La voie sacrée

Les peuples vivent et créent de la mémoire, ces vécus importants qui résistent au temps et s'intègrent dans le système racinaire de notre histoire commune. Leur caractère universel les rend communes à tous. Certaines nous sont locales et d'autres universelles car communes à tous. Certaines nous lient parce qu'elles nous disent où on va, sorte de "quo vadis", et d'autres nous lient parce qu'elles nous nous rappellent d'où on vient. Lorsque la mémoire s'efface, la perdition est là. L'Ancienne Voie Sacrée, qui liait Athènes à Eleusis porte sur son parcours tout le mysticisme de notre passé. Elle est la voie des rites Eleusiniens, celle que les Athéniens suivaient lors de leurs parcours vers Eleusis pour exécuter les rites sacrés, les procédures de prosélytisme les plus importantes des temps anciens, et pour lesquelles on connaît si peu dans la mesure où les initiés faisaient le serment de garder le secret. Consacrées à Déméter, la grande déesse de la terre, elles permettaient aux Athéniens de se délecter aux couleurs de la nature.   

La Voie Sacrée est sans doute la route la plus ancienne de la Grèce. Monument historique sans une véritable reconnaissance internationale, est aujourd'hui victime de la modernité et de l'oubli. Pendant 2500 ans elle a été la seule route nationale qui reliait Athènes avec la Grèce du Nord, l’Épire et le Péloponnèse. Dès 1927 l'asphalte et le ciment ont pris le relais, en laissant des bouts de cette ancienne route visibles par-ci ou par-là qui demandent à être protégés.  Jusqu'à 1956 était la seule voie pour rejoindre Athènes, date à laquelle l'Avenue Kavalas a été construite et qui croise la voie sacré au niveau du monastère de Dafni.  Plusieurs édifices ont été construits depuis un siècle sur la voie sacrée. On y trouve des lotissements et des églises. Juste après le temple d'Aphrodite il y a un segment non couvert, d'une longueur d'environ 200m qui est en excellent état puisque on arrive à voir encore les traces des chars et autres carrosses. Ce segment est également en péril sous les effets d'intérêts privés, comme en témoignent plusieurs pages sur internet.

En suivant la Voie Sacrée on rencontre le Jardin de Diomède, et puis le monastère de Dafni, qui a reçu son nom par les nombreux lauriers qui bordaient la Voie Sacrée. Par la suite on rencontre le Temple d'Aphrodite et puis le bourg de l'Aphaia Athéna. Sur toute sa longueur la voie sacrée a subi de dommages, malgré le fait que sa contribution dans l'image de la Grèce antique est primordiale. Les derniers dommages, suite aux décisions (2011 et 2013) du Ministère de la Culture ont permis qu’une grande partie de l’Ancienne Voie Sacrée soit enfouie, alors que des communes, conscientes de l’intérêt patrimonial, cherchent en vain de se faire entendre et valoriser ce patrimoine. C’est le cas de la commune de Chaidari, qui revendique la partie enfouie par les chantiers navals dans les années ’50.  Des études ont été conduites, jamais terminées et la protection de la voie sacrée reste à achever, provocant ainsi la protestation des milieux intellectuels grecs.

George Lekakis, écrivain et journaliste, infatigable protecteur entre autre de ce qui est notre patrimoine commun à tous, a publié une vidéo sur youtube (pour hellénophones).