une hausse des émissions de gaz à effet de serre, le Québec doit-il dire oui?

L’argument de la péréquation doit être abordé avec des pincettes. La chute du pétrole abaisse le niveau de richesse de l’Alberta en ce moment, ce qui atténue sa capacité fiscale et réduit l’écart de richesse entre l’Alberta et l’ensemble des provinces au Canada. Il faut donc s’attendre à ce que cette situation vienne réduire la redistribution de la péréquation au pays.

Pour conserver son niveau de péréquation, il faudrait que le Québec voie sa capacité fiscale être réduite considérablement, ce qui est peu probable. Le Québec est en faible croissance, c’est vrai, mais l’Alberta est en récession. L’écart fiscal est appelé à être réduit.

Bien sûr, l’ajout d’un oléoduc permettrait aux entreprises de produire plus de pétrole, d’en exporter davantage, et ainsi d’engranger plus de revenus et de profits, ce qui permettrait au gouvernement de l’Alberta de toucher plus de redevances de l’industrie.

Il faudra toutefois que le prix du pétrole remonte pour que les sociétés, le gouvernement de l’Alberta et toutes les provinces en bénéficient davantage par l’entremise de la péréquation. Donc, approuver l’oléoduc Énergie Est n’est pas un gage d’enrichissement pour la société canadienne.

Le prix du baril au Canada est environ 15 $ plus faible que le prix américain, parce que le Canada manque de capacité de transport et d’exportation. En supposant que cet écart de prix disparaisse, il faudrait tout de même que les cours augmentent sensiblement pour que les pétrolières voient leurs revenus augmenter et pour que les gouvernements en bénéficient.

En supposant que les prix augmentent dans les prochaines années, les producteurs, l’Alberta et le système de péréquation pourraient profiter d’une capacité supplémentaire de transport avec l’oléoduc Énergie Est.

En retour, puisque le prix nord-américain et le prix international sont à peu près les mêmes en ce moment, le coût de l’essence ne serait pas plus bas. Et sur le plan environnemental, construire Énergie Est permettrait d’ajouter de la capacité pétrolière dans l’économie et d’augmenter ainsi les émissions de gaz à effet de serre.

On peut être pour, on peut être contre. Mais la péréquation n’est pas un argument sans faille.

 

Sur les plans économique et financier, l’année 2015 au Canada aura été difficile, il faut se le dire franchement. L’économie ne va pas très bien, les marchés boursiers ont offert un rendement négatif, la création d’emplois est faible et… le Canadien ne sait plus comment faire pour gagner! Mais ça, c’est une autre histoire.

Nous voici aux portes de l’année 2016. Voici 20 choses que vous devez savoir!

FINANCES, FISCALITÉ ET PRIX DES TIMBRES!

  • Baisse d’impôt : dès le 1er janvier, le taux d’imposition fédéral sur les revenus entre 45 000 $ et 90 000 $ passera de 22 % à 20,5 %;
  • Hausse d’impôt : dès le 1er janvier, le taux d’imposition fédéral sur les revenus au-dessus de 200 000 $ passera de 29 % à 33 %;
  • Baisse des droits au CELI : en 2016, il vous sera permis de déposer 5500 $ dans votre CELI en plus des droits disponibles des années passées. L’ancien gouvernement avait fait passer ce montant à 10 000 $ pour l’année 2015. Les libéraux ramènent le plafond à 5500 $;
  • Baisse de cotisations à l’assurance parentale au Québec : dès le 1er janvier, réduction de 2 %;
  • Hausse de prestations de la RRQ et du RPC : en 2016, hausse des rentes de 1,2 % au Québec et de 1,3 % pour le Régime de pensions du Canada;
  • Hausse de cotisations à la RRQ : le taux employé/employeur passera en 2016 de 10,50 % à 10,65 %;
  • Changements fiscaux au Québec : dès le 1er janvier, bouclier fiscal pour amoindrir l’effet de l’impôt sur une hausse des salaires et bonification du crédit d’impôt pour travailleurs expérimentés;
  • Hausse des frais de garderie au Québec : dans votre déclaration de revenus, vous devrez payer les frais supplémentaires exigés avec la nouvelle modulation des tarifs en fonction de vos revenus. Consultez le calculateur du ministère des Finances : http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/Budget/outils/garde_fr.asp;
  • Hausse du tarif de base des services de garde subventionnés au Québec : le 1er janvier, le tarif passera de 7,30 $ à 7,55 $ par jour, par enfant;
  • Allocation canadienne pour enfants : une nouvelle prestation pour les familles sera annoncée dans le premier budget du ministre des Finances Bill Morneau en février ou en mars. Cette allocation remplacera les prestations actuelles pour les ménages avec enfants et ne sera pas imposable, ont promis les libéraux;
  • Crédit d’impôt pour fonds de travailleurs à 15 % : le budget doit nous donner la réponse sur le retour du crédit d’impôt fédéral de 15 % sur les investissements faits dans un fonds de travailleurs, comme le Fondaction CSN et le Fonds FTQ. Les libéraux l’ont promis;
  • Les timbres, au même prix : la hausse prévue pour 2016 des timbres-poste est annulée.

LA BOURSE, LE DOLLAR, LES TAUX, LES BULLES!

