Les papiers d’Arménie
- 30 nov. 2020
- Par YVES FAUCOUP
- Blog : Social en question
Ce qui s’est passé est quelque peu différent : une région enclavée est habitée essentiellement par des Arméniens (c’est Staline qu’il l’a attribuée à l’Azerbaïdjan). À la chute de l’URSS, en 1991, le Haut-Karabakh revendique sa souveraineté sur ce territoire et son indépendance, mène la guerre contre la tutelle de l’Azerbaïdjan et un cessez le feu est conclu au terme de combats meurtriers : il entérine l'autonomie du Haut-Karabakh (capitale : Stepanakert). Par ailleurs, le Haut-Karabakh prend le contrôle de régions azerbaïdjanaises environnantes pour assurer sa sécurité. 30.000 morts, près de 600.000 Azerbaïdjanais doivent fuir, leurs villages sont détruits (nos médias n’en ont, à quelques exceptions près, rien dit ces jours-ci). La communauté internationale, dont l’ONU, ne reconnaît pas cet état de fait et la situation dure depuis près de 30 ans.
Et voilà que pour corser le tout, il faut que Michel Onfray fasse son BHL et se rende à Erevan capitale de l’Arménie. Là, il est interviewé par une télé locale et joue le tigre de papier : que dit ce grand spécialiste du Caucase ? Il déclare doctement qu’un prêtre lui a confié un jour que « l’islam n’est pas une civilisation mais une barbarie » ! Affichant qu’il approuve cette assertion, il fait le parallèle avec le meurtre de Samuel Paty, prédisant que « la France fera, probablement, partie du camp des vaincus ».
Onfray vole ainsi au secours du camp chrétien et est, comme d’habitude, encensé par le canard de l’extrême-droite Valeurs Actuelles. Je ne sais quelle est sa compétence sur le Haut-Karabakh (peut-être autant que lorsqu’il écrit un livre sur le coronavirus tout en croyant que la Covid-19 c’est le 19ème virus). Pour ma part, je me souviens de Bakou et d’Erevan, lors d’un voyage effectué il y a bien longtemps et j’ai mal à l’idée que ces deux peuples s’entretuent. Ce n’est pas le rôle d’un "philosophe" de venir attiser les haines selon sa lecture islamophobe habituelle mais plutôt d’inciter à trouver les voies de la raison et de l’entente.
* Dans Marianne (27/11), l’ancien député LR Pierre Lellouche a résumé l’affaire à des djihadistes syriens ayant mis « à genoux la plus ancienne nation chrétienne du Caucase », surfant sur le génocide de 1915 annonçant celui de la Shoah, et concluant, se voulant prémonitoire : « gare aux bégaiements de l’histoire » !
Sarin en Syrie
En dédicace à celles et ceux qui en France soutiennent Assad et ses sbires, qui ont commis plus que des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité. Qui devront en répondre un jour, sinon devant la Justice des hommes, devant l’Histoire.
