Nouvelle illustration de la faiblesse de la protection constitutionnelle des étrangers
Par Serge Slama
Elle fait 27 pages et 96 considérants mais cette onzième décision du Conseil constitutionnel sur une loi relative à l’immigration depuis 1980 ne marquera pas l’histoire du statut constitutionnel des étrangers tant elle illustre la faiblesse de ses exigences en droit des étrangers y compris lorsqu’il s’agit d’appliquer ses propres décisions. Il prononce une seule censure – de la disposition qui permettait de porter jusqu’à dix-huit mois la durée de la rétention administrative d’étrangers expulsés pour des activités à caractère terroriste après avoir purgé leur peine, tout en validant la possibilité de la maintenir six mois en rétention (contre 45 jours pour les autres étrangers) – et deux réserves d’interprétation (sur la limitation à un total de sept jours sans intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) du maintien en rétention lorsqu’il intervient après une garde à vue de plus de 48 h et sur le droit des demandeurs d’asile de demander, sur place, l’abrogation d’une interdiction de retour).
Ce faisant le Conseil constitutionnel laisse passer plusieurs dispositions manifestement incompatibles avec le droit de l’Union européenne (sur la définition du risque de fuite, sur la pénalisation de non-exécution d’une mesure d’éloignement, sur la suppression de l’aide juridictionnelle pour les réexamens devant la CNDA) ou attentatoires aux droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l’homme (en particulier sur les zones d’attente ad’hoc, sur le caractère de « sanction administrative » de certaines interdictions de retour ou encore sur le caractère manifestement discriminatoire de la pénalisation des « mariages gris » [sic]) – ce que ne manqueront pas de constater les juridictions chargées d’assurer le respect des droits fondamentaux.
Lettre ADL Du CREDOF – 13 Juin 2011
NB: cette analyse critique de la décision sur la loi « Besson » a clairement été conçue pour donner des pistes contentieuses (sur le caractère de sanction administrative des interdiction de retour, sur la privation de liberté pendant 5 à 7 jours sans intervention d’une autorité judiciaire, sur le nécessaire approfondissement du contrôle du juge administratif sur la procédure préalable au placement en rétention, sur le « mariage gris », etc. etc.)
V. la présentation de cet arrêt sur le site droits-libertes.org
Cons. constit. Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, Loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité – Actualités Droits-Libertés du 13 juin 2011 par Serge SLAMA
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