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I. Études libres

Les cimetières des « esclaves turcs » des arsenaux de Marseille et de Toulon au XVIIIe siècle

Régis Bertrand
p. 205-217

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Texte intégral

  • 1 Masson, 1937 : 279-401, 285, note 1, remarques sur le cimetière : Zysberg, 1987 : 347 sq. : le regi (...)

1Parmi les problèmes posés par la présence d’« esclaves turcs » sur les galères de France, figure celui de leur lieu d'inhumation1. Un cimetière musulman a existé sous l'Ancien Régime près de l'arsenal de Marseille et un autre fut établi pour les « Turcs » de l'arsenal de Toulon, lorsque la chiourme y fut transférée. Si ce dernier n'a guère laissé de traces dans la mémoire collective, il n'en est pas de même de l'enclos marseillais. Dans une ville en contact étroit avec l'Empire ottoman et ses dépendances, cet espace dévolu à l'islam a excédé sa fonction funéraire pour devenir un lieu de prières. Il a de plus fait l'objet d'une tradition érudite qui a nourri la légende selon laquelle une mosquée aurait existé à Marseille sous l'Ancien Régime, voire qu'elle subsisterait encore, au prix de démontages de ses pierres d'appareil et de transferts successifs.

Des origines imprécises

2L'origine d'un tel cimetière posait dès le XVIIIe siècle problème à l'administration. « II n'a rien été trouvé dans les papiers du bureau sur l'établissement fait pour cela à Marseille » écrit, le 5 janvier 1750, le marquis de Rouillé, secrétaire d'État à la Marine à l'intendant de la Marine E-N. Levasseur de Villeblanche lorsqu'il s'agit de réaliser celui de Toulon : et E-N. de Villeblanche lui répond le 29 janvier :

  • 2 Arch. 3° rég. maritime (Toulon) 1 A1-35 P 164 : Arch. nat. Marine B3-481 P 50-51 (et copie Arch. 3° (...)

« j'avais écrit à M. de Sinety pour savoir de luy si le cimetière qui est établi à Marseille pour les Turcs avait été fait aux frais du roy ou si le corps des esclaves l'avoit fait à ses frais. Cet ordonnateur m'a répondu que par la recherche qu'il en avait fait dans les registres du contrôle il n'avait rien pu découvrir sur cela2. »

3Certains historiens ont transformé en évidence cette remarque prudente de l'annaliste marseillais J.-J. Grosson formulée en 1777, alors que le cimetière vient de soulever un menu incident avec la régence d'Alger :

  • 3 Ces textes sont apparemment la seule source imprimée concernant le cimetière antérieure au XIXe siè (...)

« Les mahométans disent que ce droit leur a été acquis par réciprocité de ce que les puissances barbaresques nous ont permis d'établir des chapelles dans les bagnes des esclaves chrétiens qui sont dans leurs états. Nous n'avons pu vérifier ces titres mais cette opinion nous paraît porter un caractère de raison et de vérité » (Grosson, 1777 : 213-214 : 1778 : 297-298)3.

4Grosson énonce en fait ici le principe qui semble à l'origine du cimetière. Aucune trace de sa fondation n'a pu être retrouvée : en revanche, la très longue lettre qu'Hadji Chaban, dey d'Alger, adressa le 23 juillet 1691 à Louis XIV renferme, parmi d'autres griefs, le suivant :

  • 4 Cité par Plantet, 1889 : I, 313-314. Le passage sauté précise l'origine de cette remarque : un Turc (...)

« Mon très cher ami, il y a en ce pays des cimetières pour les étrangers et pour les esclaves chrétiens, mais à Marseille, il n'y a point de cimetière pour les Musulmans et il est impossible de creuser des fosses sur le bord de la mer, parmi les rochers. C'est une grande punition pour eux que cela soit ainsi [...]. Ici, il meurt vingt esclaves par jour : on les enterre dans leur cimetière, selon leur religion, en lisant leurs livres et leurs prières. Des peuples qui craignent Dieu ne font pas de ces actions-là. [...]4 »

  • 5 Si l'on en juge du moins par Plantet, 1889 : I, 365.
  • 6 Un cayer des forçats qui ont été enterrés dans le cimetière de l'abbaye Saint-Victor de Marseille d (...)
  • 7 Les textes ne signalent que deux cimetières : le problème du lieu d'ensevelissement des forçats pro (...)

5Ponchartrain, secrétaire d'État à la Marine, semble avoir fait répondre oralement « à chaque article » de cette lettre par Denis Dusault, l'administrateur du Bastion de France5. Il est possible que l'engagement de principe de créer un cimetière pour les musulmans ait été alors pris, d'autant que sa réalisation posait assez peu de problèmes. À la différence du cimetière qui sera ultérieurement créé à Toulon, le « cimetière des esclaves turcs » de Marseille paraît étroitement lié à celui des galériens, apparemment réalisé à la fin du XVIIe siècle dans la dernière phase des travaux d'aménagement de l'arsenal6. Or, le droit canon interdisant l'inhumation en terre bénite des non catholiques imposait d'exclure de façon distincte une parcelle du périmètre soumis à la bénédiction. Il suffisait de la séparer du reste de l'enclos par un mur pour créer deux cimetières, l'un réservé aux « forçats chrétiens »7 et l'autre aux « esclaves turcs ». Il est cependant possible que les esclaves aient aménagé eux-mêmes à une date qui n'est pas précisée l'enclos qui leur fut ainsi laissé et en particulier qu'ils y firent construire, peut-être avec l'aide de négociants musulmans séjournant dans le port, le petit édifice qui est signalé par les textes du XVIIIe siècle.

