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Lettre de soutien aux populations équatoriennes en lutte contre les projets miniers du collectif Stop Mines 23 (Creuse)

Information Communiqué
Date de publication: 
Mercredi, 15 Juillet, 2015
Par: 
Collectif Stop Mines 23 (Creuse)

Ici, en Creuse, département du centre de la France, les promoteurs de l'industrie minière projettent d’extraire de l’or vers 2020 et ont déjà commencé leurs recherches. Nous n’avons pourtant besoin ni des emplois qu’ils brandissent comme des marionnettes, ni de leur or. Il ne s’agit que d’un processus d’exploitation capitaliste et de colonisation de la campagne, qui n’a pour point de départ aucun besoin réel identifié sinon les cours fluctuants des métaux, l'accumulation et l'enrichissement d'une poignée d'égoistes.

Dans la creuse, dans la Sarthe, en Bretagne et un peu partout en France, nous nous organisons pour arrêter cette industrie qui dévore tout sur son passage.

Nous sommes bien déterminés à faire plus de bruit par notre voix qu’eux par leurs machines, en nous opposant à ces projets miniers.

Il y a bien assez de métaux  à recycler dans la multitude des gadgets éléctroniques inutiles qui peuplent notre monde:  nul besoin de de creuser dans les entrailles de nos territoires ni de détruire nos lieux de vie pour aller y chercher des  métaux qui alimentent une consommation de masse d'objets inutiles dont nous n'avons que faire ! Ces industriels jouent leur survie et celle de leur monde. Un monde dépassé. Ils sont obligés de faire pression sur des territoires et des populations de plus en plus allergiques aux mines et à leur développement arrièré. Ils sont archaïques, nous sommes l'avenir ! Nous ne les laisserons pas faire.

Pour cela, nous soutenons tous les peuples en lutte contre l’extraction minière ou contre tous les grands projets extractivistes, au Nord comme du Sud. Nous affirmons par cette lettre notre solidarité avec les peuples de l'Equateur qui, comme nous, luttent contre la machine extractive et refusent de voir leurs territoires broyés, pillés et  réduits en cendres. En ces temps de crise et d'adversité, où le gouvernement de la pseudo « révolution citoyenne » a tout fait pour briser, réprimer, ou acheter les mouvements sociaux, nous vous encourageons à tenir bon et à ne pas lâcher prise.  Nous saluons à ce titre le peuple de Pacto qui, à travers la consultation populaire du 12 avril 2015, a eu le courage de dire "non aux mines à ciel ouvert" !

Articles

Changer de maître, mais pas d’école ? Opération Correa en huit leçons.

Date de publication: 
Jeudi, 23 Avril, 2015
Par: 
Collectif Aldeah

Crédit : http://www.lemandarin-magazine.com/la_chine_en_equateur_derriere_la_fraterniteCrédit : http://www.lemandarin-magazine.com/la_chine_en_equateur_derriere_la_fraterniteActuellement en salles, le film « Opération Correa » de Pierre Carles se propose de dévoiler la logique marchande des grands médias qui pousse les journalistes à ignorer le « miracle équatorien » et son principal protagoniste, Rafael Correa, président de l’Equateur depuis presque neuf ans*. De Podemos (Espagne) à Syriza (Grèce), en passant par Jean-Luc Mélenchon en France, le rêve équatorien séduit pourtant la gauche radicale européenne, et l’« opération » de Pierre Carles entend donner à cet enthousiasme un nouvel élan. Mais après ces neuf années, que peut-on dire du projet politique de Rafael Correa ? Entre le silence des grands médias et la propagande des hérauts de la « révolution citoyenne », difficile d’y voir clair. 

Bien qu’il soit impossible de dresser un bilan complet, certaines caractéristiques de la gestion de Correa nous interpellent. En tant que militants, français, latino-américains et notamment équatoriens, engagés dans des luttes concrètes contre l'extractivisme, l'autoritarisme et le capitalisme (non, nous ne sommes pas des agents de la CIA), nous sommes inquiets de constater que la « révolution citoyenne » de Correa sert de source d’inspiration aux dirigeants et militants en quête « d’alternatives » qui ne semblent pas être au fait des réalités locales, ou qui décident de les ignorer au risque de cautionner des politiques, discours et attitudes contre lesquels ils se battent ici-même en Europe. Une mise au point s’impose.

