Les acteurs de
Les acteurs de "La caméra de Claire" autour d'Hong Sangsoo © Ronald Chammah
Cinéma

Quels films seront sélectionnés à Cannes ? Nos pronostics

07/04/17 17h13

Plus qu’une poignée de jours avant la tant attendue conférence de presse de la 70e édition du festival de Cannes, qui se déroulera le 13 avril prochain. Après un premier pronostic en janvier dernier et quelques rumeurs de dernières minutes, nous avons tenté de résoudre (partiellement) la difficile équation : quels films en compétition officielle cette année? Tandis que quelques noms semblent d’emblée s’imposer, d’autres ont été définitivement bannis, quand de nouveaux arrivants pourraient bien s’inviter dans la course.

France : les favoris

Quels films français concourront dans la prestigieuse sélection? Cette année le cinéma hexagonal se montre particulièrement généreux en terme d’offre et déjà une dizaine de noms semblent bien engagés pour figurer en sélection officielle.

Marion Cotillard et Charlotte Gainsbourg dans "Les fantômes d'Ismaël" Copyright Jean-Claude Lother / Why Not Productions

Vingt cinq ans après La Sentinelle, Arnaud Desplechin pourrait retrouver la compétition officielle pour la sixième fois avec Les Fantômes d’Ismaël. Une sélection qui pourrait récompenser le cinéaste jamais primé à Cannes. Le film s'intéressera au personnage d'Ismaël, un réalisateur retranché sur l’île de Noirmoutier pour écrire son prochain film, que la disparition de sa fiancée d’antan Carlotta ne cesse d’obséder. Mais après que l’homme se soit remis peu à peu de cette perte, la disparue revient. A ce fil rouge se grefferont d’autres motifs, chers à Desplechin, tels que la fratrie et la culpabilité. Mathieu Amalric, acteur fétiche du cinéaste incarnera Ismaël (un nom qu’il portait déjà dans Rois et Reines) aux côtés de Charlotte Gainsbourg et Marion Cotillard, vingt et un an après son apparition muette et dénudée dans Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle).

Xavier Beauvois pourrait lui aussi rejoindre la compétition officielle avec Les gardiennes. Adapté du roman éponyme d'Ernest Pérochon, le film porté par Natalie Baye et Laura Smet suit le quotidien d’une poignée de femmes durant la première guerre mondiale, dans les campagnes françaises désertées par les hommes partis pour le front. Après un passage du côté de la comédie de moeurs avec La rançon de la gloire, Xavier Beauvois retourne au film rural en "costumes" dans la veine de son grand succès Des hommes et des dieux, auréolé du Grand prix du jury à Cannes en 2010. Le francophile et doublement palmé (en 2009 pour Le Ruban blanc et en 2012 pour Amour) Michael Haneke a également toutes ses chances pour en être. Avec Happy End, le cinéaste autrichien retrouve Isabelle Huppert (La Pianiste) et Jean-Louis Trintignant (Amour) en grands bourgeois du Nord de la France totalement aveugles à la misère d’un camp de migrants qu’ils côtoient pourtant quotidiennement. Un film au sujet d’une brûlante actualité qui parait incontournable en compétition. Aux côtés des habitués de la sélection, on ne saurait trouver au moins une nouvelle recrue. Une place d'outsider que pourrait bien occuper Robin Campillo, réalisateur (Eastern Boys) et  scénariste (notamment chez Lauren Cantet et plus récemment chez Rebecca Zlotowski pour Planétarium) avec 120 battements par minute, un film choral qui suit au début des années 1990, un groupe de jeunes militants d’Act Up, mouvement activiste contre le Sida crée en France deux ans après son homologue américain.

