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La quête du softpower
Une notion clé de la stratégie US


L’inventeur de l’expression est Joseph S. Nye, sous-secrétaire d’État à la Défense sous Clinton. Pour lui, les États-Unis prédominent déjà grâce au pouvoir « hard », celui de la carotte (les récompenses) ou du bâton (la menace) autrement dit le dollar et l’US Army. Mais une action indirecte peut amener les autres pays à se comporter conformément aux désirs et intérêts US. Dans "Bound top lead", Nye affirmait que cette façon de diriger soft, et qui retraduisait peu ou prou la notion européenne d’influence diplomatique et stratégique, était la voie de l’avenir.

Désormais un État ne prédominerait plus par la contrainte, mais par son attractivité, et sa capacité d’incarner des valeurs universelles. En somme, le soft power suppose que l’autre veuille suivre un modèle, s’allier avec un gouvernement et croie en son discours et en son système.

Cette façon d’inciter autrui à « vouloir ce que vous voulez » suppose, ajoute-t-il, la capacité de «faire l’agenda de la politique mondiale et d’attirer les autres ». Le soft power combine donc initiative diplomatique, séduction d’une image et propagation de valeurs. L’aspect diplomatique concerne la capacité américaine de trouver des alliés pour soutenir ses initiatives et défendre ses thèses dans les organisations internationales, bref de faire apparaître sa politique comme moins unilatérale. La politique d’image consiste à donner une « vraie vision » de la réalité américaine ou de l’american way of life et à combattre les légendes que répandent ses adversaires, notamment en se dotant de médias s’adressant directement aux populations concernées par dessus la tête de leurs gouvernements : c’est l’idée qui a présidé à la création de radios comme Radio Free Europe ou de télévisions comme la chaîne arabophone al Hurrah. Quant à la diffusion des valeurs, de liberté, de démocratie, de confiance dans le marché et dans l’initiative, d’optimisme technologique, etc., il s’agit là d’une véritable conquête idéologique et culturelle . Guerre pour laquelle les Américains croient disposer d’atouts avec l’industrie de la communication et la culture "mainstream", à commencer par Hollywood,

Cette notion de soft power née dans la décennie 1990, en reflète la confiance en l’élargissement (enlargment) du modèle politique, économique et culturel US. Mais, malgré les récents conflits et la "guerre globale contre le terrorisme", la notion de soft-power reste centrale dans le débat stratégique outre-Atlantique (et d'ailleurs dans pas mal de pays dont la Chine ou l'Inde qui ont importé la notion).

La vision du soft power se heurte ou se mélange souvent à une autre notion plus populaire chez les Républicains, celle de "diplomatie publique". Cette dernière renvoie aux méthodes de guerre idéologique contre l'Urss employée dès la présidence d'Eisenhower et auxquelles Reagan prêtait un grand rôle dans sa victoire dans la guerre froide : créer des radios qui émettent dans la langue de l'adversaire et jusque sur son territoire (Voice of America, Radio Free Europe...), encourager les mouvements intellectuels anticommunistes, accueillir et garder le contact avec de jeunes étrangers prometteurs (young leaders)supposés pro-Américains. Évidemment la diplomatie publique a retrouvé une nouvelle jeunesse après le onze septembre.

Et, chez les démocrates, on prône désormais un "smart power", une autre idée d Nye, une stratégie mêlant les deux éléments de puissance et d'influence. Mais que l’on parle de soft power ou de diplomatie publique, ces notions relèvent un peu de l’incantation. Il ne suffit pas de proclamer que l’on renonce au pouvoir « hard » de la coercition pour qu’effectivement l’attraction du modèle US suffise à aplanir toutes les difficultés.

Cela supposerait des progrès dans au moins trois domaines :

1 L’attraction du modèle américain (on peut souhaiter atteindre le niveau de prospérité ou de technologie de l’hyperpuissance sans en imiter les moeurs ou la culture, et moins encore s’aligner sur sa politique).

2. La capacité de la diplomatie US de recueillir des soutiens en faveur de ses objectifs. Or après les expériences de la « vitrine démocratique » que les USA voulaient établir au Moyen Orient ou les faux espoirs du printemps arabe, il n’est pas sûr que cette capacité s’accroisse.

3. La promotion de l’image des USA, à la façon d’une marque dont il faut faire la « com » et dont on améliore l’image. Or l’antiaméricanisme n’a jamais été aussi puissant dans le monde.


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