 (1) Rafael Correa est-il anticapitaliste ?

Il nous répond lui-même : « Nous faisons mieux avec le même modèle d’accumulation, plutôt que de le changer, parce que notre intention n’est pas de porter préjudice aux riches, mais de parvenir à une société plus juste et équitable »[1].

 (2) Quel genre de démocratie est l’Equateur de Rafael Correa ?

Rafael Correa et son mouvement politique, Alianza País, ont enclenché un processus de modification de la Constitution (promulguée lors de son premier mandat), qui lui permettrait de briguer plus de deux mandats successifs[2], contredisant ce qu’il affirmait il y a peu : « ce serait très malheureux qu'une personne soit si indispensable qu'il faille changer la Constitution pour modifier les règles du jeu »[3]. La même réforme constitutionnelle donnerait à l’armée le droit de participer à des opérations de sécurité publique (article 158), limiterait la possibilité de citoyens de se défendre contre les actes abusifs de l’Etat (article 88) et ferait de la « communication gouvernementale » un service public impliquant un droit de diffusion (au nom de ce service) et un contrôle accru sur les médias publics et privés (article 384)[4].

De même, le décret présidentiel n°16 [5] « encadre » si bien l’activité des associations que, quelques mois après son entrée en vigueur, il a déjà permis la fermeture de la Fundación Pachamama pour le motif qu’elle aurait exercé une activité politique menaçant la sécurité de l’Etat[6]. Pour rappel, en vertu de ce décret, l’activité politique n’est autorisée qu’aux partis politiques, officiellement inscrits comme tels, sous peine de dissolution ou de poursuites pénales! Quelle liberté pour les contre-pouvoirs existe-t-il aujourd’hui en Equateur si critiquer l’action du gouvernement peut mener les représentants d’une association en prison ? Qu’est-ce qu’une « activité politique » ? Il s’agit bel et bien d’un ensemble de réformes anti-démocratiques et elles ne sont pas le fruit du hasard.

Sous les mandats de Rafael Correa, les projets d’exploitation de ressources naturelles sont lancés sans consultation des communautés indigènes[7], en violation de la convention 169 de l'OIT (ratifiée par l’Equateur) et de la Constitution, instaurant un climat de peur et de répression des opposants : emprisonnement sans preuve, assassinats inexpliqués, répressions violentes, vexations quotidiennes. Dans la Cordillère du Condor (en Amazonie), trois de nos camarades ont ainsi récemment disparu : en 2009, Bosco Wisum est tué par la police lors d'une manifestation en opposition à la nouvelle loi sur l'eau (favorisant sa privatisation) ; en 2013, Freddy Taish est abattu lors d'une opération de l'armée ; enfin, en 2014, le corps sans vie de José Tendetza, opposant notoire au mégaprojet minier chinois Mirador, est retrouvé dans un affluent du Rio Zamora. Javier Ramirez, un des leaders de l’opposition à l’exploitation du cuivre en Intag, a été emprisonné durant 11 mois sans que les faits qui lui sont reprochés ne soient établis, tandis qu’un autre opposant, Carlos Zorrilla, d’origine cubaine mais qui réside en Equateur depuis 1978, a été accusé publiquement par le président Rafael Correa en personne, lors de son émission télévisée hebdomadaire, d’être « un étranger qui empêche le développement [du] pays » ![8]

Enfin, à propos de l’avortement, nous vous laissons juger : en 2013, lorsqu'un petit groupe de députées appartenant à Alianza País (parti de Rafael Correa) proposent de le dépénaliser en cas de viol, Rafael Correa, fervent catholique, menace de démissionner et dénonce la « trahison » des députées, tout en jurant qu’il refuserait d’accepter cette décision du parlement si elle était votée[9]. Son secrétaire juridique, Alexis Mera, un homme politique qu’on situerait volontiers à l’extrême droite en France, qualifiera de "mal baisées (mal culiadas)" les féministes pro-avortement[10] ! Ambiance.