  • Non, on ne fera pas de projections boursières pour 2016. Aucune idée! Tout ce que je peux vous dire, c’est que 2015 a été décevante. Le S&P/TSX à Toronto a perdu 10 % entre le début de l’année et Noël. Le S&P 500 à New York a offert un beau gros 0 %;
  • La chute du prix du pétrole s’est accélérée en fin d’année : baisse de 30 % en 2015 des cours du pétrole, sous les 40 $ le baril. Allons-nous descendre plus bas en 2016, comme l’Arabie saoudite et l’OPEP maintiennent la pression sur le marché? L’offre continue d’augmenter plus rapidement que la demande et ça va se poursuivre avec le retour à la normale dans les exportations de pétrole en Iran;
  • Le dollar canadien est passé de 0,86 à 0,72 $ US en 2015. Plusieurs économistes prévoient qu’il tombera sous les 0,70 $ US en 2016;
  • Selon plusieurs économistes, des hausses de taux d’intérêt sont à prévoir aux États-Unis, mais une baisse est possible au Canada. Question : jusqu’où va-t-on stimuler le marché immobilier? Il y a déjà de dangereuses bulles à Toronto et à Vancouver. Et je ne parle pas de bulles de champagne!

TOUT EST ÉCONOMIQUE ? OU TOUT EST POLITIQUE?  

  • Élections aux États-Unis en novembre 2016 : Hillary Clinton devrait être la candidate démocrate contre Ted Cruz, Marco Rubio, Donald Trump ou qui encore chez les républicains? Cette élection aura un effet sur les relations entre le Canada et les États-Unis. L’accord de Partenariat transpacifique (PTP) pourrait tomber à l’eau si Hillary Clinton est élue et maintient son opposition. Le projet d’oléoduc Keystone pourrait revivre si les républicains sont portés au pouvoir;
  • Après l’austérité, la rigueur et tutti quanti, une année d’investissements? Le Québec est en surplus et le premier ministre Philippe Couillard a clairement dit, dans ses entrevues de fin d’année, que 2016 serait l’année du « réinvestissement ». Au Canada, le nouveau gouvernement Trudeau a prévu d’enregistrer des déficits de 10 milliards de dollars et plus par année pour investir dans les infrastructures, baisser les impôts et stimuler l’économie;
  • Réforme fiscale au Québec? Après le dépôt du rapport Godbout, le gouvernement Couillard a montré de l’intérêt pour un remodelage de la fiscalité au Québec, mais il semble avoir perdu de son élan. Que nous réserve le prochain budget Leitao?
  • Et quelles seront les nouvelles cibles de réduction de gaz à effet de serre au Canada? Le premier ministre Trudeau a promis un plan en 2016.

Joyeux Noël, joyeuses Fêtes, bonne année 2016! Succès, bonheur, paix, santé, prospérité!

2015 : climat, pétrole, récession

Vendredi 18 décembre 2015 à 16 h 16 | | Pour me joindre

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En venant travailler ce matin, je me disais que c’était donc pratique de marcher jusqu’à l’autobus, puis jusqu’au travail en chaussures et en petit manteau d’automne. J’ai presque sorti mes gants, imaginez! Un matin de décembre à New York ressemble à ça, mais ce n’est pas trop normal pour Montréal, n’est-ce pas?

Un voisin me disait cette semaine qu’il en avait vu, des Noëls sans neige. Et que le phénomène El Nino y est probablement pour quelque chose cette année. N’empêche que d’année en année, on bat des records de températures sur notre belle planète pendant que l’activité humaine ne cesse de réchauffer la Terre.

C’est sur cette note que 2015 se termine. Bien sûr, il y a beaucoup d’autres enjeux qui nous préoccupent et qui retiennent notre attention. Mais l’enjeu climatique, longuement discuté à Paris au cours des deux premières semaines de décembre et qui a mené à un accord à 195 pays, est certainement le défi économique de notre époque. Et ces jours très doux de décembre semblent nous servir d’exemple ou de rappel de la tâche à accomplir pour limiter les dégâts. Parce que c’est de ça dont il s’agit : limiter le réchauffement et non l’empêcher.

Cette année qui s’achève est donc celle d’un espoir : celui de voir les dirigeants du monde se rassembler autour d’un objectif commun. L’accord de Paris est exceptionnel parce que la planète s’est entendue sur un texte, sur un plan de match. Maintenant, à chacun d’établir ses cibles pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Tous devront en faire plus. Les cibles connues pour l’instant ne permettront pas de limiter le réchauffement à 1,5 ou à 2 degrés Celsius.

1- L’accord de Paris

L’accord de Paris est donc l’événement économique de 2015 à mes yeux. On ne peut pas espérer un développement, une prospérité et une croissance durable sans un programme sérieux en matière d’impact environnemental. Il faut réduire notre empreinte carbone, il faut miser sur les énergies renouvelables et les innovations vertes. La décarbonisation de l’économie est en cours. Des investisseurs, des dirigeants d’entreprises, des économistes l’ont compris.

