Cyril Hanouna, c’est l’histoire d’une blague
L’annonce de la candidature «à la Coluche» de l’animateur à l’élection présidentielle de 2022 a été reprise et amplifiée sur C8. Jusqu’où les blagues peuvent-elles grossir et enfler jusqu’à flirter avec la réalité ?
C’est l’histoire d’une blague. Une blague énorme, mais si énorme qu’on ne sait pas si on doit en rire : une candidature Hanouna à la présidentielle de 2022. Et comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, c’est Hanouna, dans son émission, qui consacre dix minutes au sujet : la macronie tremblerait à l’idée d’une candidature «à la Coluche» à la présidentielle de 2022. A la Coluche ? Assurément, pour Hanouna, le Coluche d’aujourd’hui, c’est lui, Cyril Hanouna (à en croire BFM TV, cependant, l’Elysée craindrait aussi l’humoriste Jean-Marie Bigard). Apparemment la blague est née des confidences anonymes de deux ministres.
A peine cette blague est-elle lancée, que survient une blague dans la blague. Sur le plateau du même Hanouna, le député non inscrit (ex-LREM) Joachim Son-Forget lance sa propre candidature à la présidentielle de 2022, pour laquelle il tend la main à Alexandre Benalla et… à Cyril Hanouna lui-même. «Les personnes, c’est pas grave, c’est le projet qui compte. Et si demain c’est pas moi, si les Français te demandent, Cyril, je t’aiderai !» C’est ce même Joachim Son-Forget qui, quelques jours plus tard, tweetera un lien vers des vidéos sexuelles du candidat LREM à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux, amenant ce dernier à renoncer à sa candidature. Ces vidéos ont été initialement mises en ligne par l’artiste opposant russe Piotr Pavlenski, lequel est défendu par l’avocat Juan Branco. Aux dernières nouvelles (mais tout va si vite !) ni Pavlenski ni Branco n’ont encore annoncé leur candidature à la présidentielle de 2022. Alexandre Benalla n’a pas encore fait connaître sa préférence.
Mais revenons à Hanouna. Son émission relate dans le détail la montée de l’hypothèse Hanouna, très sérieusement, sous l’œil aquilin d’Hanouna lui-même, lequel (déjà dans le surplomb de son rôle ?) reste prudemment extérieur à la blague. Il ne dit pas ce qu’il en pense. Tout juste se réjouit-il de recueillir un soutien ici, ou s’afflige-t-il d’une critique là. Imperturbable, il observe monter vers lui l’appel unanime de ses chroniqueurs. «Les Français veulent des gens qui ont connu des choses», lance celui que l’on avait déjà repéré dans l’épisode hanounien dit des «nouilles dans le slip». «Votre puissance sur les réseaux sociaux, c’est du jamais-vu en France», constate un autre. «Les politiques sont tous en panique parce qu’ils sentent qu’il y a une place à prendre», renchérit l’ex-animateur de Loft Story. «Attention Cyril si vous croisez un camion», avertit avec sollicitude un troisième.
Pour l’émission d’Hanouna, le reporter-blague Cyrille Eldin va sonder au Parlement les députés blagueurs qui traînent dans la salle des Quatre-Colonnes. «Si Hanouna a cette cote de popularité, c’est qu’il a donné la parole aux gilets jaunes, et qu’il lâche pas l’affaire sur le fait qu’on peut tous vivre ensemble quelles que soient nos convictions spirituelles», analyse l’insoumis Alexis Corbière (époux de la chroniqueuse d’Hanouna Raquel Garrido, pressentie d’après nos sources pour un portefeuille régalien).
Evidemment, cette blague est d’abord une géniale trouvaille intra-Bolloré, qui va rebondir sur tous les plateaux du groupe. Morandini va interroger Zemmour sur le sujet, lequel interrogera Hanouna, lequel interrogera Morandini, tous ces entretiens feignant d’oublier la règle des 500 parrainages de maires, en vertu de laquelle il est peu probable qu’aucune de ces candidatures aille jamais à son terme. Evidemment, sans doute suffira-t-il que Vincent Bolloré siffle la fin de la récré pour que la troupe de cette dystopie rentre à la niche.
