Voici plus d'un an, un magazine de la presse 'people' a publié des photographies dénudées de la plaignante.
Ces photographies ont été ensuite diffusées sur Internet, entre autres sur le site d'un dénommé "Silversurfer" qui les avait soit scannées lui-même à partir de ce magazine, soit récupérées sur un autre site (on peut encore aujourd'hui trouver ces mêmes photographies sur le réseau sans grande difficulté). La création du site de "Silversurfer" date d'environ un an.
Le magazine "Entrevue" publie à nouveau ces photographies, sous-titrées "Trouvé sur Internet" et indiquant l'URL du site hébergé par AlternB. La très importante hausse des accès à ce site que déclenche cette publication alerte Valentin Lacambre, qui découvre alors l'existence du site et le coupe pour des raisons techniques (la charte d'Altern interdisant la mise à disposition de sites érotiques, trop gourmands en ressources techniques). Pendant ce temps, la société Celog fait réaliser un constat de l'existence de ce site à la demande des avocats d'Estelle.
Sur la base de ce constat, une plainte en référé est déposée par les avocats d'Estelle auprès du Tribunal de Grande Instance contre AlternB pour avoir "gravement porté atteinte à son droit à l'image et à l'intimité de sa vie privée".
En première instance, Estelle réclame 700 000ff de dommages et 100 000ff d'astreinte par jour. Face à ses demandes, Valentin Lacambre fait valoir qu'aucune condamnation ne pourrait être prononcée contre lui par ce juge parce que la question de la responsabilité du fournisseur d'hébergement posait problème et supposait un débat de fond.
Le juge du référé donna raison à Valentin en disant qu'il fallait qu'E. Hallyday saisisse le juge du fond pour organiser un débat complet et contradictoire sur cette responsabilité. Mais il a enjoint Valentin Lacambre, sous astreinte de 100.000F par jour d'empêcher toute diffusion ultérieure des photographies d'E. Hallyday par un site hébergé par sa société, tout en reconnaissant que le site en cause a été rendu inaccessible avant même le procès.
Valentin, à qui il est fait obligation, pour respecter la décision du TGI, de vérifier le contenu de tous les sites hébergés à tout instant, ce qui est matériellement impossible (on parle de plus de 45000 sites, tous modifiables à tout instant par leur auteur, et contenant chacun plusieurs millions de données potentielles), fait appel d'un jugement qu'il considère inapplicable, sauf à fermer boutique.
En appel, la Cour a réformé le jugement de première instance en disant que l'injonction et l'astreinte n'avaient pas lieu d'être. Elle a donc donné raison à Valentin Lacambre.
Mais elle a considéré que la diffusion de ces images, et parce que leur auteur n'était pas connu d'AlternB, avait créé un véritable préjudice à E. Hallyday et qu'il fallait lui attribuer une provision sur dommages et intérêts de 300.000 F. La cour d'appel a ordonné en outre la publication d'un communiqué dans trois quotidiens au choix d'E. Hallyday dans les limites de 25.000F par insertion.
S'y ajoutent 30.000F pour rembourser les frais d'avocat d'E. Hallyday.
Le fait que cette machine soit connectée en permanence signifie que tous ceux qui disposent d'un accès à Internet peuvent, à tout instant, interroger cette machine et récupérer des informations stockées par ceux qui utilisent les services de l'hébergeur.
Malheureusement, pour qu'E. Hallyday saisisse le TGI sur le fond, il faut d'abord qu'AlternB paye les sommes demandées, ce qui signifierait la fermeture pure et simple de la société et la mise en vente de tout son matériel: parce que le service altern.org est totalement gratuit, la société AlternB ne dispose pas d'une telle somme.
Il s'agirait donc, si le jugement au fond devait donner dinalement raison à AlternB, de décider que la fin d'une personne morale et la disparition de plus de 45000 sites n'étaient finalement pas la réponse appropriée au dommage subis.
De plus, parce qu'il suppose (c'est le sens de la provision sur dommages et intérêts) qu'il existe une très forte présomption pour que Valentin soit condamné par le juge du fond, ce jugement crée une première: c'est en effet la première fois qu'un fournisseur d'hébergement est supposé créer un préjudice direct alors qu'il se contente de fournir un espace d'expression.
Cette décision a donc créé l'occasion d'établir une jurisprudence, en permettant à d'autres plaintes d'être déposées, juste après que la Cour ait rendu son arrêt, qui souhaitent utiliser cette première pour établir une fois pour toutes la responsabilité des fournisseurs d'hébergement sur les contenus hébergés.
Il se contente de dire si oui ou non ces causes sont ou non à l'origine du préjudice.
Ce qui est étrange cependant, c'est que le juge a considéré qu'AlternB était bien à l'origine du préjudice subi par E. Halliday au motif que l'auteur du site lui était inconnu, alors même qu'AlternB dispose de toutes les informations permettant à la police de retrouver cet auteur.
On a donc d'un côté l'affirmation du fait qu'AlternB aurait dû connaitre l'identité de son client pour ne pas assumer la responsabilité à sa place, mais l'ignorance du fait qu'il dispose des informations permettant à la justice de retrouver cet auteur si la justice le souhaite.