Les cimetières marseillais

  • 8 Arch. mun. Marseille EE 166 et DD 55. Localisation fournie par Laforet Auguste, 1861 : 173 n. 2. Ce (...)
  • 9 Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825.

6Le cimetière était primitivement situé sur les terrains achetés en 1685-1688 pour l'agrandissement de l'arsenal : la superficie de 18 455 cannes carrées qui avait alors été acquise sur la Rive neuve du port se révéla très supérieure aux besoins et près de 12 000 cannes carrées restèrent en dehors du nouvel arsenal (Clier, 1985). C'est sur cette partie que furent initialement établis les cimetières des « Turcs esclaves du roi » et des galériens. Ils étaient approximativement situés à l'angle des actuelles rues Sainte et de la Paix, sur une parcelle acquise du sieur de Villages, à proximité des fabriques de tuiles de ce dernier8. Un rapport des échevins établi en 1782, alors que ces enclos ont disparu, précise que celui des « forçats chrétiens (...) était par dessus, séparé seulement par une ruelle »9. Celle-ci semble avoir été en fait pratiquée au détriment du cimetière musulman, peu après sa création, si l'on en juge par la plus ancienne mention retrouvée de son existence, cette remarque du consul de France à Alger Philippe-Jacques Durand dans une de ses lettres à la Chambre de commerce de Marseille, datée du 18 octobre 1698 :

  • 10 Grammont de, 1890 : 62. Une lettre de Durand à Pontchartrain, datée du 12 janvier 1699 et citée par (...)

« les Turcs des galères à Marseille font de grosses plaintes sur ce qu'on a abattu partie des murailles de cimetière : ayez la bonté, Messieurs, d'y donner ordre10 ».

7Ces deux enclos, mal placés et sans doute trop étroits posèrent vite des problèmes. Un rapport adressé en juillet 1723 par le subdélégué J.-P. Rigord à l'intendant Lebret note qu'

  • 11 Arch. mun. Marseille EE 166 : Rigord précise que le cimetière des forçats chrétiens mesurait 400 ca (...)

« il serait nécessaire de (les) transporter ailleurs et en un endroit dont l'odeur ne puisse pas nuire à la santé publique11».

8La même année la communauté entra en possession de la partie des terrains du Champ-Major qui n'avait pas été intégrée à l'arsenal et commença à la lotir. Mais

« comme le voisinage de ces cimetières pouvait éloigner les acquéreurs »,

9elle décida de les faire transporter

  • 12 Selon un rapport de la fin du XVIIIe siècle (Arch. mun. Marseille DD 55).

« sur un autre terrain joignant les lices intérieures des murailles, aussi commode que le précédent12 ».

10Ce transfert fut réalisé en 1725 et permit de libérer une parcelle précieuse qui fut vite occupée : en 1782 le sous-directeur du parc d'artillerie pouvait rappeler que cet ancien cimetière était

« cy-devant par la rue Sainte, dans l'Isle aujourd'hui où M. de Surian a fait construire des bâtiments considérables qu'on appelle vulgairement au portail de fer mais en-dessous plus près de la rue Sainte que le portail (...) : nombre de gens qui existent encore l'ont vu et l'assurent ».

11Les deux cimetières furent donc transportés par les échevins sur un terrain contigu à la lice intérieure des remparts,

« acquis en 1723 par la communauté du sieur Roch Grimaud et des recteurs de [la confrérie de] la Rédemption des captifs et payé de ses propres deniers ».

  • 13 Selon un rapport du 25 septembre 1759 rédigé par Duprat, ingénieur en chef des places de Marseille, (...)

12La communauté les fit entourer de murailles par acte de prix-fait passé le 29 novembre avec François Pelore maître-maçon. L'ensemble représentait 540 toises carrées (environ 2 046,6 m2)13.

13Il est plus difficile de localiser ces nouveaux cimetières. L'on peut les situer par recoupement dans l'îlot compris entre les actuels cours Pierre-Puget et rue Roux de Brignoles, laquelle épouse la forme des anciennes lices. En 1756, on leur adjoignit celui de la paroisse Saint-Fetréol, transféré à la demande des voisins de l'église.

14Le bagne de Marseille ayant été supprimé par ordonnance de Louis XV du 27 septembre 1748, ses forçats furent conduits à Toulon. Trente-quatre Turcs avaient été achetés à Gênes en 1742 : ces esclaves sollicitèrent alors par l'entremise du dey d'Alger la création à Toulon d'un cimetière spécial sur le modèle de celui dont les musulmans jouissaient à Marseille. Ils l'obtinrent en 1750. Une lettre de l'intendant de marine F.-N. de Villeblanche indique à cette occasion :

  • 14 Arch. nat. B3-482 P 350-351 (lettre du 16 décembre 1749).

« les Turcs demandèrent que ce cimetière soit établi comme celui qu'ils ont à Marseille, où il s'y trouve une mosquée, un puits, un hangar pour leurs dévotions funèbres et un local destiné à la chaux et outils nécessaires aux inhumations des Turcs14 ».

15Il y avait donc dans l'enclos marseillais un ensemble cultuel dont l'importance ne doit sans doute pas être exagérée. Grosson précise qu'

« il y a au fond de ce cimetière un petit édifice dans lequel les esclaves turcs qui étaient sur les galères allaient faire leurs prières à certains jours ».

16Il ajoute :

  • 15 Grosson, 1777. La remarque attribuée à Voltaire n'a pu être retrouvée dans les indices analytiques (...)

« C'est apparemment cet édifice dont M. de Voltaire fait mention, lorsqu'il dit qu'on bâtit à Marseille une mosquée. Si cet édifice n'en a pas l'apparence, il n'en est pas moins vrai qu'il sert au même usage15. »

  • 16 Sans doute par interprétation large de l'article 82 des Capitulations du 28 mai 1740 qui porte au s (...)