L’entente conclue à la Conférence des Nations unies servira de guide, de cadre pour la suite des choses. Si elle n’est pas aussi exigeante que plusieurs l’auraient voulu, elle est mieux que l’absence d’accord. Elle réunit le monde sur des objectifs précis. L’engagement vaut cher.

parisIl faut donner au gouvernement français, à François Hollande, à Laurent Fabius et à Ségolène Royal le crédit pour cet accord. Beaucoup d’énergies ont été investies dans la réussite de cette conférence. Si l’accord de Paris est l’événement le plus marquant de l’économie en 2015, les leaders français doivent être considérés comme étant les personnalités économiques de l’année. Cet accord aura plus d’effet et sera franchement plus important sur le plan historique et économique que les événements en Grèce.

2- Le drame grec

Cela dit, ce qui s’est passé en Grèce aura aussi marqué 2015. Un nouveau gouvernement de gauche, qui tient tête au FMI avant de céder aux demandes des créanciers pour être finalement reporté au pouvoir en septembre. La tragédie grecque a été totale. Rocambolesque, elle nous a fourni plusieurs épisodes dans nos bulletins d’informations. Le film, toutefois, est répétitif : la dette grecque est insoutenable, l’austérité exigée est trop difficile à imposer et à supporter, et le drame grec risque de se jouer encore.

3- La chute du pétrole

La chute du pétrole s’est poursuivie en 2015. Et contrairement à ce que les économistes nous ont souvent expliqué, la baisse des prix de l’énergie n’a pas galvanisé l’économie mondiale. Au contraire, cette chute des ressources s’accompagne d’une montée d’incertitude qui ramène les investisseurs vers les actifs américains jugés les plus sûrs. La hausse du taux directeur en décembre par la Réserve fédérale, une première en près de 10 ans, ne viendra qu’accentuer cette ruée vers les actifs américains.

La chute du pétrole pourrait se poursuivre pendant que la Chine continue de décélérer et que l’Arabie saoudite refuse de céder un millimètre sur ses parts de marché. Un bras de fer est engagé avec les États-Unis et la Russie, mais surtout avec l’Iran, qui est de retour dans le marché mondial du pétrole avec la levée des sanctions internationales. L’Arabie saoudite ne veut rien céder et l’offre de pétrole demeure abondante, largement plus élevée que la demande.

4- Au Canada : récession, baisse de taux et chute du dollar

L’effondrement du pétrole a entraîné notre dollar canadien en glissade constante. Selon l’économiste en chef de Desjardins, François Dupuis, le dollar tombera sous les 70 ¢US. Les exportateurs pourraient en profiter, mais ils sont aux prises avec une concurrence de plus en plus vive auprès de leur premier partenaire, les États-Unis, qui se tournent de plus en plus vers les produits chinois.

moreanLe Canada affronte aujourd’hui de nouveaux défis structurels. Et comme me l’écrivait l’économiste Jean-Pierre Aubry il y a quelques jours, la récession qu’a connue le Canada dans la première moitié de 2015 n’est pas un accident, mais un avertissement.

Le Canada dépend trop des ressources naturelles. La productivité est trop faible, la chute du dollar canadien n’est plus le signal automatique d’une formidable reprise pour les manufacturiers et les exportateurs. Et le Canada, et surtout le Québec, connaît un vieillissement marqué de sa population.

Il faut ajouter l’endettement des Canadiens, qui soulève des inquiétudes, et l’apparition d’une bulle immobilière dans certains marchés, des zones à risque, selon le ministre des Finances Bill Morneau et le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz.

La réponse des autorités sera importante pour l’avenir économique du pays. Le nouveau gouvernement veut stimuler l’économie et le moment est sans doute propice à une telle approche. Et la Banque du Canada pourrait être tentée d’abaisser de nouveau son taux directeur après l’avoir fait à deux reprises en 2015. Le gouverneur Poloz a même évoqué la possibilité (très peu probable) d’amener le taux directeur en territoire négatif.

5- Les jeunes entrepreneurs

Cette année 2015 nous donne un autre espoir, celui de la place qu’entend prendre la génération Y, les jeunes qui ont aujourd’hui 18 ans, 25 ans, 30 ans. Les jeunes Québécois veulent se lancer en affaires. Ils ont de bonnes idées, ils sont nés avec les technologies, les applications, ce sont des créateurs de solutions. Ils sont créatifs et ils n’ont pas peur de foncer et de se lancer. Ils n’ont pas de barrières géographiques, mentales, culturelles. Ils respirent en français, travaillent souvent en anglais, apprennent une troisième puis une quatrième langue.

L’indice entrepreneurial du Québec nous apprenait récemment que 20 % des Québécois ont l’intention de se lancer en affaires. C’est probablement l’effet des Taillefer, Archambault, Brown, Dutil et j’en passe. Chez les 18-34 ans, ce taux double à 37 %. C’est phénoménal. J’ai interrogé une entrepreneure de 21 ans à RDI économie cet automne, Frédérique Rioux, qui a fondé Millenya, qui organise des événements.

La génération Y n’est pas individualiste. Elle a une vision de la société différente des autres générations. Elle a un rapport au monde qui n’est pas le même que le mien ou celui de mes parents. Les jeunes habitent le monde, via les médias sociaux, interagissent avec lui, voyagent, s’expriment, s’engagent. Ils sont conscients des vrais défis de notre époque : l’environnement et les inégalités sociales.

Ce genre de choses me rend très optimiste.

Le début de la fin du pétrole?