Mais voilà. On ne peut plus désormais considérer une blague innocemment. Hier encore, la blague n’était qu’une blague. La blague pouvait chatouiller les choses sérieuses (Karl Zéro, le Canard enchaîné), mais elle ne pouvait pas «s’emparer» de l’univers sérieux, elle devait rester à la place du bouffon. La fin amère de l’aventure Coluche, torpillée par la censure du pouvoir et les manipulations des Renseignements généraux, démontra que la blague, dans l’ancien monde, devait rester une blague. Depuis Grillo en Italie ou Zelensky en Ukraine, depuis Trump surtout, on sait que c’est fini. La blague peut grossir et enfler, jusqu’à cannibaliser le monde sérieux. De toute cette troupe de mutants qui s’ordonne sous nos yeux, il est devenu difficile de rire.
-
Analyse Abonnés
Le cas Griveaux : fantasmes, hors-sujets et contresens
Anonymat sur les réseaux sociaux, américanisation supposée de la vie politique française… Ces refrains devenus quasi pavloviens depuis le retrait du candidat LREM à la mairie de Paris sont en fait largement hors-sujet.
-
réaction Abonnés
Retrait de Griveaux : rencontre avec Piotr Pavlenski, suspect numéro 1
L'artiste-activiste russe, qui affirme avoir mis en ligne les vidéos à caractère privé de l'ex-candidat à la mairie de Paris, tente ce vendredi d'expliquer son acte illégal.
-
Checknews
Piotr Pavlenski a-t-il posé avec un néonazi ukrainien ?
Une photo montrant l'artiste russe aux côtés d'un néonazi ukrainien, désormais repenti, a refait surface sur les réseaux sociaux. L'auteure du cliché indique à «CheckNews» qu'elle a été prise durant l'after-party d'une conférence de Pavlenski à Kiev, en juin 2016.
-
Récit Abonnés
Griveaux : les dessous d’un sale coup
Des premières rumeurs sur la diffusion d’une vidéo à caractère sexuel aux messages de sympathie des politiques, récit des vingt-quatre heures qui ont vu le retrait du candidat LREM à la mairie de Paris.
-
Municipales à Paris
Griveaux, la chute finale
Le candidat LREM, en baisse dans les sondages, a décidé de retirer sa candidature à la mairie de Paris après la diffusion d'une vidéo à caractère sexuel.
-
Affaire Griveaux
Pavlenski dans les rêts de la justice
Dimanche soir, le parquet annonçait le prolongement des gardes à vue de l’activiste russe, soupçonné d’avoir diffusé les vidéos sexuelles, et de sa compagne.
-
Récap
Griveaux, Buzyn candidate à Paris, tempête Dennis : L'essentiel de l'actu du week-end
Griveaux. Benjamin Griveaux a porté plainte contre X samedi et une enquête a été ouverte après la diffusion de vidéos à caractère sexuel ayant conduit à son...
-
Récap'
Griveaux, coronavirus, mobilisation des soignants... L'actu de ce vendredi
Benjamin Griveaux. Ce vendredi matin, le candidat LREM à la mairie de Paris s'est retiré de la course des municipales après la diffusion d’une vidéo à...
-
«En matière de "revenge porn", il y a tout ce qu'il faut dans la loi»
La diffusion de la vidéo à caractère sexuel présentée comme celle de Benjamin Griveaux tombe sous le coup de la loi, rappelle l'avocat Eric Morain. Les auteurs de «revenge porn» et tous ceux qui relayent les contenus risquent deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende.
-
Interview Abonnés
Christian Salmon : «Griveaux est tombé dans une spirale de discrédit»
Pour le chercheur, théoricien du storytelling, la délibération politique a été écrasée par la surexposition médiatique des élus.