UN CONCEPT RACISTE POUR LA DEFENSE MILITAIRE DU TERRITOIRE L'ARMEE FAIT -PARTIELLEMENT- AMENDE HONORABLE

Un concept raciste pour la défense militaire du territoire

L'armée fait - partiellement - amende honorable

Dans ses éditions d'hier, «Le Soir » révélait l'existence d'un document confidentiel issu, en août 1995, du Commandement territorial interforces (ITC) définissant un nouveau « concept pour la défense militaire du territoire».

On pouvait découvrir avec inquiétude (voir «Le Soir» d'hier) que ITC considère, dans un texte aux relents racistes, que la menace face à laquelle ses hommes doivent se préparer provient essentiellement des communautés immigrées installées sur le territoire et qu'il existe bien une menace clandestine avec un caractère permanent.

En conséquence, et compte tenu des objectifs qui lui sont désignés par l'état-major, ITC se prépare à la défense du territoire, notamment en considérant que sa mission repose sur la collecte du renseignement. De l'ensemble de ce texte, on peut aisément déduire que la collecte de renseignement est confiée, dans les provinces et dès le temps de paix, entre autres, à divers officiers de réserve. Un exercice organisé en province de Brabant a déjà mis ces concepts en jeu sur le scénario d'un imaginaire soulèvement des communautés «moslaves» ins-tallées en Europe !

Ces révélations ont évidemment causé un émoi considérable... entre autres au sein de l'armée. Hier, le général Brunin (commandant d'ITC), le colonel Marchal (son adjoint), le colonel ayant organisé «l'exercice moslave» et le colonel auteur de la note à caractère xénophobe ont fait face à la presse pour tenter de s'expliquer.

Tout en se défendant - sans qu'on le lui reproche - d'être un raciste (il a d'ailleurs commandé de très bons soldats d'origine étrangère, explique-

t-il), le colonel auteur du document reconnaît que certains officiers ont fait des remarques sur son projet et qu'il faudrait en tenir compte.

Avec un certain courage, le général avoue plus clairement l'erreur, la maladresse et dit qu'on pourrait ou qu'on devrait modifier certains passages du document : La menace qu'on veut évoquer est potentielle, générale, dit-il. Elle concerne par exemple des groupes comme les CCC. On aurait pu en faire une énumération large... ou simplement aucune.

Une question reste cependant posée : la définition des menaces pesant sur le pays est une prérogative d'état-major et la définition qu'on trouve dans le «projet de concept» (déjà partiellement mis en oeuvre) est en effet une retranscription de la définition fournie à ITC par l'état-major. Une retranscription fidèle ? Le général le croit... on ne lui aurait rien fait savoir à ce propos jusqu'ici.

A propos de la «rébellion moslave» aussi, le général et son colonel auteur du scénario font amende honorable : C'était un choix malheureux. Le colonel explique : Mon adjoint avait imaginé une rébellion des communautés de Moldavie. Je lui ai fait remarquer qu'il serait moins malheureux de choisir un pays imaginaire; c'est ainsi que nous avons inventé la Moslavie. Je le regrette.

Quant au nouveau service de renseignement (parallèle ou en liaison avec le SGR, le service de renseignement «officiel» de l'armée), le général jure ses grands dieux qu'il n'y en a pas. Les tâches de renseignement évoquées dans la note ne portent que sur les objectifs qu'un adversaire pourrait tenter d'atteindre. C'est du renseignement «tactique» qui n'a aucun rapport avec le SGR; il ne porte pas sur les personnes qui constitueraient la menace. Il serait exercé essentiellement «en période de crise» (un concept absent des lois) par des unités d'active, ou en temps de guerre.

De nombreuses phrases du document - aussi mal écrit, aussi équivoque en français qu'en flamand - laissent pourtant croire le contraire. C'est parce que vous le lisez avec des yeux de civil; mais ce texte est destiné à des militaires, dit le général.

Al. G.