Lundi 14 décembre 2015 à 16 h 47 | | Pour me joindre

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C’est un peu fort en ketchup d’annoncer la fin du pétrole, j’en conviens! De là le point d’interrogation! Si l’accord de Paris sur le climat a le mérite d’avoir rassemblé 195 pays autour d’objectifs communs, les cibles de réduction de gaz à effet de serre devront être plus ambitieuses que ce qui a été annoncé jusqu’à maintenant pour contenir le réchauffement à 2 degrés Celsius d’ici 2100.

Le monde ne se dirige pas avec empressement, disons-le comme ça, vers la fin du pétrole. Mais il y a les signaux d’une baisse d’intérêt à en produire davantage. Et dans 100 ans, ceux qui liront ce texte dans les grandes archives du web (qui aura peut-être disparu, qui sait!) se diront peut-être qu’on voyait juste ou qu’on était complètement dans le champ, finalement!

En fait, si on ne peut pas prévoir la fin du pétrole, il y a deux facteurs qui pourraient tout de même entraîner un ralentissement des investissements dans ce secteur : le prix et l’écologie.

Chute des prix de 65 %

Vous le savez, les cours du pétrole se sont effondrés depuis juin 2014. À Londres, le BRENT est passé de 115 $ le baril à moins de 40 $ aujourd’hui, perdant ainsi les deux tiers de sa valeur.

Dans la foulée, de nombreuses entreprises ont ralenti leurs projets d’investissements pour développer de nouveaux gisements qui coûtent toujours un peu plus cher à mettre en branle. Des milliers de travailleurs ont perdu leur emploi. L’Alberta est en récession, et son gouvernement s’enlise dans les déficits. Et personne n’ose s’avancer sur une reprise prochaine et solide des cours du pétrole.

Le Canada est particulièrement touché par cette crise. Parce que son pétrole n’arrive pas à trouver de nouveaux débouchés avec les projets d’oléoducs qui sont bloqués, et parce que les Américains ont largement augmenté leur production depuis 10 ans, le Canada est un des pays du monde qui doit vendre son pétrole à un prix plus bas que les marchés connus, comme le WTI américain ou le BRENT londonien qui se situent entre 35 et 40 $ le baril.

Au Canada, le prix courant pour ce qu’on appelle le « Western Canada Select » dépasse à peine 20 $. C’est plus bas encore que le prix que peuvent obtenir les producteurs saoudiens, iraniens, irakiens ou vénézuéliens. Le prix canadien est en baisse de 75 % depuis juin 2014. Le prix du pétrole issu seulement des sables bitumineux est à 13 $ le baril, selon Bloomberg, une glissade de 80 % en un an et demi.

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Des risques écologiques, économiques et politiques

Au Québec, le premier ministre Philippe Couillard place l’enjeu sur le plan de la protection de l’environnement. Plus il parle du pétrole d’Anticosti, plus le chef du gouvernement du Québec semble fermer la porte à une exploitation des ressources fossiles de l’île. À Paris, le 5 décembre, il a dit que « s’il y a le moindre risque, le moindre risque pour ce milieu naturel extraordinaire qu’est Anticosti, le projet n’aura pas lieu ». Vendredi, à Québec, il a ajouté que « le délabrement de ce milieu naturel unique ne portera pas ma signature ».

Il est clair que, sur le strict plan politique, le premier ministre ne pourrait éprouver que des difficultés d’ici la prochaine élection québécoise en 2018, en s’évertuant à vouloir produire du pétrole sur l’île d’Anticosti. Le prix de la ressource est faible, les experts ne s’entendent pas sur les retombées économiques potentielles, les risques financiers pour le gouvernement sont élevés tout comme les risques environnementaux. Exploiter le pétrole d’Anticosti n’est pas une solution dans le contexte actuel. Si le baril était à plus de 100 $, comme on l’a vu dans le passé, l’analyse serait différente sur le plan économique, mais le défi serait le même sur le plan environnemental.

Un mouvement de désinvestissement est aussi engagé. De grands fonds d’investissement ont décidé de déplacer leur argent dans des secteurs moins vulnérables aux politiques environnementales et aux risques associés aux changements climatiques. Selon l’ONG 350.org, plus de 500 groupes ont retiré leurs investissements des secteurs du gaz, du pétrole et du charbon. Ces institutions gèrent des actifs évalués à près de 5000 milliards de dollars canadiens.

Il est difficile de croire que nous n’aurons plus besoin de pétrole un jour. Cela dit, la ressource est limitée, les prix sont faibles et le défi climatique est colossal. Il n’est pas étonnant dans les circonstances de voir des gouvernements et des investisseurs se détourner des énergies fossiles pour miser davantage sur les énergies renouvelables.

Nier le consensus mondial des scientifiques sur les changements climatiques, c’est offrir gratuitement de son temps aux producteurs les plus polluants, notamment les producteurs d’énergie fossile. Ceux à qui le chapeau fait, ils vous disent merci!

J’imagine que ces gens, qui nous encouragent à l’inaction pour ce qui est des énergies fossiles, ne font pas du tout partie de ceux qui dénoncent les mouvements du prix de l’essence et les profits faramineux des grandes pétrolières.

Je présume aussi qu’ils savent que le réchauffement climatique aura des répercussions dévastatrices sur les pays les plus pauvres de la planète, ce qui poussera des millions de personnes à fuir. Ça fera des millions de réfugiés.