Dès lors qu'il est apparu que d'autres plaignants souhaitaient utiliser ce jugement pour obtenir réparation d'autres dommages subis, aux dépends d'ALternB, il était obligatoire que Valentin Lacambre se protège des suites judiciaires en cessant son activité.
Il ne s'agit donc pas de faire pression sur les utilisateurs du service, mais d'agir dans l'urgence pour se protéger des procès à répétition qui ont commencé à pleuvoir.
Valentin Lacambre souhaite, pour pouvoir réouvrir le service, que le législateur se positionne publiquement contre la responsabilité a priori des fournisseurs d'hébergement. Une telle déclaration oterait toute valeur jurisprudentielle à l'arrêt de la Cour d'Appel, et permettrait de faire face aux procès qui viennent, tout en désamorçant le risque de voir ces procès se multiplier.
Le cas concerne la RATP qui attaque en procédure d'urgence (alors que le trouble a cessé depuis plusieurs mois) et qui réclame réclame 20.000ff de dommages et 10 000ff d'astreinte par jour pour usurpation de marques ayant à l'origine un site depuis longtemps fermé et dont l'auteur est connu et attaqué conjointement.
Viendront ensuite 2 autres procès, l'un concernant le site de la CNT (dont il est difficile de croire qu'il s'agit d'un anonyme) et sur lequel était présent en janvier 1997 un message supposé diffamatoire.
L'autre concerne une demande de dommages-intérêt de 2.530.000ff pour usurpation des marques "calimero" et "c'est vraiment trop injuste". L'auteur du site incriminé est connu et attaqué conjointement.
Il existe un bon nombre d'hébergeurs qui ne font pas payer leur service à leurs clients. Ceux-ci récupèrent, soit par le couplage de cet offre à la fourniture payante de l'accès à Internet soit par l'ajout de bandeaux publicitaires obligatoires, le financement de leur offre.
Il existe aussi des services d'hébergement entièrement gratuits, sans contrepartie, mais qui choisissent ceux auxquels ils offrent leur service en fonction des contenus des sites hébergés, soit parce qu'ils partagent des opinions semblables (cas de certaines associations) soit parce que ces contenus apportent une image commerciale ou médiatique importante.
AlternB est le seul service qui réponde à la fois à ces deux conditions: gratuit sans contrepartie et ouvert à tous, qui sont pour ceux qui l'ont choisi la garantie d'une totale indépendance, idéologique et commerciale, donc d'une totale liberté d'expression.
Il doit tenir compte en premier lieu du droit à la liberté d'expression.
Mais il doit prendre en compte la volonté légitime de la société de se protéger contre les délits, et de retrouver les auteurs de ces délits lorsque ces derniers sont avérés. Sans même parler des limites légales à la liberté d'expression, les questions de la propriété intellectuelle, des droits d'auteurs, de la protection de la vie privée entre autres doivent être prises en compte.
Les récentes prises de position tant du Conseil d'État que de la Commission Européenne, en plus des réactions politiques à l'arrêt dont il est ici question, montrent un début de consensus: il s'agirait de ne jamais faire porter à un fournisseur d'hébergement la responsabilité des contenus qu'il héberge tant qu'il n'en a pas connaissance, et au moins à une obligation de moyens envers la Justice lorsqu'il en a connaissance.
On peut supposer qu'un texte sur ces bases soit bientôt proposé par le législateur. Pourtant il semble qu'un tel texte, qui voudrait préciser les responsabilités d'un secteur d'activité qui n'existait pas voilà 5 ans et qui est en perpétuelle et rapide évolution soit rapidement rendu obsolète. Il s'agirait donc d'une réponse législative donnée dans l'urgence alors que le besoin d'un débat de société rendu nécessaire par l'existence, pour la première fois, d'un moyen technique permettant l'exercice complet du droit inaliénable à la liberté d'expression est évident.
Les questions relatives aux responsabilités des différents acteurs du réseau sont complexes. Cette FAQ traitant du cas d'AlternB se focalise donc sur la responsabilité du fournisseur d'hébergement, et ne considère les autres acteurs concernés (simple transporteur, fournisseur d'accès, fournisseur de service, fournisseur de contenu) que dans leurs rapports avec l'hébergeur.
Dans l'impossibilité de donner une réponse juridique définitive (qui manque à ce jour), nous allons tenter de sérier les questions relatives à ces responsabilités et de donner les différentes opinions, en les classant pour chaque question de la plus "libertaire" à la plus "moraliste" (classification qui se veut sans jugement de valeur).
Ce point là fait l'unanimité.
L'expression en France est soumise à un régime de liberté responsable: c'est (à défaut d'une loi spécifique) l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui définit ce régime de la manière suivante:
"La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement ; sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi."
On peut donc tout dire, mais il faut accepter d'en répondre devant la loi. Il n'y a donc pas d'expression irresponsable. Reste à savoir si ce responsable peut être un autre que celui qui s'exprime.
