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25 mai 2012 5 25 /05 /mai /2012 07:00

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Pierre GUYOTAT
Formation
Gallimard, 2007
Folio, 2009





 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pierre Guyotat en quelques mots

Pierre Guyotat est un écrivain et dramaturge français né le 9 juin 1940 à Bourg-Argental, dans un contexte difficile qu'était celui de la Seconde Guerre mondiale. Né d'un père médecin, et d'une mère polonaise, il passe son enfance dans une grande famille, marquée par les déportations et les camps de concentration. Il fait ses études dans un pensionnat catholique, et commence à écrire à l'âge de quatorze ans. Il envoie ses poèmes, deux ans plus tard, à René Char qui l'encouragera à continuer dans cette voie. Lorsqu'il a dix-neuf ans, il décide de partir pour Paris, où il continue d'écrire, et envoie cette fois-ci ses textes à Jean Cayrol (essayiste, romancier, mais surtout éditeur au Seuil).

C'est en 1960 qu'il écrit sa première fiction, Sur un cheval, publiée au Seuil en 1961. Sa vie d'écrivain, à peine commencée, doit être mise entre parenthèses puisqu'il est appelé en Algérie mais elle reprend dès 1964. À partir de ce moment, il entame une longue carrière marquée par plusieurs événements. Avec son ouvrage Tombeau pour cinq cent mille soldats, il sème un vent de panique. Le Seuil refuse de publier cet ouvrage, c'est donc chez Gallimard qu'il paraîtra en 1967. Dans son style cru et sans tabou, Guyotat parle de sexe entre hommes et de guerre, ce qui va faire scandale. Ce titre sera interdit dans les casernes françaises en Allemagne par le Général Massu. La même année, il est invité par Fidel Castro, (avec Marguerite Duras et Michel Leyris entres autres) pour assister à la Conférence Latino-américaine de Solidarité. Il y fera beaucoup de rencontres. L'année suivante, il crée l'Union des Écrivains est créée avec Nathalie Sarraute et Michel Butor, notamment.

1970, encore une année agitée. Gallimard publie Eden, Eden, Eden. la réaction est immédiate : le ministère de l'Intérieur interdit l'affichage, la publicité et la vente de cet ouvrage aux mineurs. Malgré une pétition internationale de soutien à l’œuvre, l'intervention de François Mitterrand et de G. Pompidou en sa faveur, l'interdiction n'est pas levée. Ce sera le cas seulement en 1981. Durant la période 1970-2000, la carrière de l'auteur est très prolifique ; il écrit des pièces de théâtre, collabore avec Jean-Luc Godard, et fait beaucoup de lectures publiques.

Il va se consacrer à l'éciture autobiographique dans trois œuvres :  Coma, paru en 2006 au Mercure de France, prix Décembre, Formation, Gallimard, 2007, et Arrière-fond, Gallimard, 2010.

Pour une biographie et une bibliographie plus approfondies, voir  wikipédia.


Résumé

Ce roman est autobiographique, mais aussi initiatique. Pierre Guyotat nous raconte l'histoire du petit garçon qu'il était, son évolution, sa vision du monde, et ce qu'il est devenu. C'est le récit de la « formation sensorielle, affective, intellectuelle d'un enfant né au tout début de la Deuxième Guerre mondiale ». Nous sommes plongés dans une époque où règnent les restrictions, mais surtout où les enfants arrivent à s'épanouir, à grandir. C'est avec un réalisme touchant que l'auteur nous montre un bout de sa vie, et de celle de sa famille. Il parle sans retenue de ses parents,de sa mère qu'il semble admirer, et de ce père qu'il respecte. Plusieurs thèmes sont récurrents, ce qui rythme et marque les différentes étapes de l'apprentissage du jeune garçon.