Tout ça pour dire que si vous vous intéressez à l’économie, à la création de richesse, à sa redistribution, à la création d’emplois et au développement durable, un accord ambitieux à Paris d’ici deux semaines est essentiel. Pour trois grandes raisons :

  1. Nous sommes déjà très en retard : le réchauffement est en cours et le mieux qu’on puisse espérer aujourd’hui, c’est de limiter le réchauffement à 2 degrés Celsius d’ici 2100.
  2. Les entreprises aiment avoir des balises claires, des cibles précises, des données, des chiffres, des prévisions, un cadre réglementaire qui ne change pas, pour être capables d’intégrer ces coûts dans leur plan d’affaires et de se préparer à long terme.
  3. Les économistes, les dirigeants d’entreprises, les comptables, les fabricants, les fournisseurs, les exportateurs, les détaillants et les entrepreneurs ne veulent pas être les victimes des changements climatiques. Ils veulent saisir l’occasion qui se présente. C’est vrai qu’il est difficile de prévoir l’avenir et de chiffrer avec exactitude le prix de l’inaction. Mais compte tenu de ce qu’on sait sur le plan scientifique, n’est-il pas plus intéressant de faire partie de la solution dans le contrôle des émissions de gaz à effet de serre que le contraire?

Pour atteindre les objectifs qui seront négociés à Paris dans les prochains jours, les entreprises et les gouvernements doivent travailler sur plusieurs fronts :

  • encourager les technologies qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre ou de les compenser;
  • stimuler la recherche et l’exploitation d’énergies renouvelables pour amorcer la nécessaire transition énergétique;
  • continuer de mettre en oeuvre des politiques qui ont pour seul objectif d’améliorer notre efficacité énergétique;
  • adopter des incitatifs fiscaux qui ont pour but de modifier certains comportements : la taxe sur l’essence est un incitatif, même s’il n’est pas populaire. Mais de faibles coûts sur les transports en commun représentent une avenue intéressante pour l’environnement… et le portefeuille!

L’agence économique la plus réputée du monde, c’est Bloomberg. Et c’est probablement cette agence qui a réalisé l’infographie la plus spectaculaire pour nous faire comprendre l’enjeu. C’est ici.

bloomberg

La mise à jour économique et budgétaire du nouveau ministre des Finances du Canada Bill Morneau doit être analysée en deux temps : les comptes pour l’exercice en cours et l’exercice général de révision qui a été fait.

D’abord, la stratégie. Il était écrit dans le ciel qu’en arrivant au pouvoir, le nouveau gouvernement allait annoncer que l’exercice en cours n’allait pas permettre de dégager un surplus, mais plutôt un déficit. Sans dire que le gouvernement précédent leur a laissé un cadeau empoisonné avec des milliards de déficits cachés, le nouveau ministre des Finances a tout de même présenté sa révision budgétaire comme étant un constat : voilà la situation que les conservateurs nous ont laissée.

Ainsi, ce n’est pas un surplus de 1,4 milliard de dollars qui sera enregistré cette année, mais un déficit de 3 milliards de dollars. Pourquoi? Parce que les investissements des entreprises seront plus faibles qu’attendu et parce que le nouveau gouvernement rétablit des marges de prudence. Du PIB nominal prévu en 2015, le ministère des Finances retranche 25 milliards de dollars.

Stratégiquement, le gouvernement Trudeau n’a aucun intérêt à se battre pour maintenir le dernier budget conservateur en surplus. Au contraire, en allant de l’avant avec les mesures promises dans leur plateforme électorale, les libéraux pourront dire que ce n’est pas eux qui ont fait replonger l’État en déficit, mais bien le gouvernement précédent.

C’est aussi stratégique que de réviser à la baisse toutes les projections d’ici cinq ans. La croissance sera moins forte que prévu, la remontée du pétrole sera plus faible qu’attendu et le retour de marges de prudence plus importantes permette aux libéraux de noircir le tableau : les surplus envisagés pour les prochaines années par les conservateurs deviennent des déficits dans la mise à jour économique et budgétaire. Quand les libéraux feront leurs investissements en infrastructures, leurs déficits s’ajouteront à des déficits déjà existants.

Maintenant, si on regarde l’ensemble de l’exercice, le ministère des Finances vient de ramener la prudence dans le cadre budgétaire. Les prévisions de croissance du PIB tiennent compte du ralentissement de la Chine et de l’impact prévisible de la hausse des taux aux États-Unis sur les économies émergentes.

Beaucoup d’investisseurs pourraient déplacer leurs avoirs vers les obligations américaines qui deviendraient plus payantes avec des taux plus élevés. Ces investissements seront vus comme plus sûrs que les pays émergents dans un contexte de faible croissance mondiale.

L’ancien ministre des Finances Joe Oliver avait puisé dans la réserve pour éventualités et dans les marges de prudence pour atteindre l’équilibre budgétaire. Les libéraux rétablissent une marge de prudence de 20 milliards sur le PIB nominal, ce qui est sain, selon les économistes du secteur privé. Le nouveau ministre a aussi opté pour un retour très progressif à la hausse des cours du pétrole.

Dans toute planification budgétaire, il est nécessaire et responsable d’être prudent. C’est l’approche de ce nouveau gouvernement. On ne peut s’empêcher en retour de croire qu’il y a un intérêt politique à noircir le tableau comme on vient de le faire. Cette mise à jour nous ramène à des projections plus réalistes, certes, mais elle donne une marge de manœuvre encore plus grande au gouvernement Trudeau.