17Cette dernière remarque suggère que ce bâtiment ne présentait extérieurement aucun des caractères de l'architecture islamique telle que les Marseillais pouvaient la connaître par leurs voyages et les gravures. Cet édifice était sans doute aussi discret que les chapelles catholiques établies dans les Échelles. Aucun document n'indique que ces installations existaient déjà dans le précédent cimetière et elles pourraient être un indice de « la belle époque de l'amitié franco-turque », au temps de l'ambassade du Provençal Villeneuve, ancien lieutenant général civil de la sénéchaussée, et en particulier du renouvellement des Capitulations qu'il avait obtenu en mai 1740 : c'est en fait à ce dernier texte interprété lato sensu que pourraient se référer les Algériens qui, comme l'on va voir, revendiquent en 1774 l'usage de cet oratoire par réciprocité des chapelles chrétiennes existant dans leur pays16. En fait, l'usage cultuel du cimetière dut commencer assez tôt, si l'on en juge par une allusion d'une lettre de Pontchartrain à Hussein-Dey du 15 septembre 1706:

« Je ne vous parle pas de Marseille : vous avez été sans doute informé par ceux qui sont revenus d'Alger qu'on leur laisse la liberté d'exercer leur religion et qu'ils y sont traités avec humanité » (Plantet, 1889 : II, 54-55).

Le cimetière de Toulon17

  • 17 Ce dernier a fait l'objet de l'article de Joseph Fernand, « Le cimetière des forçats et des esclave (...)

18Lorsqu'en 1748 les galériens furent transférés à Toulon, il n'existait pas dans cette ville de cimetière réservé aux forçats : ceux qui étaient catholiques étaient ensevelis dans le cimetière de la paroisse Saint-Louis. Le consul de France à Alger, Lemaire, s'étant fait l'écho de plaintes parvenues jusqu'au dey (l'on aurait forcé les esclaves « d'inhumer un de leurs compagnons dans un cloaque qui sert d'égout à la ville »), L.-N. de Villeblanche répondit le 23 octobre 1749 à une demande de renseignement du marquis de Rouillé :

  • 18 Arch. 3° rég. maritime (Toulon) 1 A1-33 et Arch. nat. Marine B3-482 P 246-247 (lettre du 23 octobre (...)

« il n'y a jamais eu ici de lieu affecté pour inhumer ces esclaves : on pourrait, comme ils le désireraient, destiner un petit terrain qu'il y a dans le quartier de Castineau aux environs, qui serait entouré d'une muraille, dans lequel on pourrait établir un petit logement bas pour renfermer la chaux et les outils nécessaires pour leur sépulture. Cette dépense pourrait monter environ à la somme de 200 livres18 ».

19Rouillé approuva, estimant qu'

  • 19 Arch. 3° rég. maritime (Toulon) 1 A1-33 P 161 (lettre du 23 novembre 1749 et non du 2 novembre comm (...)

« il convient qu' il y ait au port de Toulon un lieu affecté pour inhumer les esclaves turcs de même qu'il y en a un à Marseille, c'est une condescendance qui peut influer sur le traitement des esclaves chrestiens19 ».

20Mais le terrain, trop humide, se prêtait mal à cette destination : il fallut donc prévoir de l'établir au quartier du Mourillon et les Turcs ayant voulu les mêmes aménagements que ceux dont ils disposaient à Marseille, la dépense fut estimée le 16 décembre 1749 à 2 400 livres. Les esclaves turcs demandèrent à creuser eux-mêmes

  • 20 Et non plusieurs fosses comme l'affirme Joseph, 1935 : 383. Arch. 3° rég. maritime (Toulon) 1 A1-20 (...)

« un puits dans l'enceinte de leur cimetière pour servir à leurs cérémonies20 »,

  • 21 Les évadés furent retrouvés et rachetés à Livourne (cf. ibidem P 174, 180-183 et 1 Al-35 P 302-305, (...)

21ce qui fut l'occasion pour onze d'entre eux d'une évasion21. Le cimetière fut achevé en juillet 1750 au prix de 1 059 livres 9 sols et 11 deniers, prix très inférieur au total prévu car, selon L.-N. de Villeblanche, il avait

  • 22 Arch. nat. Marine B3-495 P 67-68 (lettre de Vilieblanche du 23 juillet 1750 avec toisé donnant le d (...)

« fait convenir les esclaves turcs de substituer à la mosquée qu'ils avaient d'abord demandée un simple couvert qui servira également à leurs prières et autres cérémonies funèbres22 ».

22Le toisé de réception des travaux, réalisés par l'entrepreneur des fortifications, décrit le mur d'enceinte et la porte, et ne signale à l'intérieur qu'un

« hangar qu'on a fait à l'angle le plus au sud »,

  • 23 Il est localisé avec précision et signalé (« cimetières des Turcs ») sur un plan manuscrit du Musée (...)
  • 24 Sinon dans une lettre de l'intendant de la Marine Hurson à la Chambre de commerce de Marseille du 1 (...)
  • 25 Joseph, 1935 : 384-385. L'auteur signale l'arrivée de bagnards musulmans à partir de la conquête de (...)

23dont la toiture prenait appui sur les murs d'enceinte et sur un pilier en maçonnerie, ce qui indique un aménagement fort sommaire. Le cimetière entra en usage le 1er juin 175123. L'on n'en trouve guère mention ensuite24. Vraisemblablement désaffecté de facto à la fin du XVIIIe siècle, son sol servit en 1834 à 1' établissement de la scierie lors de la construction de l'arsenal du Mourillon, les ossements extraits étant transportés au cimetière du cap Sepet, à Saint-Mandrier25.

