"J'irai dormir chez vous", en Corée du Sud
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Je suis allé dormir chez Antoine de Maximy

23/05/13 12h32

Il fête ce mois-ci dix ans de tournages aux quatre coins du monde pour l’émission « J’irai dormir chez vous ». Pour l’occasion, on a voulu mieux le connaître, et tant qu’à faire, on a dormi chez lui.

On l’appelle dans l’après-midi pour lui proposer un portrait. On y va au culot : on veut faire comme dans l’émission, on veut dormir chez lui. Il n’a pas l’air très emballé : "Hum, je sais pas, faut que je réfléchisse." On se dit que c’est mort. Il rappelle en fin de journée.
" T’es réactif ?
- Euh, ouais.
- Bon bah viens ce soir alors, ce sera plus marrant comme ça."
On saute dans le premier train. Pendant le trajet, il envoie un texto : "Je prépare un truc simple à manger." Cool, on aime bien les trucs simples. On arrive devant sa maison, il vient nous chercher à la grille. Jean, pull, cheveux en pétard. Il est accompagné d’une jolie jeune femme : Cécile, sa petite amie. On est quand même un peu gênés. Il nous dit : "je t’ai bien senti au téléphone, et puis je préfère faire les choses à l’improviste." On entre, il fait remarquer les ampoules nues au plafond : "C’est comme ça depuis 20 ans. Je ne fais pas très attention à l’esthétique." Il prépare un steak-patates-champignons (délicieux) en commentant sa nouvelle poêle vitrifiée, dont il reparlera deux fois au cours de la soirée. On comprend vite que pour Antoine de Maximy, il y a deux grandes catégories dans la vie : les trucs qui l’ennuient – qui lui passent par-dessus la tête – et les choses qui titillent sa curiosité, dont il peut parler pendant des heures. J’irai dormir chez vous, son bébé, entre dans la deuxième catégorie.

Un concept génial et culotté

Voilà donc dix ans qu’il bourlingue à travers le monde avec son drôle de dispositif : une caméra attachée à la bretelle de son sac à dos pour filmer les gens, une autre accrochée à un bras latéral pour filmer son visage. Le concept est génial et culotté. Seul dans un pays étranger, il s’invite à dormir chez des inconnus, pour découvrir le pays à travers ses habitants. 37 épisodes diffusés sur les chaînes Voyage, Canal + et France 5, près de 1500 rediffusions, deux long-métrages (J’irai dormir à Hollywood et J’irai dormir à Bollywood), l’émission est désormais culte. C’était pourtant pas gagné. Son amie Chantal Hébert, productrice et réalisatrice, se souvient qu’au début "personne ne croyait vraiment à son concept, complètement loufoque." En 2003, Antoine montre le pilote à France 2. "Ils ont trouvé ça naze", rigole-t-il. "Ils se trompaient. Moi j’ai dit à mes producteurs : tant pis, je repars, même si je ne suis pas payé." Et d’ajouter : "Quand un mec veut m’empêcher de faire quelque chose, en général, il est perdant."

Il a visité 90 pays. Il s’apprête à tourner trois nouveaux épisodes. Il écrit un livre, il écrit un film. C’est un boulimique du boulot. Il ne s’arrête jamais. Il dit : "Ma vie doit être structurée par quelque chose." Il s’ennuie vite, trop vite. Le travail le concentre. Quand il s’arrête de tourner ou d’écrire, le rêveur s’éparpille. Il ne lit jamais, "trop lent", et n’écoute plus de musique depuis quelques années. Il nous reparle de sa poêle vitrifiée. Nous dit qu’il doit prendre des notes pour se rappeler de passer un coup de fil à sa fille, qu’il adore. "Il est lunaire", dit Cécile, sa petite amie. Elle soupire : "Un peu blasé aussi."