Post de Firas Kontar, juriste, opposant au régime syrien, membre de Souria Houria, sur son compte Facebook le 28 novembre :
« DW et Der Spiegel ont obtenu l’accès aux données prouvant que Bachar al Assad a donné directement l’ordre de l’attaque chimique de la Ghouta de 2013 en Syrie à son frère Maher al Assad responsable de la 4eme division armée. C’est cette division qui a mené l’attaque chimique le 21 août 2013 contre les zones rebelles de la Ghouta tuant plus de 1200 civils dont 400 enfants. Les données obtenues par der Spiegel et DW sont essentiellement des témoignages directs de hauts responsables du programme d’armement chimique syrien et de hauts gradés de l’armée ayant fait défection. Ces données ont permis à 3 ONG syriennes de saisir la justice allemande qui grâce à la compétence universelle peut juger les crimes contre l’humanité quelles que soient la nationalité des auteurs ou le lieu des crimes. »
Extraits de DW (lien en anglais : ici) :
« Les procureurs fédéraux allemands enquêtent sur les preuves d'une guerre chimique en Syrie. DW [Deutsche Welle] et Der Spiegel ont obtenu un accès exclusif aux témoins et aux documents qui font partie de l'enquête historique. Cibler des civils avec des armes chimiques constitue un crime de guerre au regard du droit international. (…) Les images montrent des corps se tordant sur le sol, certains moussant à la bouche, tandis que d'autres crient à l'aide. Les victimes semblent avaler dans une dernière tentative d'amener de l'air dans leurs poumons après que leur système respiratoire ait effectivement cessé de fonctionner.(…)
Les preuves suggèrent que le frère cadet du président Assad, Maher Assad, largement considéré comme la deuxième personne la plus puissante de Syrie, était le commandant militaire qui a directement ordonné l'utilisation du gaz sarin lors de l'attaque de la Ghouta d'août 2013. Cependant, les déclarations de témoins déposées avec la plainte pénale indiquent également que le déploiement d'armes stratégiques, telles que le gaz neurotoxique sarin, ne pouvait être exécuté qu'avec l'approbation du président Assad. (…)
Depuis 2011, l'unité allemande chargée des crimes de guerre a chargé plus d'une douzaine de procureurs de mener une enquête structurelle sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité en Syrie. L'Allemagne abrite aujourd'hui environ 600 000 Syriens, dont la grande majorité ont fui leur pays pour échapper au conflit brutal. Tout au long de leur demande d'asile, ils sont fréquemment interrogés sur leur rôle dans les atrocités, que ce soit en tant que victimes ou auteurs. »
Turcs allemands
Rwanda : la commission sur le rôle de l’Armée française
Alors même que des historiens ayant travaillé sur le génocide rwandais étaient écartés de la commission officielle chargée d’enquêter sur le rôle de la France au Rwanda, une historienne, Julie d’Andurain y était nommée, ce qui a provoqué un tollé du fait des positions qu’elle défend sur ce drame qui s’est déroulé en 1994, faisant au moins 800 000 morts, Tutsis et Hutus modérés. A la manière de l’hebdo Marianne, de Pierre Péan, d’Hubert Védrine et d’anciens militaires qui mènent campagne souvent en se dissimulant sur les réseaux sociaux derrière des pseudos, trollant les articles osant s'interroger sur le rôle de l'armée française, cette historienne, qui a des liens soutenus avec l'institution militaire, renvoyait dos à dos victimes et massacreurs et prenait la défense de l’État français affirmant que l’Opération Turquoise était humanitaire, alors qu’elle a vraisemblablement été chargée de protéger l’évacuation des Hutus génocidaires.
Après la parution d’un article sur Le Canard enchaîné fin octobre et un autre de Théo Englebert sur Mediapart (Une historienne décrédibilise la « commission sur le rôle de la France au Rwanda » et suscite l’indignation, elle a annoncé sa décision de se retirer de ladite commission (L’historienne controversée prend la porte).
Guillaume Ancel, ancien officier qui a publié Rwanda, la fin du silence : témoignage d’un officier français, Les Belles Lettres (2018), tient un blog Ne pas subir dans lequel il traite souvent des questions liées au génocide du Rwanda. Il s'est exprimé sur cette affaire, s'indignant que l'historienne, mise en cause y compris par des historiens, ait pu tenter de mobiliser des associations d'historiens en soutenant "les thèses révisionnistes soutenues par Hubert Védrine".
. voir également l'article de Survie sur cette affaire (association créée en 1984 qui dénonce toutes les formes d’intervention néocoloniale française en Afrique et milite pour une refonte réelle de la politique étrangère de la France en Afrique) : ici.
Pompeo incendiaire
Il tente de poser des jalons pour entraver les marges de manœuvres de Joe Biden : reste à savoir ce que fera ce dernier en héritant d’un tel déni américain au droit international. [21 novembre]
. Certaines de ces chroniques ont été publiées auparavant sur mon compte Facebook dans une version plus courte.
Billet n° 586
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là.
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