Le « cimetière des Turcs » marseillais

  • 26 Masson, 1937 : 150-151, s'est interrogé sur cette affirmation car, observe-t-il, « aucun document c (...)

24Après le transfert de la chiourme à Toulon le « cimetière turc » de Marseille perdit son utilité : il ne devait plus guère subsister d'esclaves musulmans à Marseille et il n'y en eut plus lorsque – s'il faut en croire Grosson – « on eut renvoyé (...) tous ces mahométans dans leur patrie »26.

25Si le cimetière était sans doute presque désaffecté dans les dernières années de l'Ancien Régime, le petit édifice cultuel qu'il renfermait continuait de servir de lieu de prières aux musulmans de passage dans la ville. C'est du moins ce que suggère Grosson qui, après avoir évoqué le transfert de la chiourme à Toulon, signale :

« depuis lors, nous avons souvent rencontré le vendredi, des Mahométans voyageurs qui allaient et revenaient de ce lieu ».

26Son existence n'était pas oubliée en pays d'islam, ce qui provoqua les deux « incident(s) » de 1771 puis de 1774-1775, événements essentiels de sa discrète histoire.

27En conséquence du traité signé entre Sidi-Mohammed et Louis XV le 28 mai 1767, deux marchands marocains firent en 1770 un séjour de plusieurs mois à Marseille. La Chambre de commerce ayant mis le cimetière à leur disposition pour leurs prières, ils voulurent faire apposer sur

« le frontispice de la porte (...) une inscription en caractères arabes sur une pièce de marbre qui porte que le lieu dont il s'agit est le cimetière ordinaire des musulmans qui se trouvent à Marseille, qu'ils peuvent y aller faire librement leurs prières et que la clef en cas d'absence d'aucuns Turcs se trouve déposée à la Chambre de commerce » ;

28ils écrivaient aux dirigeants de cette dernière qu'

« ils seraient fort aises d'annoncer à leur maître (...) que les musulmans ont ici un hospice comme les Chrétiens en ont dans leur pays ».

29La Chambre était défavorable à cette demande qui aurait pu être considérée comme un titre de possession : elle craignait que les Turcs aient

« le dessein de faire une mosquée du pavillon qui y est renfermé »

30et que

  • 27 Arch. Chambre de commerce de Marseille B 49 P 40, 88-89, 91-93 (lettres de la Chambre à Choi-seul-P (...)

« ce lieu isolé pu(isse) servir de retraite aux brigandages et devenir un lieu de débauche de la part de ces étrangers27 ».

31Leur retour au Maroc semble avoir en fait laissé l'affaire sans suites. Le 20 octobre 1774 Robert-Louis Langoisseur de La Vallée, consul de France à Alger, écrivait à la Chambre de commerce :

  • 28 Arch. Chambre de commerce de Marseille J 1370.

« Il doit exister dans votre ville une enceinte murée et fermant à clef où les Turcs et Maures avaient autrefois la liberté de faire leurs prières, leurs ablutions et généralement tous leurs actes de religion. Un Maure algérien, de retour depuis peu de Marseille, a rapporté que malgré ses instances et ses démarches réitérées, auprès de votre Chambre, tant pour lui que pour la cause commune des autres musulmans de différents pays qui se trouvaient à Marseille en même tems, on lui a constamment refusé la clef de cet endroit dont il prétend qu'un particulier a aujourd'hui jouissance au préjudice des Maures qui, dit-il avaient assez donné d'argent dans le principe pour ne pas croire que cette sorte d'asile leur soient enlevé (...) Tel est l'exposé de ces Barbaresques.28 »

32Le consul ajoutait que la plainte n'était pas encore parvenue au dey, mais qu'elle risquait de

« faire beaucoup de sensation dans ce pays (...) où une infinité de chrétiens libres et esclaves professent leur religion publiquement, sans troubles, sans inquiétude et dans des églises reconnues telles »

33et ajoutait qu'

« une réciprocité limitée (...) est le plus sûr moyen d'assurer aux Chrétiens qui sont dans ses états la libre jouissance de leurs privilèges en cette partie ».

34Il indiquait encore :

« on prétend qu'un Maure étant décédé depuis peu à Marseille son corps aurait été jeté à la mer, n'ayant pas été possible d'obtenir la permission de l'enterrer dans le lieu autrefois destiné à la sépulture des Mahométans ».

35La Chambre assurait le 10 février 1775 dans une longue lettre que ces plaintes – la dernière surtout – étaient sans fondement. Elle niait d'ailleurs que l'ancien cimetière turc de l'arsenal

« leur ait jamais servi de mosquée »

36affirmant que

« les Barbaresques ont par les traités que nous avons avec eux la liberté d'exercer leur religion chez nous comme nous chez eux mais cet exercice a toujours été fait par ceux que le hasard a conduits à Marseille depuis quelques tems en particulier dans les chambres qu'ils ont occupées »,

37mais elle se contredisait aussitôt en signalant que les échevins avaient confié la clef du cimetière à des Turcs barbaresques de passage qui en avaient fait

« un lieu de débauche qui servait à toutes sortes de désordres, qu'ils engageaient même de jeunes enfants à les y suivre et qu'il en résultait un scandale affreux et intolérable ».

38Cette clef avait été remise précédemment

« au courrier du roy de Maroc à la cour de France qui passa dernièrement en cette ville et qui la demanda pour aller faire ses prières dans cette enceinte » ;

39elle avait été ensuite remise à des Turcs de passage qui ne l'avaient pas rendue. Les dirigeants de la Chambre concluaient en proposant que

  • 29  Arch. Chambre de commerce de Marseille B 55 f  266-268. Les administrateurs de la Chambre ajoutaie (...)

