«Quand on a tout perdu, il ne nous reste que la culture» Alors commençons par réhabiliter nos grandes figures. Décédée en 1984, Bahia Farah, la célèbre chanteuse algérienne et kabyle née en 1917 dans la région de Bouira, vient d'être réhabilitée parmi les siens grâce au colloque qui lui a été consacré par la direction de la culture et l'association des activités culturelles de Bouira, au niveau de la maison de la culture, qui est en instance d'inauguration dans le chef-lieu de wilaya. Ainsi, après avoir été frappée par l'oubli prémédité du système de la pensée unique, Bahia Farah, de son vrai nom Bounouar Fatma-Zohra, a été ressuscitée auprès du public de Bouira, dont des anciens fans du passé qui ont été bercés par ses chansons à travers la radio, et la nouvelle génération émerveillée de découvrir une femme qui, avec son courage et son talent, a bravé tous les interdits et contribué activement, à l'aide de sa voix, à l'indépendance de son pays. Elle est devenue la vedette de la chanson de l'algérianité dans toute sa splendeur. Des membres de sa famille, dont sa belle sur qui s'est déplacée d'Alger pour témoigner sur le vécu de la défunte, étaient également présents. Lors de la conférence animée mardi dernier par Abdelkader Bendameche et Kamel Hamadi sur la vie et le parcours artistique de Bahia Farah, on apprend que depuis l'âge de 14 ans, après une enfance vécue comme orpheline, Bahia s'est envolée en France avec son oncle, où elle a fait ses débuts comme danseuse puis choriste avant de devenir chanteuse interprète en côtoyant les grandes figures du monde de la chanson et de la musique de l'époque, dont Mohamed El- Jamoussi (Tunisien), Hocine Slaoui (Marocain) et Mohamed El- Kamel, ainsi que les vedettes de la chanson kabyle et algérienne comme Slimane Azem, Allaoua Zerrouki, Salah Sadaoui et Akli Yahiatène, ainsi que Kamal Hamadi qui lui fut d'un grand apport et qui dira d'elle : «Bahia a interprété quelques-unes de mes chansons et par la suite, elle interprétera d'autres chansons écrites par elle-même, par Missoum, et son époux Mohamed Temmam, le célèbre peintre miniaturiste et musicien algérien.» Pour sa part, M. A. Bendameche a indiqué que l'essentiel du répertoire de Bahia Farah tourne autour de l'exil, de l'amour et du patriotisme du fait que pendant la période de la révolution algérienne, elle fut chargée par le FLN de la sensibilisation au profit de la cause nationale. Pour ce faire, elle monta la célèbre troupe artistique du FLN composée de 24 membres dont Mustapha Sahnoun et Mohamed Boudia, toujours en vie. Pour la journée du mercredi, une seconde conférence a été animée par Abdenour Abdesslam et Ramdane Lesheb sous le thème «Le chant féminin de la guerre de Libération» où les qualités de femme militante, courageuse et d'artiste hors pair de Bahia Farah ont été mises en exergue. Devant sa belle-sur qui venait de découvrir pour la première fois l'autre facette de la vie de la défunte, les conférenciers ont salué l'initiative de la direction de la culture à rendre hommage à cette célèbre femme qui était animée de grandes qualités artistiques, et d'une générosité exemplaire. «Parler de Bahia aujourd'hui et la présenter pour les jeunes, c'est un devoir historique et c'est le meilleur geste pour sauver la culture», dira l'un des intervenants, tout en déplorant le fait qu'elle fut marginalisée et oubliée après sa mort par des responsables qui ont tenté dans les années 1980 d'effacer de la mémoire collective algérienne de nombreuses grandes figures de la culture algérienne. Amine Han UNE CLÔTURE EN APOTHEOSE Ils étaient tous là, ses amis, sa famille Cérémonie grandiose que cette clôture du colloque dédié à l'artiste Bahia Farah. Des amis de la défunte, ceux qui l'avaient côtoyée comme Kamal Hamadi et Abdelkader Bendameche (ces deux artistes étaient absents jeudi où ils devaient animer une émission sur la défunte sur Canal Algérie, mais ils avaient témoigné lors des première et deuxième journées du colloque qui a duré trois jours ), Akli Yahiatène qui a égayé le public avec son inoubliable chanson Ya lmanfi ou encore Lghorba Touwâr; Salima, l'animatrice de la Chaine II ; Taleb Rabah qui n'a pu chanter à cause de son âge avancé ; Djamel Allam qui a chanté Uretsru a thamgharth; Ldjida Thamechtouhth ; Anissa, (Djamila et Nna Chrifa n'ont pas pu faire le déplacement pour cause de santé ), ou simplement connu comme Chabha qui a chanté en duo avec Hassen la chanson que la défunte avait chanté avec Slimane Azem, l'autre monument de la chanson kabyle Atas Issevreghou encore Dalila Brahmi qui a chanté la chanson avec laquelle tout le monde avait découvert Bahia Farah dans les années 1960, Yeqsiyi Wezrem. Tous ces amis étaient là pour témoigner du talent hors pair de Bahia Farah, cette belle femme qui alliait beauté et voix mélodieuse et berçante. D'autres artistes qui figuraient dans son antique troupe artistique du FLN que la défunte avait elle-même montée en 1957 pour faire part de la voix et du combat du FLN à travers plusieurs pays étaient présents comme Mustapha Sahraoui et Mohamed Boudia. D'autres anonymes qui aimaient la défunte, il y en a eu des centaines ce jeudi dans la majestueuse salle de spectacles de la Maison de la culture de Bouira. La famille de Bahia Farah était tout simplement émue ne pouvant décrire avec les mots la joie et la fierté de se revendiquer de cette grande dame. La direction de la culture de la wilaya de Bouira, à sa tête Aomar Reghal, a réussi le pari de ressusciter la culture avec des hommages dignes de notre pays, après celui dédié à Djamel Amrani. Des cadeaux ont été remis à la famille de la défunte et à tous les artistes qui ont effectué le déplacement à Bouira pour assister à cet hommage.