France : possibles 

Si ces quatre cinéastes nous semblent parés pour rejoindre la sélection officielle, ils pourraient être concurrencés par d’autres de leurs confrères, eux aussi habitués de la compète. Ainsi André Téchiné, récompensé en 1985 du prix de la mise en scène pour Rendez-vous, pourrait fouler à nouveau le tapis rouge pour la septième fois avec Nos années folles. L’histoire véritable de Paul, un déserteur français durant la première guerre mondiale, qui de retour à Paris se travestit et devient Suzanne pour éviter une condamnation. Roman Polanski est également pressenti comme un concurrent de taille avec son adaptation du livre éponyme de Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie. Scénarisé par Olivier Assayas, le film, porté par Emmanuelle Seigner et Eva Green, s’intéresse à la relation épineuse que noue une écrivaine en mal d’inspiration après la parution de son dernier livre avec une admiratrice. Reste à savoir si le comité de sélection jugera préférable, de peur de susciter un nouveau scandale, d'écarter le cinéaste de la compétition, au vu de la récente polémique des Césars (une pétition avait recueilli plus de 60 000 signatures puis provoqué le retrait de Roman Polanski à la présidence de la cérémonie).

Jérémie Renier et Marine Vacth dans "L'amant double"© Mars Films

Alors que nous annoncions il y'a quelques semaines la faible probabilité pour que le nouveau film de François Ozon se retrouve en compétition, la production a laissé entendre qu’une sélection de dernière minute (le film serait actuellement en postproduction) de L’Amant double était envisageable.  François Ozon, a également publié une première photo intrigante et dévêtue de ses deux beaux amants (Jérémie Renier et Marine Vacth).

Autres prétendants tricolores : Anne Fontaine avec Marvin, adaptation du premier roman à succès du jeune écrivain Edouard Louis, En finir avec Eddie Bellegeule, avec l’inarrêtable Isabelle Huppert ; autre adaptation littéraire pour Claire Denis avec Des lunettes noires co-écrit avec la romancière Christine Angot d’après Fragments d'un discours amoureux de Roland Barthes avec Juliette Binoche et Gérard Depardieu. Dernière prédiction francophile pour le cinéaste tchadien Mahamat Saleh et son film Une saison en France avec Sandrine Bonnaire, l’histoire d’un réfugié africain dont l’asile en France est refusé.

Enfin, s’il nous avait habitué à une filmographie confidentielle ces dernières années, Jacques Doillon pourrait également faire son grand retour à Cannes, après La Drôlesse en 1979 et La Pirate en 1984. Avec Rodin, un biopic qui s’annonce âpre sur l’illustre génie incarné par Vincent Lindon, le réalisateur de Ponette pourrait séduire le comité de sélection, et qui sait, offrir un deuxième prix d’interprétation à Vincent Lindon après La loi du marché en 2015?

Annoncé comme favori sur la croisette, quatre ans après sa triple palme pour La vie d’Adèle, Abdellatif Kechiche ne sera finalement pas à Cannes. En cause : un litige assez obscur avec le groupe France Télévision. Le cinéaste a déclaré être profondément attristé par la nouvelle tout en espérant une seconde chance l’an prochain. Adaptation libre de La blessure, la vraie de François Bégaudeau, Mektoub my love est un dytique regroupé sous les noms de « Les dés sont jetés » et « Pray for Jack ». Deux films pour le prix, un argument qui a apparement incité ses partenaires financiers à faire barrage à une prétendue sélection.

Côté hexagonal, d’autres réjouissances, dont on ignore si elles seront en compète officielle ou en sélection parallèle, sont également à prévoir. On attend, notamment avec impatience Madame Hyde de Serge Bozon avec Isabelle Huppert (après Tip Top), Visages Visages d’Agnès Varda co-réalisé avec le photographe JR, Pour le réconfort, premier long métrage de Vincent Macaigne, Barbara l’anti biopic de Mathieu Amalric qui s’intéresse à un metteur en scène désireux de faire un film sur la célèbre chanteuse, Demain et tous les autres jours de Noémie Lvovsky, Fleuve noir qui marquera  le grand retour d’Erick Zonca, L’Amant d’un jour de Philippe Garrel et la superproduction Hollywoodienne Kings de Deniz Gamze Ergüven. Enfin l’esthète et grand maître du cinéma français, Jean-Luc Godard, pourrait également être convié à cette date anniversaire avec Image et parole décrit comme : « Une réflexion sur le monde arabe en 2017 à travers des images documentaires et de fiction ».