« ce lieu destiné à faire les prières des Turcs et à les enterrer fût dans l'intérieur de l'arsenal qui est la maison du Roy »29.

  • 30 Arch. mun. Marseille DD 138 et Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825.
  • 31 Arch. Chambre de commerce de Marseille G 6 et Arch. mun. Marseille DD 138.

40Cette dernière suggestion pourrait faire écho aux plaintes des « possédants biens du quartier du Champ Major » qui avaient demandé en décembre 1774 le transfert des trois cimetières des forçats, des Turcs et de Saint-Ferréol30. Sartine rappela le 6 mars 1775 aux échevins et au corps consulaire « le droit qui est acquis aux Turcs à cet égard par nos traités et dont ils nous laissent jouir tranquillement chez eux. Il serait dangereux de ne pas leur accorder la réciprocité, et ce serait leur montrer un exemple qu' ils ne manqueraient pas d'imiter par représailles ». Il concluait : « Vous aurez agréable de faciliter aux musulmans qui viendront désormais à Marseille la jouissance de leur cimetière ». Il excluait enfin « de changer le local de ce cimetière »31.

41Les avatars du cimetière furent alors révélés : sa clef avait été remise, par les Turcs semble-t-il, au sieur de Pavola, consul de Raguse qui

  • 32 Arch. Chambre de commerce de Marseille B 56 f° 37 et 39-40.

« a fait travailler la terre du cimetière dont il s'agit. Il y a fait planter des arbres, il en a fait réparer la muraille d'enceinte : on l'a vu fréquemment s'y transporter avec toute sa famille...32 ».

  • 33 À signaler que Grosson, année 1774 : 268, observe que le nivellement en 1773 des abords du cimetièr (...)

42Le cimetière était bouleversé par sa transformation en jardin d'agrément. Certes, sa muraille avait été réparée et même couronnée de « vitres », soit sans doute de tessons de verre destinés à en empêcher l'escalade et le puits avait été curé : mais le consul avait fait « transporter d'hors des mauvaises pierres » qui marquaient apparemment l'emplacement des tombes33. L'architecte de la ville notait que

« le couvert du petit logement qui se trouve sur le fond du coté du midi s'est écroulé de fond en comble ».

  • 34 Arch. mun. Marseille DD 138 et Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825.
  • 35 Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825.

43Enfin la plantation de vingt-quatre pieds d'arbres fruitiers, de plantes et de fleurs ne compensait pas l'abattage de « plusieurs gros pieds de figuiers, un poirier et un amandier »34. Le bâtiment cultuel ne semble pas avoir été ensuite restauré, sinon pour des fins utilitaires. Sartine fit intervenir l'intendant Latour pour qu'il obtienne de M. de Pavola restitution de la clef qui fut remise à la Chambre de commerce35.

44En 1779 la Marine devait vider l'arsenal des galères de tout ce qu'il contenait en prévision de sa démolition.

« Notre dernière évacuation,

45écrivait quelque temps après à l'intendant M. de la Geneste, sous-directeur du corps d'artillerie,

m'a jeté dans les plus grands embarras et mis dans la nécessité de faire usage de tout ce que j'ai pu trouver pour du moins avoir ces effets sous la clef. »

46Un arsenal d'artillerie avait été établi sur les derniers terrains du Champ-Major qui n'avaient pas été lotis entre la nouvelle place Monthyon et les lices. Le cimetière turc s'y trouvait enclavé et le directeur en obtint les clefs. Il y fit aussitôt entreposer

« des bois de fascinage, piquets, saussissons (...) avec une quantité considérable de bois en grumes, attirails, bombes et autres » ;

  • 36 Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825, lettre du 26 avril 1782. M. de la Geneste soupçonne les Algérie (...)

47il n'y restait plus qu'un étroit espace où les musulmans pouvaient enterrer leurs morts et faire leurs prières36.

48En 1781 la suppression définitive de l'arsenal et le lotissement de ses terrains attirèrent l'attention sur

« le terrain servant de cimetière aux Turcs et aux forçats »,

  • 37 Sur cette opération d'urbanisme, Gallerand, 1954.

49qui avait été mis aux enchères avec les emplacements dépendant de l'ancien arsenal37. L'arrêt du conseil du 12 avril 1782 maintint

  • 38 Arch. mun. Marseille AA 7 art. 6 f° 132 v° et enregistrement par le Parlement de Provence, Arch. dé (...)

« la communauté de la ville de Marseille dans la propriété des terrains qui ont servi de cimetière aux forçats et aux Turcs et qui sont devenus inutiles »38.

  • 39 Arch. mun. Marseille DD 55 et DD 138.

50La ville s'apprêtait à s'en défaire d'autant que les habitants des maisons voisines demandaient depuis longtemps leur transfert, ainsi que celui de Saint-Ferréol qui leur était contigu39. Mais la Chambre de Commerce réclama le 17 avril sa jouissance

« pour des Algériens qui se trouvent en grand nombre à Marseille en ce moment »

51en ajoutant que

« les Turcs demandent que le cimetière soit évacué et qu'ils regardent comme une espèce de profanation l'usage qu'on en avait fait ».

  • 40 Arch. mun. Marseille DD 138 et Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825.