La question précédente prend une importance particulière lorsqu'on parle d'anonymat. L'anonymat est utile et indispensable dans un bon nombre de cas. On ne peut pas imposer à un citoyen de se taire ou de s'identifier avant de parler lorsque le thème est dangereux pour lui, (qu'il s'agisse d'un danger professionnel ou d'un danger social) par exemple.
Pourtant un anonymat total équivaut à une expression sans responsable, ce qui pose un problème de fond si l'on souhaite respecter notre constitution. De tels problèmes ont été résolus, dans le cas de la Presse, par des lois qui responsabilisent en cascade tous les acteurs de la chaine éditoriale: l'auteur des propos peut rester anonyme, mais le directeur de la publication prend alors toute la responsabilité des propos tenus.
Les lois sur la Presse ne sont pourtant pas adaptées à Internet, sur lequel les citoyens s'expriment sans intermédiaire. Et si on peut comprendre qu'un directeur de journal, qui choisit lui-même les contenus qu'il diffuse, puisse en être tenu pour responsable, on ne voit pas pourquoi l'hébergeur, qui ne choisit pas et ne peut pas choisir le contenu des pages hébergées devrait être considéré de la même façon. Ce système de la responsabilité en cascade ne peut donc pas être appliqué à Internet.
Le Conseil d'État arrive, par d'autres voies (centrées sur le commerce plutôt que sur la liberté d'expression) au même constat.
Les réponses proposées pour répondre à ce problème varient:
Dans tous les cas il ne sert à rien de négliger le fait qu'il est possible (mais c'est marginal, et le "principe de proportionnalité" toujours rappelé par la Cour Européenne de Justice veut qu'on ne tienne pas l'exception pour la règle lorsqu'on légifère) d'être en pratique totalement non-identifiable sur Internet. Il existera toujours des fournisseurs de services, quelque part dans le monde, qui n'auront pas à respecter une obligation légale d'identification. Et il existera toujours le moyen de se connecter chez un fournisseur d'accès à l'étranger, depuis n'importe quel téléphone national, avec un simple modem. Il faut le savoir et en tenir compte lorsqu'on veut fonder sa propre opinion sur la question: sauf à fermer nos frontières électroniques, et encore, l'anonymat total restera possible.
Internet ne se limite pas à l'expression des simples citoyens. Par exemple un auteur, s'exprimant sur le site de la société qui l'emploie, au nom de cette société, ne doit pas être tenu pour seul responsable des propos qu'il tient (dédouanant du même coup la société en cas d'infraction au code du commerce). Dans une telle situation, c'est évidemment l'employeur qui est responsable des propos tenus par son employé, même si cet employeur est aussi l'hébergeur des propos.
Mais il existe des situations moins évidentes, et l'instant où un intermédiaire technique peut devenir responsable d'un contenu devant la Justice varie selon les opinions:
"Les fournisseurs de services ne sont responsables des contenus
d'autrui qu'ils mettent à disposition du public que s'ils
ont connaissance de ce contenu et qu'il leur est possible, tant
techniquement que raisonnablement, d'en interdire l'accès.".
C'est aussi le point de vue de la Commission Européenne pour laquelle la responsabilité de l'hébergeur ne peut être engagée dès lors que:
" a) le prestataire n'a pas effectivement connaissance que
l'activité est illicite et, en ce qui concerne une action
en dommage, n'a pas connaissance de faits ou de circonstances
selon lesquels l'activité illicite est apparente; ou
b) le prestataire, dès le moment où il a de telles
connaissances, agit promptement pour retirer les informations
ou rendre l'accès à celles-ci impossible."
Le problème principal soulevé par cette position
est de définir le moment où le délit est
"apparent": un fournisseur risque fort de ne prendre
aucun risque et de couper à la moindre plainte, motivée
ou non, sans rien risquer. Le problème de la liberté
d'expression revient par le biais de l'auto-censure.
Les solutions nécessitant une modification de la législation
sont:
Les débats concernant la définition des différentes
responsabilités sur Internet se déroulent parallèlement
dans tous les pays, de même que dans certaines instances
supranationales (Communauté Européenne, OCDE...).
Vous pouvez choisir d'adhérer aux associations dont les
positions sont les plus proches des votres, et qui ont une audience
nationale.
Vous pouvez débattre dans les forums Usenet concernés:
fr.soc.internet et/ou fr.misc.droit.internet.
Vous pouvez aussi vous contentez de diffuser cette FAQ,
et d'en débattre autour de vous: le but de ce document
n'est pas de prendre position (même si je suis conscient
d'être incapable d'une rédaction totalement objective,
même en essayant de mon mieux): son objectif est d'informer
pour éviter justement que des décisions qui concernent
potentiellement chacun d'entre nous -parce que les réseaux
et leur usage vont devenir des aspects importants de nos vies-
soient prises seulement par les quelques personnes qui connaissent
ce dossier.
Eviter de porter plainte contre un intermédiaire technique,
sauf si vous n'êtes pas concerné par la liberté
d'expression.
Porter plainte contre X, et fournir à la police tous les
éléments à votre disposition. La police
saura demander aux intermédiaires, sur commission rogatoire,
les éléments lui permettant de trouver l'auteur
du délit, et la Justice le poursuivra.