Leslie Manigat (1930-2014), ancien président d'Haïti

Historien et politologue renommé, éphémère président d'Haïti en 1988 avant d'être renversé tard par un coup d'Etat militaire, Leslie Manigat est mort le 27 juin à l'âge de 83 ans.

Par Publié le 01 juillet 2014 à 13h34 - Mis à jour le 01 juillet 2014 à 15h39

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Historien et politologue renommé, éphémère président d'Haïti, mal élu en janvier 1988 avant d'être renversé cinq mois plus tard par un coup d'Etat militaire, Leslie Manigat est mort le 27 juin à Port-au-Prince à 83 ans après une longue bataille contre le cancer compliquée au cours des derniers jours par le virus du chikungunya. Il fut l'un des intellectuels haïtiens les plus brillants de la deuxième moitié du 20ème siècle, mais sa réputation a été entachée par la tentation du pouvoir.

POLITIQUE ET VIE INTELLECTUELLE

Il reconnaissait à la fin de son existence que le rapport entre la politique et la vie intellectuelle avait été « le grand drame » de sa vie. « Si j'étais resté en France, je serais resté un historien politologue, c'est à cause d'Haïti que j'ai dû engager la bataille politique », confiait-il en 2004 au quotidien de Port-au-Prince Le Nouvelliste, dont il fut un collaborateur régulier durant près d'un demi-siècle.

Leslie Manigat est né le 16 août 1930 à Port-au-Prince dans une famille d'enseignants originaire du nord d'Haïti. Enfant, il a connu l'opulence de sa famille paternelle et les fins de mois difficiles avec sa mère, qui s'entendait mal avec sa belle-famille après son veuvage précoce. « Cette enfance contrastée » avait développé en lui « un esprit de sagesse », disait-il.

Tête de classe au collège réputé de Saint-Louis de Gonzague, à Port-au-Prince, il décroche en 1948 une bourse pour étudier à Paris où il obtient la licence en lettres mention histoire, le diplôme d'études supérieures de la Sorbonne et le diplôme de l'Institut d'études politiques. De retour en Haïti, Leslie Manigat soutient en 1957 la candidature de François Duvalier, dont il partage les idées « noiristes » et nationalistes. Il est nommé fonctionnaire aux affaires étrangères, enseigne à l'Ecole normale et publie son premier ouvrage, Le délicat problème de la critique historique.

AU POUVOIR PENDANT

Ses relations ne tardent pas à se détériorer avec le dictateur « Papa Doc », qui l'accuse de fomenter une grève d'étudiants. Brièvement emprisonné, il part en exil en 1963 aux Etats-Unis, en France, Trinidad et au Venezuela où il enseigne les relations internationales et les sciences politiques dans de prestigieuses universités. En 1979, il fonde à Caracas le Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), un parti se réclamant de la démocratie chrétienne qui dénonce la dictature duvaliériste.

Rentré en Haïti peu après la chute de Jean-Claude Duvalier le 7 février 1986, il se présente à l'élection présidentielle du 29 novembre 1987, interrompue par un bain de sang provoqué par les militaires et les tontons macoutes. Un nouveau scrutin, organisé par les militaires, marqué par une fraude massive et boycotté par la population, le porte au pouvoir le 7 février 1988. Il croit, à tort, pouvoir jouer au plus malin avec les généraux Henri Namphy et Williams Regala alliés aux duvaliéristes. Sans appui de la communauté internationale, qui condamne les violences et la fraude, traité de marionnette par l'opposition, il est renversé le 20 juin, 133 jours après sa prestation de serment, par le général Namphy et se réfugie à Saint-Domingue.

DERNIÈRE TENTATIVE

A nouveau candidat à la présidence en 2006, Leslie Manigat est battu par René Préval. Mauvais perdant, il dénonce « un coup d'Etat par les urnes » et explique sa défaite « par la misère du peuple, qui s'est trompé ». Ce sera sa dernière tentative, avant de passer le flambeau à son épouse, la juriste Mirlande Manigat. Arrivée en tête au premier tour de l'élection présidentielle de 2010, celle-ci est devancée au deuxième tour par le chanteur Michel Martelly, l'actuel président.

A la fin de sa vie, Leslie Manigat disait ne plus lire les journaux ni écouter les radios tant il était tourmenté par ce qu'il appelait « la décadence et la déchéance » d'Haïti. Formé à l'Ecole des Annales, il était intarissable sur l'histoire de la première république noire, un petit pays « qui a gagné la bataille de l'égalité des races humaines avant la décolonisation ». Il comparait avec amertume l'épopée des pères fondateurs avec les échecs des combats pour la démocratisation et la modernisation d'Haïti.

Charmeur, bon vivant et galant homme, Leslie Manigat détestait « la médiocrité triomphante » et mettait sur le compte de la jalousie les critiques de ceux qui le jugeaient pédant et arrogant. Un peu à la manière de Raymond Aron, cet intellectuel boulimique estimait avoir été victime de son refus d'embrasser le marxisme à une époque où cette idéologie dominait la vie intellectuelle.

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