C’est un peu le retour de la technique de l’ex-ministre des Finances Paul Martin : on baisse les attentes, on surprend ensuite avec des chiffres meilleurs que prévu!

obamaEn fin de mandat, le président Obama cherche à conclure sa présidence de huit ans sur une note toute verte. En arrivant à Paris dans trois semaines pour le sommet sur le climat, il veut faire partie de la solution, il veut être celui qui aura fait prendre aux États-Unis le virage nécessaire vers le développement durable, vers une économie qui sera un peu plus en phase avec les capacités de la planète. Le consensus scientifique mondial sur les changements climatiques doit nous amener vers des gestes concrets. Le président des États-Unis l’a compris.

Cela dit, rejetant le projet Keystone en citant des arguments à la fois économiques et écologiques, Barack Obama pose un geste de rupture dans le développement économique des États-Unis. Ce président, qui a multiplié les annonces d’investissement dans l’éolien et le solaire notamment, a aussi permis, faut-il le souligner, à l’industrie pétrolière de prospérer et de redevenir une puissance mondiale. Les Américains produisent du pétrole et en consomment comme jamais!

Grâce à la révolution du gaz de schiste, plusieurs producteurs américains se sont lancés dans l’exploitation du pétrole de schiste. L’exploitation américaine de pétrole a doublé en cinq ans. Avec la chute du prix du pétrole, la production a toutefois ralenti dans les derniers mois. Mais, les États-Unis sont aujourd’hui les premiers producteurs de pétrole du monde, à plus de 9 millions de barils par jour, avec l’Arabie saoudite et la Russie.

C’est ce même pétrole de schiste, du Dakota du Nord, qui a permis à l’industrie ferroviaire de retrouver une ère de grande prospérité depuis cinq ans, ce même pétrole qui a ravagé le centre-ville de Lac-Mégantic le 6 juillet 2013, fauchant la vie de 47 personnes. Cette tragédie n’a jamais empêché l’industrie de poursuivre sa croissance puisqu’aujourd’hui, 1 million de barils de pétrole par jour sont transportés par train aux États-Unis.

L’industrie des pipelines aussi profite du boom pétrolier américain. Le Financial Times rapportait mardi que, depuis 2010, les Américains ont construit 19 000 kilomètres de conduits de pipelines. Sous la présidence de Barack Obama, depuis cinq ans, c’est 10 fois le projet Keystone qui a été développé en oléoducs.

Le Canada continue de tirer des bénéfices de la soif pétrolière américaine. En août dernier, les Américains importaient 3,4 millions de barils de pétrole par jour du Canada, un record. Les exportations canadiennes de pétrole vers les États-Unis ont bondi de 1,2 million de barils par jour depuis 2008, une hausse de 64 %.

Oui, le président américain pose un geste de rupture en refusant le projet Keystone. Mais, non, le virage vert est loin d’être complété. Il s’amorce à peine. Avec ou sans Keystone, l’exploitation canadienne poursuit son expansion et la transition écologique, chez nos voisins du sud comme chez nous, sera longue.

Le cadre financier du NPD

Mercredi 16 septembre 2015 à 18 h 11 | | Pour me joindre

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Le NPD s’inscrit à contre-courant en proposant une hausse des impôts des entreprises. Non seulement le Canada a largement réduit les impôts des sociétés depuis 15 ans, en faisant passer le taux de 28 à 15 %, mais d’autres pays l’ont aussi fait. Sur 34 pays analysés par l’OCDE, 32 ont baissé les impôts des sociétés depuis 15 ans.

Est-ce une raison pour ne pas les augmenter? Je vous laisse vous positionner sur ce point, mais il est important pour le NPD de chiffrer les effets économiques d’une telle décision.

En fait, même pour les gens qui seraient d’accord avec une hausse des impôts des entreprises, il est essentiel de savoir si certaines sociétés seraient tentées de réduire leurs investissements et leur nombre d’emplois au Canada. Dans un monde de forte concurrence fiscale, la hausse des impôts des entreprises est-elle la plus judicieuse en ce moment?

L’enjeu du financement des services publics est extrêmement important. Les baisses d’impôt aux entreprises, les avantages fiscaux de toute sorte pour attirer des investissements et toutes les stratégies d’évitement fiscal sont en train de saigner les États.

Comment faire pour mettre fin à cette fuite fiscale? La stratégie du NPD vise à corriger cette situation, mais sera-t-elle efficace?

Des projections budgétaires à la baisse

Le NPD veut maintenant équilibrer le budget tout en investissant massivement dans les infrastructures, la santé et les garderies. Comme un éventuel gouvernement néo-démocrate promet un surplus dès son premier budget, dans quelles dépenses le parti va-t-il couper? La question est sérieuse parce que le cadre financier s’appuie sur une projection optimiste de la croissance économique, celle qui était présentée dans le budget Oliver du printemps dernier.