52Le cabinet du maréchal de Castries, secrétaire d'Etat à la Marine, s'engagea à le faire déblayer et à en rendre la clef afin de restituer aux Turcs « la jouissance de ce local (qui) leur est exclusivement réservée par les traités ». On peut en fait douter qu'il ait été déblayé : l'on se contenta peut-être d'y admettre des inhumations, qui ne devaient pas être très fréquentes, sur les portions du sol qui n'étaient pas encombrées. M. de la Genest, sous-directeur du corps d'artillerie, venait de suggérer au contraire un nouveau transfert du cimetière qui libérerait ainsi un terrain dont l'arsenal avait besoin40. En 1784 « Hadji Ibrahim Aga, au nom des Turcs établis à Marseille » demandait par l'intermédiaire de l'intendant la jouissance du « terrain situé près des remparts et destiné pour la sépulture des musulmans ». Les échevins répondirent que la clef en avait été prêtée l'année précédente à quelques Turcs « à l'occasion de leur ramazan qui dure ordinairement un mois » et qu'ils refusèrent ensuite de la rendre. La lettre que le maréchal de Castries adresse à Latour le 26 décembre 1784 tranche singulièrement avec la doctrine qu'il défendait peu auparavant :

  • 41 Ibidem.

« Les musulmans n'ont sur cet emplacement d'autres titres que l'esprit même de sa fondation dont l'objet était de leur assurer un lieu de sépulture. Ils ne peuvent à la rigueur en prétendre la jouissance que pour cet usage et ils doivent être fort reconnaissants de la facilité avec laquelle la clef de ce terrain leur est toujours accordée sur leur simple réquisition. »41

  • 42 Arch. mun. Marseille 1 D 2 p. 363-364.
  • 43 En 1865 la construction d'immeubles à cet emplacement en 1865 conduisit à la découverte d'« une gra (...)

53C.-E Achard considère en 1790 le cimetière comme disparu puisqu'il signale à l'article « cimetières » de son Tableau de Marseille que « les Turcs en avaient un autrefois tout auprès de celui de Saint-Ferréol » ([Achard], 1790 : I, 210). En fait le cimetière semble avoir été totalement occupé par l'arsenal d'artillerie : le 8 février 1792, le conseil général de la commune délibéra « de faire rendre libre (...) l'ancien cimetière des forçats et le terrain qui l'avoisine (qui) sont actuellement occupés par divers effets que le sieur Bellon garde de l'artillerie y a déposés »42. L'on peut douter qu'une telle décision ait été appliquée. L'arsenal d'artillerie subsista à cet emplacement jusqu'en 1860 (Busquet : Roberty, 1947 : 13-20)43.

54Le souvenir du cimetière ne fut pas entièrement perdu. Le préfet Delacroix écrivait ainsi à Portalis sous l'Empire :

« avant la guerre, il y avait (à Marseille) une mosquée que la prospérité du commerce avec le Levant peut faire rétablir » (Levy-Schneider, 1921).

55En juillet 1813, sept

« musulmans barbaresques négociants et capitaines de navires (...) présent en cette ville de Marseille »

56demandèrent l'autorisation d'établir un cimetière au quartier d'Endoume. Ils faisaient observer que

« dans toutes les villes principales de commerce, soit en France, en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne etc les musulmans ont à leur disposition des cimetières destinés à la sépulture des musulmans qui peuvent décéder en ces lieux et c'est ainsi que les chrétiens en ont à Maroc, Alger, Tunis et Tripoli de Barbarie etc. Il y a environ trente ans qu'il en existait un à Marseille et qui dans le tems de la révolution a été détruit : il était suivant le rapport de nos anciens compatriotes au terrein où est aujourd’hui l'arsenal près le Cours Bonaparte ».

57Ils se proposaient de l'établir sur

« la colline au dessus du four à chaux hors la porte Saint-Victor, appartenant à M. Pagano ex-consul de Gênes en cette dite ville »,

  • 44 Arch. mun. Marseille 60 M 22. Le greffier de l'état-civil signalait que « le nombre des musulmans q (...)

58soit à proximité du précédent mais hors de la ligne des anciens remparts44. Malgré l'appui du préfet et l'avis favorable du maire, il n'est nullement certain que ce projet ait été réalisé : du moins nous n'en avons trouvé ensuite aucune trace. Au reste la création sous la Restauration du cimetière Saint-Charles, doté de plusieurs parcelles non-bénites, le rendit sans utilité.

59Une mémoire spatiale diffuse de l'enclos d'Ancien Régime a pu subsister à la fois parmi les quelques musulmans établis à Marseille et chez les Marseillais. L'on doit en effet citer un curieux témoignage du Second Empire qui concerne les deux fontaines de Saint-Victor et Saint-Ferréol – cette dernière dans la proximité immédiate de l'emplacement de l'ancien cimetière :

« Cette eau (de la fontaine Saint-Victor) sert bien aux voisins mais elle est d'une plus grande utilité aux habitants de Zanzibar, aux Arabes et autres mahométans de passage à Marseille, qui viennent y faire leurs abutions. s'ils avaient le malheur de perdre quelqu'un de leurs compagnons de voyage, nul doute qu'ils en vinssent au milieu de la nuit, comme on l'a vu quelquefois à la fontaine Saint-Ferréol, y laver le corps. » (Régis de la Colombière, 1860 : 48.)

60Le souvenir le plus tenace du « cimetière des Turcs » est lié à la légende de la « mosquée de l'arsenal ». L'édifice qui est aujourd'hui connu sous ce nom correspond en réalité à la partie supérieure du « Kiosque Bonaparte », guinguette édifiée par Léon Cahier en 1860-1861 dans le jardin de la Colline, bien visible sur des photographies de la rive sud du port prises dans la seconde moitié du XIXe siècle (Bertrand, 1978 : 66-71). Ce bâtiment fut rasé en 1885 et ses pierres d'appareil servirent alors à construire une maison au 291 rue Paradis. Lors de sa démolition en 1926, le dernier étage de sa tour centrale, réputé être le vestige de « la mosquée de l'arsenal » à cause de sa décoration orientalisant, fut remonté dans le parc de la « Villa Val belle », avenue du Prado, où ce fragment fut transformé en kiosque de jardin. Cette petite fabrique, au sort aujourd'hui incertain, a perpétué jusqu'à nos jours le souvenir du modeste enclos des « esclaves turcs » qui ne renferma jamais une construction aussi soignée (Dupuy, 1991 : Bertrand, 1991 : Contrucci, 1995).