La motivation de l'auteur

Pierre Guyotat, pour cet ouvrage, a voulu « parler de l'Histoire », car il s'est rendu compte qu'elle faisait partie intégrante de sa vie. Comme l'indique le titre de l'ouvrage, il s'agit d'une formation, celle d'un petit garçon, et pour en parler il fallait bien commencer : « partir de zéro, mais zéro c'est 1940, ce n'est pas n'importe quelle date non plus ». Cette période a marqué l'auteur, mais ne l'a pas empêché de s'ouvrir au monde et de trouver la force de grandir. Il voulait un texte « plus intime et plus insaisissable », retranscrire la naissance de cet être « individuel, particulier » qu'il était. C'est la vie de cet enfant curieux de tout, existant en tant que tel à cette période qu'il a voulu nous relater, et nous faire partager.

Extraits d'un entretien vidéo de Pierre Guyotat sur le site de Gallimard:
 http://www.gallimard.fr/catalog/html/clip/A78444/index.htm



Les thèmes

Pierre Guyotat décrit sa vie d'enfant, et par la même occasion, partage les questions qu'il se posait, la vision du monde qu'il avait. C'est ainsi qu'à la lecture, apparaissent de nombreux thèmes qui semblent être essentiels dans la vie de ce jeune garçon.

Un des thèmes principaux est celui de la religion, ou plus particulièrement la,forte présence de Dieu. Comme nous l'avons dit précédemment, Pierre Guyotat a reçu son éducation dans une école catholique, où l'enseignement était dispensé par des Frères. Dès le début du récit, nous somme plongés dans un contexte où règnent les restrictions, mais aussi dans la vie du jeune garçon où la figure divine est présente. Dès son plus jeune âge, il apprend les histoires les plus classiques de la Bible, ou encore les différents Saints ou personnages majeurs. Petit à petit, le lecteur est emmené dans cet univers, et confronté aux pensées du narrateur. Malgré sa jeunesse, on est impressionné par l'importance de Dieu pour ce garçon.

En effet, très rapidement, il prend conscience de l'impact que Dieu peut avoir sur sa vie, sur sa façon de voir les choses. Ces souvenirs que Pierre Guyotat fait remonter du passé sont assez singuliers. Déjà enfant il donnait à Dieu une place particulière : « C'est de Dieu père et fils que je descends, et non de mon ascendance terrestre. » Une sorte de lien unique associe le garçon à cette puissance impalpable ; c'est un lien secret, totalement individuel, et surtout non imposé qui existe. Lorsqu'il se questionne sur son avenir, les choses apparaissent clairement : « je sais que j'ai le pouvoir de devenir saint à mon tour, que ce pouvoir c'est un engagement secret entre Dieu et moi. » Cette pensée le suit toute sa jeunesse, puisqu'à neuf ans, il est envoyé dans un pensionnat d'un village voisin pour trois autres années d'éducation.

En même temps que l'image de Dieu prend de l'importance, un nouveau monde s'ouvre à lui. Cela commence comme pour tout enfant, avec la découverte de nouvelles notions, de nouveaux mots ; il « comprend que d'autres parlent d'autres langues, et qu'il y a beaucoup d'autres humains qu[‘eux] », ou fait la différence entre histoire et géographie. Toutes ces nouvelles choses sont apprises en parallèle des notions de guerre, et d'occupation. Ce monde dans lequel il fait ses premiers pas ne semble pas l'effrayer ; c'est un enfant curieux que décrit un Pierre Guyotat adulte. Pourtant il apparaît « comme un enfant inquiet, tendu mais doté de sagesse et de faculté d'oubli naturelle à l'enfant en croissance ». Nous assistons à l'évolution de ses humeurs, de ses ressentis face aux autres et à la nature. Vers l'âge de six-sept ans, il découvre le cinéma, qui lui procure encore de nouvelles sensations auxquelles il semble bien s'habituer. Toutes ces découvertes se font dans une période difficile, mais de manière logique et naturelle.