Le remake de Blade Runner, annoncé comme grand favori pour ouvrir les festivités, par Denis Villeneuve ne sera finalement pas de la partie. Le film français a publié ce vendredi un communiqué on ne peut plus clair du cinéaste canadien : "Tout simplement parce que le film ne sera terminé que pour sa sortie, le 6 octobre, et que nous serons en postproduction tout l'été." Il en va de même pour le film de guerre de Christopher Nolan, Dunkerque, également écarté du festival. Les rumeurs se portent désormais sur Le redoutable de Michel Hazanavius, adapté du roman d’Anne Wiazemsky, Un an après, qui conte sa rencontre amoureuse avec Godard à l’aube de mai 68 (à moins que Woody Allen et son Wonder Wheel ne lui ravisse la place?)

Europe 

Côté européen l'offre est foisonnante. Plusieurs noms, déjà présents les années précédentes, circulent déjà : Fatih Akin (Prix du scénario pour De l’autre côté en 2007) pour In the Fade avec Diane Kruger ; Andrey Zvyagintsev (ElenaLéviathan) pour Loveless ; Sergei Loznitsa pour A Gentle Creature ; Tomas Alfredson (Morse) pour The Snowman avec Michael Fassbender et Charlotte Gainsbourg ; Luxembourg de Myroslav Slaboshpytskiy (The Tribe) ; Euphoria de Lisa Langseth avec Alicia Vikander et Eva Green ; How to talk to girls de John Cameron Mitchell, une comédie SF avec Nicole Kidman et Elle Fanning et enfin David Michôd et sa parodie guerrière War Machine portée par Brad Pitt comme tout droit sorti de l’univers des frères Coen ou de celui du monde de Ken et Barbie (au choix).

Enfin, quelques incontournables semblent déjà s'imposer dans la course, dont le jeune prodige Laszlo Nemes pour Sunset et dont le premier long métrage, Le fils de Saul, avait conquis le jury en 2015 et décroché le Grand Prix. 2017 pourrait également sonner le grand retour de Wim Wenders en compétition officielle. Voilà presque dix ans que le cinéaste allemand n’avait pas mis les pieds à Cannes depuis Rendez-vous à Palerme, avec un passage en section « Un certain regard » en 2014 pour son documentaire Le sel de la terre. Son nouveau film, Submergence au casting attrayant, James McAvoy qui bâtit depuis quelques temps une fimo intéressante et Alice Vikander, nouvelle Lara Croft, a des chances de squatter la compète. Après son prix du jury pour The Lobster en 2015, Yorgos Lanthimos semble également bien engager avec son nouveau film The Killing of a Sacred Deer. Le cinéaste grec y retrouvera Colin Farrell et pour la première fois Nicole Kidman.

James McAvoy et Alicia Vikander dans "Submergence" Copyright Mars Films

Après une première sélection en officielle en 2015 avec Back Home, le cinéaste norvégien Joacquim Trier est également attendu pour son thriller fantastique Telma, comme Stephen Frears pour Victoria and Abdul, revenant sur l’amitié qui lia la reine Victoria à son professeur Indien.

Asie

Côté Asie, pour l'heure seuls trois noms se dessinent. Après Still the Water sélectionné en compétition officielle en 2014, Naomi Kawase est attendue pour présenter Radiance. Présent une fois seulement en Sélection officielle pour son quatrième long métrage, Mother dans la section « Un Certain Regard », Bong Joon-ho pourrait débarquer en compète cette année. Onze après son film de monstre satirique The Host (présenté à la Quinzaine) le cinéaste sud-coréen revient avec une étrange créature cette fois-ci bienfaisante avec Okja, produit par le géant de la VOD Netflix.

Enfin on espère que cette année le prolifique cinéaste sud-coréen, Hong Sang-soo connaîtra les prestiges de la compétition officielle avec La caméra de Claire. Tourné au même moment l'année dernière, en marge du vrombissement cannois,  ce « film vite fait bien fait » (dixit Isabelle Huppert qui marque sa deuxième collaboration avec le cinéaste après In another country et partagera l'affiche avec la jeune comédienne Kim Min-hee, déjà présente chez HSS dans Un jour avec, un jour sans et prochainement dans On the Beach at Night Alone) promet une énième variation de ses thèmes favoris.