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Bibliographie

[ACHARD], 1790, Tableau historique de Marseille et de ses dépendances, Lausanne.

BERTRAND R., 1978, « Pour une étude du légendaire urbain: quelques « monuments mystérieux » de Marseille, I/ La « mosquée de l'Arsenal » » dans Marseille.

— « La prétendue mosquée de l'Arsenal », ibidem, n° 1591, 14 juin 1991.

Busquet R. et Roberty B., avril 1947, « L'arsenal des galères de Marseille », Marseille d’hier et d’aujourd’hui, n° 3.

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GRAMMONT H.-D. de, 1890, Correspondance des consuls d'Alger (1690-1742), Alger.

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— 1937, « Les galères de France (1481-1781). Marseille port de guerre », Annales de la Faculté des Lettres d'Aix, t. XX, p. 1-479.

MAZUY F., 1854, Essai historique sur les mœurs et coutumes de Marseille au XIXe siècle, Marseille.

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ZYSBERG A., Les galériens. Vies et destins de 60 000 forçats sur les galères de France, 1680-1748, Paris.

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Notes

1 Masson, 1937 : 279-401, 285, note 1, remarques sur le cimetière : Zysberg, 1987 : 347 sq. : le registre des Arch. 3° rég. maritime (Toulon) 1 0106 bis, tenu entre 1682 et 1710, permet de mesurer l'importante mortalité des « esclaves turcs » pendant cette période.

2 Arch. 3° rég. maritime (Toulon) 1 A1-35 P 164 : Arch. nat. Marine B3-481 P 50-51 (et copie Arch. 3° rég. mar. 1 A1-202 P 154).

3 Ces textes sont apparemment la seule source imprimée concernant le cimetière antérieure au XIXe siècle. Exemple de leur utilisation abusive : Mazuy, 1854 : 299.

4 Cité par Plantet, 1889 : I, 313-314. Le passage sauté précise l'origine de cette remarque : un Turc de la suite de Mehemet Elemin, ambassadeur du dey, étant mort à son arrivée à Toulon et y ayant été enterré, son cadavre a été déterré de nuit et en partie brûlé. L'ambassadeur l'a fait immerger hors du port.

5 Si l'on en juge du moins par Plantet, 1889 : I, 365.

6 Un cayer des forçats qui ont été enterrés dans le cimetière de l'abbaye Saint-Victor de Marseille dans l'année 1680 indique le lieu d'inhumation des galériens catholiques ou « nouveaux chrestiens » décédés à l'hôpital des galères avant la création des cimetières de l'arsenal (Arch. dép. Bouches-du-Rhône 1 H 804).

7 Les textes ne signalent que deux cimetières : le problème du lieu d'ensevelissement des forçats protestants, condamnés « pour la foi », se pose donc pour ce premier cimetière. La visite pastorale de la paroisse Saint-Ferréol par Mr de Belsunce, effectuée le 16 août 1714, qui incluait l'arsenal, se borne à signaler « le cimetière Saint-Louis où l'on enterre les forçats des galères », copie de l'original disparu dans Bibl. mun. Marseille Ms 2103 P 149.

8 Arch. mun. Marseille EE 166 et DD 55. Localisation fournie par Laforet Auguste, 1861 : 173 n. 2. Ces tuileries ont donné son nom à la rue de la Teulière.

9 Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825.

10 Grammont de, 1890 : 62. Une lettre de Durand à Pontchartrain, datée du 12 janvier 1699 et citée par Plantet, 1889 : II, 55 confirme que le cimetière a été « en partie détruit » pour des raisons vicinales.

11 Arch. mun. Marseille EE 166 : Rigord précise que le cimetière des forçats chrétiens mesurait 400 cannes et celui des esclaves turcs 220 cannes (1 600 et 880 m2).

12 Selon un rapport de la fin du XVIIIe siècle (Arch. mun. Marseille DD 55).

13 Selon un rapport du 25 septembre 1759 rédigé par Duprat, ingénieur en chef des places de Marseille, Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3637. Ce document signale que « cet emplacement est divisé en trois parties ». Ce qui laisserait penser que la portion réservée aux « forçats chrétiens » comprenait une parcelle catholique et une protestante. (Arch. mun. Marseille DD 138).

14 Arch. nat. B3-482 P 350-351 (lettre du 16 décembre 1749).

15 Grosson, 1777. La remarque attribuée à Voltaire n'a pu être retrouvée dans les indices analytiques et topographiques des diverses éditions de ses Œuvres complètes. Elle ne figure nullement en particulier dans son œuvrette versifiée Le Marseillais et le lion.

16 Sans doute par interprétation large de l'article 82 des Capitulations du 28 mai 1740 qui porte au sens strict sur les religieux chrétiens à Jérusalem mais renferme une phrase suggérant la réciprocité.

17 Ce dernier a fait l'objet de l'article de Joseph Fernand, « Le cimetière des forçats et des esclaves turcs au Mourillon (Toulon) », Le Var Historique et Géographique, 23e an., n° 64, octobre-décembre 1935 : 377-385, à utiliser avec prudence, car il contient plusieurs erreurs et ses citations sont parfois réécrites. L'auteur (ingénieur à l'arsenal de Toulon) a consulté l'essentiel des sources disponibles : Arch, nat., Marine B3-481-482-495 et Arch. 3° rég. maritime (Toulon) 1 Al -33-35-36-199-202. L'on se bornera ici à le compléter sur quelques points.