De cet apprentissage du monde découle un apprentissage des hommes et de leur cruauté. La Deuxième Guerre mondiale a marqué les esprits, et Pierre Guyotat enfant n'y a pas échappé. Encore très jeune (quatre ans), il trouve le livre que deux de ses oncles ont écrit sur les personnes mortes dans les camps. Ainsi, raconte-t-il,

 

« le monde change pour nous trois, notre mère nous trouve errant sans forces dans l'appartement. Je vois qu'il y a un avant, en couleur, celui de la guerre et de la tragédie naturelle d'autrefois et un après, à jamais sans couleur, l'atteinte à l'image divine de l'Homme : ce corps nu écartelé sur une potence au sol, poignets liés au bois. »

 

L’Histoire pour lui est synonyme de désastre et de honte pour les humains :  

 

« Désormais pour moi enfant et adolescent, l'Histoire moderne ne se voit qu'en noir et blanc : 1939-1945, Hiroshima, la guerre d'Indochine, la terreur communiste à l'Est, la Guerre d'Algérie, la décolonisation ».

 

Il s'insurge contre l'horreur des hommes, mais surtout prend conscience de la lutte que certains doivent mener pour survivre face aux armées. Bien qu'il ne soit qu'un enfant, il a un regard très lucide sur les événements de son époque, et sur ce que les Hommes sont capables de faire à leurs semblables.

Comme dans tout roman initiatique, nous avons aussi une vision du caractère de cet enfant. Son innocence, mise en avant dans certaines scènes, se trouve mêlée de la perspicacité dont les enfants peuvent faire preuve. Au fur et à mesure de la lecture, nous sourions des remarques enfantines mais vraies de ce jeune garçon, et parfois nous nous étonnons. C'est le cas lorsque ses frères et lui s'amusent avec un ami et le poussent dans les orties. La réaction du jeune Pierre est radicale :

« mais déjà en moi une douleur plus forte que celle de la piqûre, la sensation d'avoir perpétré une cruauté la plus grande jamais commise au monde, la plus ineffaçable […] je redescends seul et vais m’asseoir et me renverser à plat ventre dans le carré d'orties, et je décide d'y retourner tous les jours de ma vie [...] ».

La culpabilité l'envahit et il souhaite se faire pardonner par sa mère, mais aussi par Dieu. C'est dans un style réaliste que l'auteur nous raconte ces événements qui peu à peu forment son enfance, mais aussi les rapports enfant/père qui sont très importants au moment où il les vit. Nous comprenons que cet enfant, grâce à sa curiosité, construit sa vie, ses moments de joies ou de peines et, malgré l'époque, arrive à évoluer dans sa sphère et à se créer peu à peu un monde personnel.

Plus le récit avance, et plus le jeune garçon évolue, prend ses marques. Petit à petit, l'enfant devient un jeune homme ; à partir de ce moment, une nouvelle découverte va rythmer sa vie. Cette nouvelle sensation, le désir, va grandir en lui et lui donner envie de découvrir de nouvelles choses, de faire de nouvelles expérience. C'est ainsi que le lecteur suit la vie de cet enfant et le voit prendre ses propres décisions, pour enfin partir de chez lui...



Toutes ces notions abordées, ces questions soulevées conduisent le lecteur à comprendre l'évolution de ce garçon en quête de savoir. Nous voyons que cela aboutit aussi à la connaissance de soi pour l'auteur, il commence à savoir ce qu'il est, ce qu'il veut devenir. Il arrive à mettre des mots sur ce qu'il ressent :

« […] je ressens que mon corps prochain […] se transformera, car je désire de toutes mes forces grandir, agir, et même mourir vite, dans toute ma force, pour rejoindre mon Créateur, père et fils. »

Tous ces souvenirs passés d'un petit garçon sont évoqués au présent, avec un réalisme touchant, sans tabous et sans limites, avec des yeux d'adulte. Peut-être est-ce là toute la force de ce récit que nous présente Guyotat ? Réussir à nous faire revivre ces moments passés, mais ancrés en lui, à travers une Histoire et une religion omniprésentes. Nous voici face à une formation étonnamment réaliste, perspicace grâce au recul de l'auteur, et à la mise en avant de ce personnage si jeune.


Claire, AS Éd.-Lib.

 

 

 

Pierre GUYOTAT sur LITTEXPRESS

 

 

Pierre Guyotat Coma

 

 

 

 

 

 Article de Lucas sur Coma.

 

 

 

 

 

 

 

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