Depuis, les projections de croissance ont été révisées à la baisse par les économistes du secteur privé et par la Banque du Canada. Et les prix du pétrole ne se relèvent pas. « Compte tenu du fait que les projections économiques ont changé de façon significative depuis mars 2015, m’écrivait l’économiste Jean-Pierre Aubry en début de journée, les partis politiques ne peuvent pas utiliser les données du  plan budgétaire 2015 comme projection budgétaire de base. »

Il y a trois bonnes raisons à cela :

  • la croissance mondiale est plus faible que prévu avec la Chine, notamment, qui ralentit. Cette situation touche le Canada, dont la croissance du PIB ne devrait atteindre que 1,1 % cette année et pourrait ne pas dépasser les 2 % l’an prochain selon plusieurs économistes du secteur privé;
  • les prix des ressources, surtout du pétrole, demeurent faibles : les projections gouvernementales s’appuyaient sur un baril de pétrole à 54 $ cette année et à 67 $ l’an prochain. Or, nous sommes toujours autour de 45 $. « Le prix du baril de pétrole devrait être de 20 à 25 % plus bas que dans le dernier plan budgétaire », selon Jean-Pierre Aubry ;
  • et si le prochain gouvernement veut jouer de prudence, peu importe sa couleur, il devrait réanimer une provision pour les imprévus de 3 milliards de dollars au lieu de 1 milliard comme on l’a annoncé dans le dernier budget.

Ainsi, non seulement le cadre financier du NPD s’appuie sur des projections optimistes, mais il est avare de détails sur les dépenses supplémentaires prévues. Pour un parti qui cherche à établir sa crédibilité en finance et en économie, on espère en savoir davantage avant le 19 octobre.

LE PROGRAMME DU NPD EN 5 POINTS :

  • Équilibre budgétaire dès le premier budget
  • Hausse du taux d’imposition des entreprises de 15 à 17 %
  • Hausse d’impôt des particuliers : fin du fractionnement de revenu | baisse de 50 % du plafond CELI
  • Implantation d’un réseau de garderies publiques à 15 $ par jour
  • Investissements supplémentaires dans les infrastructures et l’emploi de 3 à 3,5 milliards de dollars par année

Investir dans les infrastructures stimule l’emploi et l’économie. C’est une équation assez simple, normale et reconnue. Les gouvernements doivent bâtir des routes, entretenir les viaducs, installer des ponceaux, refaire des canalisations. Ils doivent mettre des milliards de dollars chaque année dans la construction et la réfection d’infrastructures.

Dans la campagne électorale en cours, les partis en présence font des promesses d’investissements dans les infrastructures. Les conservateurs ont proposé dans leur dernier budget d’ajouter 750 millions de dollars de plus aux investissements en infrastructures au pays à partir de l’exercice 2017-2018. Le NPD promet d’ajouter 1,5 milliard avant la fin d’un éventuel premier mandat gouvernemental. Et les libéraux proposent de doubler les sommes prévues sur 10 ans, pour les faire passer de 65 à 125 milliards de dollars.

Quel est l’effet d’une hausse des investissements dans les infrastructures sur la situation budgétaire du gouvernement?

Pour financer les infrastructures, le gouvernement emprunte sur les marchés financiers. Par le truchement des obligations qui sont émises et que, vous, concitoyens, vous pouvez acheter pour épargner, le gouvernement finance ses investissements. Ainsi, la dette totale du gouvernement augmente lorsque l’État injecte des milliards dans ses infrastructures. Dans le budget, si la dette augmente, les coûts en intérêt vont augmenter, à moins que les coûts d’emprunt soient en baisse, ce qui pourrait amoindrir les coûts d’intérêt. Alors, oui, la dette augmente, mais sur le plan budgétaire, l’incidence est modeste.

Est-ce que d’investir dans les infrastructures stimule vraiment l’économie?

C’est une vieille recette pour les gouvernements. Quand ça va mal, l’État injecte plus d’argent dans les infrastructures pour soutenir l’économie. On peut inscrire cette façon de faire dans une approche keynésienne de l’économie : l’État investit, agit, intervient pour soutenir l’économie et pour suppléer au manque d’investissements privés. Barack Obama l’a fait dans la foulée de la Grande Récession. Jean Charest l’a fait aussi, dans un contexte différent toutefois : le Québec avait bien besoin en 2008-2009 d’investissements dans ses infrastructures croulantes!

Pour le Canada, est-ce la solution?

Dans la mesure où le Canada glisse possiblement en récession, investir dans les infrastructures est sans doute une solution économique éprouvée. De plus, augmenter la dette au Canada n’est pas un enjeu névralgique parce que le ratio dette/PIB du Canada est parmi les plus bas du G7. Et bien que le surplus annoncé dans le dernier budget Oliver ne tienne qu’à un fil, un déficit de 2,5 ou 10 milliards à ce moment-ci ne représente que de la petite monnaie comparativement à une économie de plus de 2000 milliards de dollars de PIB!

Si on s’endette davantage pour investir dans les infrastructures, ça change quoi pour le Canada sur le plan économique?

À court terme, ça stimule l’économie. Mais, à moyen et à long terme, on peut se demander ce que ça change aux problèmes fondamentaux de l’économie canadienne que nous avons commencé à aborder dans mon billet de mercredi dernier. La croissance du Canada est lente depuis plusieurs années, que le pétrole soit élevé ou non. Et les revenus budgétaires du Canada dépendent trop des ressources, dont les prix sont en baisse et dont la hausse n’est pas prévisible à court terme.