18 Arch. 3° rég. maritime (Toulon) 1 A1-33 et Arch. nat. Marine B3-482 P 246-247 (lettre du 23 octobre 1749).

19 Arch. 3° rég. maritime (Toulon) 1 A1-33 P 161 (lettre du 23 novembre 1749 et non du 2 novembre comme l'écrit Joseph, 1935).

20 Et non plusieurs fosses comme l'affirme Joseph, 1935 : 383. Arch. 3° rég. maritime (Toulon) 1 A1-202 P 173-174 (lettre de Villeblanche, 9 août 1750).

21 Les évadés furent retrouvés et rachetés à Livourne (cf. ibidem P 174, 180-183 et 1 Al-35 P 302-305, 321, 1A1-36 P 325).

22 Arch. nat. Marine B3-495 P 67-68 (lettre de Vilieblanche du 23 juillet 1750 avec toisé donnant le détail des travaux) : copie (sans le toisé) dans Arch. 3° rég. maritime (Toulon) 1 A1-202 P 169.

23 Il est localisé avec précision et signalé (« cimetières des Turcs ») sur un plan manuscrit du Musée du Vieux-Toulon reproduit dans Forget Mireille, Illustration du Vieux Toulon, Avignon, 1983 : pl. 45. Ce document anonyme est daté du « milieu du XVIIIe siècle » par l'auteur.

24 Sinon dans une lettre de l'intendant de la Marine Hurson à la Chambre de commerce de Marseille du 19 février 1761, en réponse à des plaintes venues de la Régence d'Alger : « le cimetière subsiste en son entier, les Turcs n'ont jamais eu de mosquée mais ils ont un endroit où ils s'assemblent pour faire les exercices de leur religion ». Arch. Chambre de commerce de Marseille G 6.

25 Joseph, 1935 : 384-385. L'auteur signale l'arrivée de bagnards musulmans à partir de la conquête de l'Algérie et indique qu'ils furent inhumés dans une parcelle du cimetière central réservée au culte musulman. L'on ne trouve rien de semblable dans les archives communales qui permettent de suivre la réalisation de ce cimetière (actuel cimetière dit de Siblas). Il s'agit en fait de la portion non-bénite du cimetière catholique, qui devint de facto « musulmane » dans la mesure où existaient dans l'endos des cimetières protestant et juif.

26 Masson, 1937 : 150-151, s'est interrogé sur cette affirmation car, observe-t-il, « aucun document connu n'en fait mention ». Une lettre de la Chambre à l'intendant Latour du 29 juin 1770 (Arch. Chambre de commerce de Marseille B 49 P 88-89) précise que les esclaves « furent renvoyés après le traité de paix fait avec le roi de Maroc », soit le traité de Marrakech du 28 mai 1767.

27 Arch. Chambre de commerce de Marseille B 49 P 40, 88-89, 91-93 (lettres de la Chambre à Choi-seul-Praslin puis à l'intendant Latour). Analyse plutôt approximative dans Masson, 1903 : 585.

28 Arch. Chambre de commerce de Marseille J 1370.

29  Arch. Chambre de commerce de Marseille B 55 f  266-268. Les administrateurs de la Chambre ajoutaient : « les Turcs n'ont jamais donné d'argent pour jouir de cette enceinte qui appartient à la communauté ».

30 Arch. mun. Marseille DD 138 et Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825.

31 Arch. Chambre de commerce de Marseille G 6 et Arch. mun. Marseille DD 138.

32 Arch. Chambre de commerce de Marseille B 56 f° 37 et 39-40.

33 À signaler que Grosson, année 1774 : 268, observe que le nivellement en 1773 des abords du cimetière pour construire des maisons voisines entraîna la découverte d'une « inscription arabe sculptée sur une plaque de marbre blanc »- qu'il interprète comme... « un preuve du séjour des Sarrazins à Marseille ».

34 Arch. mun. Marseille DD 138 et Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825.

35 Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825.

36 Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825, lettre du 26 avril 1782. M. de la Geneste soupçonne les Algériens qui demandent la clef du cimetière de vouloir y « commettre les libertinages les plus honteux »car il prétend qu'aucun musulman n'est mort dans la ville. Il signale néanmoins incidemment que depuis l'occupation du cimetière par la Marine, deux inhumations y ont eu lieu.

37 Sur cette opération d'urbanisme, Gallerand, 1954.

38 Arch. mun. Marseille AA 7 art. 6 f° 132 v° et enregistrement par le Parlement de Provence, Arch. dép. Bouches-du-Rhône (dépôt d'Aix) B 3458 f° 380-382.

39 Arch. mun. Marseille DD 55 et DD 138.

40 Arch. mun. Marseille DD 138 et Arch. dép. Bouches-du-Rhône C 3825.

41 Ibidem.

42 Arch. mun. Marseille 1 D 2 p. 363-364.

43 En 1865 la construction d'immeubles à cet emplacement en 1865 conduisit à la découverte d'« une grande quantité d'ossements humains disséminés sur presque toute la surface du sol à bâtir » ; ils furent transférés au nouveau cimetière Saint-Pierre. Arch. mun. Marseille 1 I 764 a.

44 Arch. mun. Marseille 60 M 22. Le greffier de l'état-civil signalait que « le nombre des musulmans qui meurent à Marseille ne s'élève pas au-delà de cinq à six individus par an à dater des dernières années ».

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Pour citer cet article

Référence électronique

Régis Bertrand, « Les cimetières des « esclaves turcs » des arsenaux de Marseille et de Toulon au XVIIIe siècle », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], 99-100 | novembre 2002, mis en ligne le 12 mai 2009, consulté le 02 décembre 2017. URL : http://remmm.revues.org/1185

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