(3) La « révolution citoyenne » de Rafael Correa est-elle portée par les mouvements populaires, indigènes et paysans ?

Ennemi de l’État : Carlos Zorrilla et la bataille pour Intag

Date de publication: 
Lundi, 27 Janvier, 2014
Par: 
Par Gerard Coffey, Linea de fuego, 6 janvier 2014, traduction pour www.aldeah.org

« Un étranger qui empêche le développement de notre pays », c’est ainsi que Carlos Zorrilla, membre fondateur de  la DECOIN (Défense et protection écologique d'Intag, association connue pour son opposition aux projets d’exploitation de cuivre dans la vallée d’Intag), a été désigné par le président de l’Equateur en personne. Le 28 septembre dernier, lors de son émission télévisée hebdomadaire « Enlace Ciudadano », Rafael Correa a présenté à la Nation des photos de militants d'Intag, dont celle de Carlos Zorrilla, en les accusant de mener des activités « déstabilisatrices » et de faire de l’ingérence dans la politique nationale. A l'occasion d'un autre discours télévisé, le 7 décembre, le président Correa a une nouvelle fois nommément accusé Carlos Zorrilla, né à Cuba, de défendre des intérêts étrangers et a appelé la population équatorienne à "réagir". Aux côtés de nombreuses autres associations et collectifs, vigilants et solidaires avec la lutte d’Intag, nous souhaitons exprimer notre plus vive préoccupation devant cette attitude non seulement xénophobe mais qui, venant d’un chef de l’Etat, met directement en danger la sécurité des militants écologistes de la région. Afin de faire connaître qui est réellement Carlos Zorrilla, nous publions ci-après la traduction de l’article paru à son sujet dans Linea de Fuego.  Le Collectif ALDEAH.

Né à Cuba, il a quitté l’île lorsqu’il avait 11 ans, prenant la route des États-Unis avec sa famille. La terre promise ne l’a pas convaincu. Comme beaucoup de personnes de sa génération, il n’a pas accepté la guerre que son pays d’adoption menait au Viêtnam, et les manœuvres politiques du président d’alors, Richard Nixon, ne lui convenaient pas non plus. Il s’en est allé. Il cherchait un endroit où vivre en paix. En 1978, dans la vallée d’Intag (Imbabura), il a trouvé une zone agricole attrayante, habitée par des communautés fortes et solidaires. Et il est resté là-bas. « J’adore l’agriculture », confesse Carlos Zorrilla.  Sa décision n’est pas difficile à comprendre. La zone d’Intag, située sur les contreforts occidentaux du volcan Cotocachi, est chaude, verte et franchement belle. Peuplée à la fin du XIXe siècle par des familles ayant migré depuis d’autres secteurs d’Imbabura, ce district subtropical, principalement agricole, est riche en eau, en biodiversité et en paysages spectaculaires.

Mais l’histoire de Zorrilla en Intag n’est pas celle d’un bonheur bucolique, d’une promenade dans les nuages. La paix et la vie collective ne se donnent pas facilement. Il y a du cuivre dans les collines et, à double deux reprise durant ces dernières décennies, des entreprises étrangères ont cherché à exploiter ce minerai. « La première fois nous avons appris la présence d’une entreprise minière dans la zone à la fin de l’année 1994, dit Carlos, c’était la japonaise Bishimetals, une filiale de la multinationale Mitsubishi. Au début, les gens ne savaient pas pourquoi elle était là ».  

L’année suivante, les activités de l’entreprise minière les ont amenés, lui et Giovanni Paz, un prêtre d’Imbabura, ainsi que d’autres, à créer l’association DECOIN (Défense et Conservation Ecologique d’Intag), pour protéger la biodiversité de la région et développer des projets soutenables. « Nous savions que ces projets étaient importants pour l’avenir », témoigne Silvia Quilumbango, l’actuelle Présidente de DECOIN.