La productivité, c’est-à-dire l’amélioration de la valeur de production par heure de travail, stagne au pays. L’enjeu fondamental, c’est de rendre notre économie plus compétitive, plus concurrentielle, plus efficace et diversifiée, plus verte aussi, peut-être moins dépendante des aléas internationaux. Ces enjeux-là sont les vraies priorités du Canada.

Dans un texte qu’ils nous ont fait parvenir ce matin, le gestionnaire de placements Benoit Durocher et l’économiste Richard Beaulieu, d’Addenda Capital, citent le professeur d’économie Richard Thaler, de l’Université de Chicago, qui prononçait un discours à Montréal en mai dernier : « C’est une tragédie de voir les gouvernements ne pas emprunter à des taux d’intérêt en ce moment négatifs pour financer des projets d’infrastructures. » Benoit Durocher et Richard Beaulieu ajoutent qu’on devrait profiter des taux faibles pour investir dans les infrastructures qui génèrent de nouvelles innovations et qui stimulent la productivité.

Et donc…

Si le prochain gouvernement du Canada veut retrouver un équilibre budgétaire durable, non seulement il devra éviter d’amputer ses revenus en réduisant les taxes et les impôts, mais il devra travailler à une plus grande stabilisation de ses revenus budgétaires. Depuis plus d’une décennie au Canada, on se comporte comme si le prix du pétrole allait toujours augmenter.

Alors, comment générer une nouvelle croissance économique et plus de revenus pour l’État? Si la dette augmente parce qu’on investit, il faut nécessairement plus de croissance et plus de revenus. Espérons que les partis qui veulent notre confiance nous présenteront bientôt un cadre fiscal à long terme crédible.

 

Le fragile équilibre budgétaire

Mercredi 26 août 2015 à 14 h 05 | | Pour me joindre

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Dans la mesure où le prix du pétrole allait demeurer élevé, le plan de match budgétaire du gouvernement conservateur fonctionnait. Qu’on soit d’accord ou non, jusqu’à l’an dernier, le retour à l’équilibre allait bon train, avec les compressions dans les dépenses, la hausse continuelle des revenus, la réduction année après année du déficit et la réduction des impôts.

Aujourd’hui, avec la chute de 60 % des prix du pétrole, la situation budgétaire s’est considérablement fragilisée. De peine et de misère, le ministre des Finances Joe Oliver est arrivé à dégager un surplus dans le budget 2015-2016 qu’il a présenté en avril dernier, un surplus qui sera, de toute évidence, difficile à atteindre compte tenu du ralentissement de l’économie. Une récession technique, soit deux trimestres négatifs de suite, devrait être confirmée mardi prochain par Statistique Canada.

En fait, en baissant les impôts des entreprises, en abaissant la TPS à deux reprises, en bonifiant un cadeau fiscal comme le CELI, en élargissant la Prestation universelle pour enfants et en permettant le fractionnement des revenus des couples qui ont des enfants de moins de 18 ans, le gouvernement s’est privé de dizaines de milliards de dollars en revenus annuellement. L’objectif de ces mesures était de remettre de l’argent dans les poches des contribuables et de stimuler ainsi, par leur consommation, l’économie canadienne.

En théorie, ça peut marcher. En pratique, dans la réalité, ces soutiens économiques n’ont pas permis au Canada d’améliorer véritablement son bilan économique. L’économiste Éric Pineault nous dit souvent qu’il observe, lui, depuis 2010, une véritable stagnation de l’économie canadienne et des pays occidentaux en général. Un autre économiste, Jean-Pierre Aubry, préfère parler de croissance lente.

Ce matin, dans le Globe and Mail, l’ancien sous-ministre aux Finances à Ottawa Kevin Lynch écrit que la croissance canadienne est lente depuis un bon moment déjà, et que c’est le boom pétrolier qui a permis de masquer quelque peu cette situation au cours des dernières années. Aujourd’hui, l’effondrement des cours du pétrole exprime avec clarté le manque de diversification de l’économie canadienne.

Pour arriver à l’équilibre en avril dernier, le ministre Oliver a usé de quelques stratégies que nous avions expliquées à l’époque :

  • il a réduit sa réserve pour éventualités de 3 à 1 milliard de dollars;
  • il a empoché 1 milliard de dollars en vendant des actions de GM;
  • il a réorganisé la caisse des congés maladie et invalidité de la fonction publique, un gain de 1 milliard de dollars dans les comptes du gouvernement;
  • et il a réduit la marge de manoeuvre du gouvernement face aux prévisions du secteur privé sur le PIB : plutôt que de retrancher environ 3 milliards de dollars de ses revenus, il n’a enlevé que 1 milliard, un gain donc de 2 milliards.

La baisse des taux d’intérêt et le surplus de l’assurance-emploi ont aussi permis au gouvernement d’atteindre l’équilibre.

Selon l’économiste Jean-Pierre Aubry, le ralentissement de l’économie et le rétablissement des marges habituelles de prudence (face au privé et la réserve de 3 milliards) devraient se traduire par un déficit d’environ 5 milliards de dollars en 2015-2016, et non un surplus de 1,4 milliard.

Ainsi, peu importe qui prend le pouvoir le 19 octobre prochain, l’atteinte du déficit zéro cette année nécessitera soit un rebond économique formidable, une hausse des prix du pétrole ou des compressions importantes dans les dépenses.