Les acteurs de "La caméra de Claire" autour d'Hong Sang-soo © Ronald Chammah

Amérique 

Enfin coté Amérique, deux cinéastes pourraient faire leurs premiers pas en officielle. Avec son remake du célèbre film de Don Siegel et son casting sensuel (Nicole Kidman, Elle Fanning, Kirsten Dunst et Colin Farrell dans le rôle d'un soldat nordiste blessé, catalyseur de tous les désirs incarné à l’époque par Clint Eastwood) Sofia Coppola, qui n'a connu qu'une présence en Compétition avec Marie-Antoinette en 2006, est fortement pressentie. Darren Aronofsky pourrait lui aussi faire ses débuts dans la prestigieuse sélection avec Mother, un thriller psychologique au casting monstre : Jennifer Lawrence, Michelle Pfeiffer, Kristen Wiig, Ed Harris, Domhnall Gleeson et Javier Bardem. Enfin il est également probable que le méxicain Alfonso Cuaron et son film Roma, dont on sait peu de choses et Kathryn Bigelow pour Détroit, qui revient sur les émeutes qui agitèrent la ville en 1967 avec notamment la nouvelle recrue Star Wars John Boyega, effectuent leurs premiers bains cannois cette année.

Enfin d’autres cinéastes semblent déjà avoir leurs tickets d’entrée pour cette nouvelle année. C’est le cas de Todd Haynes, qui après le prix d’interprétation féminine décerné à Rooney Mara pour Carol, pourrait présenter son nouveau film avec Wonderstruck. Le cinéaste retrouvera ainsi deux actrices avec lesquelles il a déjà collaboré et toutes deux à l'affiche d'Im not there : Michelle Williams et Julianne Moore. A noter que cette dernière marquera sa quatrième fois avec le cinéaste américain après Safe, Loin du Paradis et I’m not there.

Cette 70e édition pourrait également compter sur la présence en compétition de Steven Soderbergh, quatre ans après Ma vie avec Liberace, pour Lucky Logan avec Adam Driver et Daniel Craig ainsi que celle d'Alexander Payne avec l’intriguant Downsizing dans lequel Matt Damon, aspirant à une vie meilleure, rêve de rapetisser. Côté Mexique, Carlos Reygadas, prix de la mise en scène en 2012 pour Post Tenebras Lux, est attendu pour Where Life is Born comme Michel Franco, deux après Chronic en 2015, pour April’s.

Enfin David Robert Mitchell, qui avait épouvanté « La semaine de la critique » en 2014 avec It Follows, pourrait bien être de retour. Après le teen movie horrifique, le cinéaste s’essaye au film noir avec Under the Silver Lake. Il y dirigera Andrew Garfield. On attend aussi probablement le nouveau film d’Andrew Haigh (45 ans), Lea on Pete, adapté du roman éponyme de Willy Vlautin.

Série télévisuelle 

Après la ville de Lille, c’est au tour de celle de Cannes d’avoir son propre festival consacré à la série télévisuelle. La première édition de "Cannes Séries" aura lieu en avril 2018, indépendamment du festival donc, mais la 70e édition devrait accueillir, dès cette année, son lot de séries télé, et pas des moindres, puisque l’avant-gardiste et désormais culte série de David Lynch, Twin Peaks, pourrait se voir accorder un créneau spécial et faire découvrir les premières images de la troisième saison aux festivaliers, vingt-six ans après la fin de la deuxième saison. Après sa géniale mini-série Ptit Quinquin produite par Arte et présentée à la "Quinzaine des réalisateurs" en 2014, le réalisateur de L’humanité peut espérer une nouvelle sélection avec Jeannette, une comédie musicale consacrée à l’enfance de Jeanne d’Arc et déclinée également en forme sérielle.

La conférence de presse du 70e festival Cannes dévoilera, le 13 avril, prochain les quelques chanceux qui figureront en sélection officielle. Il faudra attendre le 24 avril pour connaître la sélection de la Semaine de la critique, et le 25 pour la Quinzaine des réalisateurs.

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