« Les âmes mortes », mémoires plurielles des crimes maoïstes
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Festival de Cannes
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« Les âmes mortes », mémoires plurielles des crimes maoïstes

Le cinéaste chinois Wang Bing filme les rescapés des camps communistes.

Le Monde | | Par

Le réalisteur Wang Bin, à Cannes, 8 mai.

Sélection officielle, hors compétition

Pardon, mais il faudra surseoir, en ce premier jour ouvré du calendrier cannois, à l’injonction du glamour. Le premier grand événement de cette édition 2018, projeté ce mercredi 9 mai à 10 heures du matin dans la modeste jauge de la « salle du soixantième », est un documentaire chinois de huit heures, consacré aux victimes des purges maoïstes.

Film d’une âpreté totale, minéral comme le sable du désert, intensément focalisé sur la parole des survivants, dépourvu de la moindre fioriture esthétique, et pourtant film de feu et de dévotion, geste de courage et de défi, inscription inédite par son ampleur de la tragédie du peuple chinois sous le joug communiste.

Auteur en 2000 d’une des plus grandes œuvres du siècle qui se levait – le non moins monumental A l’ouest des rails, consacré au démantèlement d’un complexe industriel dans le nord de la Chine –, Wang Bing, réalisateur quasi clandestin dans son propre pays, ne dément pas avec ce nouveau film sa réputation d’exceptionnel documentariste.

A la recherche des survivants

Les Ames mortes est le troisième volet d’une obsession historique et filmique inaugurée pour le cinéaste en 2004, à la lecture d’un ouvrage de Yang Xianhui (Le Chant des martyrs. Dans les camps de la Chine de Mao, ­Balland, 2010), fictionnalisation des récits de survivants de Jia­biangou, complexe concentrationnaire du désert de Gobi, situé dans la région de Gansu.

Parti à son tour à la recherche des survivants, Wang Bing les a longuement filmés entre 2005 et 2017, accumulant six cents heures de rushes dans des périples rendus improbables par l’absence de moyens, et dont le récit à lui seul pourrait passer pour épique.

Il s’en est suivi un premier documentaire, intitulé Fengming, histoire d’une femme chinoise (2007), puis une fiction, Le Fossé (2010), aujourd’hui enfin, Les Ames mortes, dont la production a été rendue...