Maximy le Magnifique

Antoine de Maximy est un solitaire très entouré. "Je n’aime pas qu’on s’occupe de moi", confesse-t-il. S’il envoie systématiquement un DVD de l’émission à ses hôtes d’un soir, il n’a gardé le contact avec quasiment personne : "Ce sont comme des amours de vacances." Entre les tournages, tel le Gatsby de Fitzgerald, il donne parfois d’immenses fêtes dans sa maison près de Fontainebleau. Pourtant, dit-il, "dans les fêtes, je ne m’amuse pas, je pense à autre chose." Pierre-Alain, son meilleur ami, commente : "Il invite n’importe qui, il cherche la densité. Il se dit il y a plein de gens qui viennent donc il y a plein de gens qui m’aiment." Fragile, Antoine ? "Il est très sensible, on peut facilement le blesser. Mais il ne montre pas ses émotions."

L’aventurier est insaisissable. Il est timide et culotté, pudique et farfelu, égocentrique et généreux. Il dit : "Je n’ai pas de défauts. Enfin si, je pète au lit, comme tout le monde." Pierre-Alain l’a rencontré en 1986. Il se souvient d’un jeune homme "marrant, un peu improbable." Ensemble ils ont dragué les filles dans la vieille 504 décapotable d’Antoine. "Les femmes ont beaucoup d’importance dans sa vie. Il a du charisme et il aime plaire". Depuis les deux amis ne se sont plus vraiment quittés. "Il est sensible au fait que les gens l’appellent", dit Pierre-Alain. "Il aime être rassuré. Antoine a une petite fêlure. Petit, il a vécu la vie de bohème, je crois que ça l’a fait flipper."

"La petite fêlure"

Il est né à Lyon mais très vite sa famille déménage à Paris, dans un immense appartement. Pourtant ils n’ont pas un sou. "On mangeait des nouilles et des patates". Antoine est l’aîné des quatre enfants. Il admire ses parents, "des gens vraiment bien", "des soixante-huitards" qui s’adonnent alors à la peinture et au dessin.

«Ma mère peignait sur des cageots de marché, mon père a peaufiné un dessin de 82 mètres de long pendant 20 ans, et moi on me disait que je faisais mon intéressant ! Je me suis dit que j’allais essayer de le devenir. Je voulais me singulariser.»

Il lit et écrit des BD, rêve de voyages, sur terre ou dans l’espace. Viré du lycée en seconde, il fait ses premières virées en tant qu’ingénieur du son pour des documentaires scientifiques et animaliers. "Je n’ai fait que des expés qui déchirent", dit-il en nous montrant fièrement d’impressionnantes vidéos de fonds sous-marins, glaciers et autres forêts tropicales. Au fil des années, il apprend tous les métiers : cadreur, monteur, réalisateur. A l’approche de ses 40 ans, il veut devenir présentateur. Il animera Animal zone et Les nouveaux mondes sur France 2. Il dit : "Je me suis battu pour être devant, j’ai bossé comme un fou. Et j’ai réussi. Je voulais laisser une trace, devenir célèbre, je l’assume." L’entregent allant généralement de pair avec la notoriété, il a pu faire exposer le dessin géant de son père à La maison rouge, ce dont il est très fier. "Mon père ne m’a jamais dit bravo", glisse-t-il affectueusement.

La navette spatiale

Il est tard chez Antoine de Maximy. Il veut nous faire goûter le Soju, un alcool qui lui était sévèrement monté au nez en Corée du Sud, générant une séquence mémorable dans J’irai dormir chez vous. Comme il n’y en a plus, on se rabat sur un drôle de saké qu’il conserve dans un bocal. Il nous parle du livre qu’il écrit, un "manifeste sur l’évolution." Il dit : "J’aime l’hypothèse que l’homme n’est qu’un maillon d’un truc qui se fera sans lui. Une petite merde accessoire." La science le passionne, la politique moins : il a découvert en 2002 qu’il n’y avait que deux candidats au second tour des présidentielles. Ce qui l’intéresse avant tout, on l’a bien compris, ce sont les choses qu’il n’a "pas faites". Cet été, il ira trimballer ses caméras au Burning Man, un festival déjanté en plein désert du Nevada. Et quand il aura quadrillé la terre entière, il lui restera toujours l’espace : "Je n’ai pas encore dormi dans la navette spatiale", regrette-t-il. De toute façon, comme le dit son amie Chantal, "la prochaine chose qui va l’enthousiasmer sera la bonne. Antoine est à l’écoute de son délire profond."

 

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