Ensembles vocaux

Nuevo amor

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7 pièces pour soprano, clarinette et percussion, Op. 16 1
Commande d’Etat, pour l’ensemble Erwartung,
Festival Aspekte de Salsbourg

durée : 19'48''

CD MFA-Radio-France / HMCD 76, oct. 2000

Virginie Pesch, soprano, Eric Lamberger, clarinette, Bernard Heulin, percussion.


Tout système philosophique où le Corps de l’homme
ne joue pas un rôle fondamental, est inepte, inapte
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Lancelot et Guenièvre au lit, Lancelot-Graal, vers 1320, Londres, British Library, Ms. 10293, fol. 312 V°.

Artaud, Varèse et un certains nombre de créateurs du XX° siècle se sont abreuvés aux sources latino-américaines, sur le terrain comme dans un certain nombre de chef-d’oeuvres de la littérature et de l’art. Comment, sur les lieux même, ne pas être saisi par la puissance de tous ces vestiges ruinés mais encore palpitants lorsqu’au-delà des désastres coloniaux, sourd parfois le breuvage des anciennes cultures où, à la sève d’une nature luxuriante et terrible  se mêle le sang fauve, toujours frais des sacrifices ? Jaillie de la blessure des éléments et de la jeunesse, cette source sulfureuse et amère, garantit cependant pour quelques-uns jouvence et félicité amoureuses.

José Juan Tablada, Salvador Novo, José Emilio Pacheco et d’autres poètes d’aujourd’hui qui y ont goûté toute leur vie, sont entrés dans la généalogie spirituelle du Mexique. On pourra graver leurs noms sur les mystères anonymes des pyramides mayas.

Mais aussi, étonnamment ouverts à d’autres espaces, de l’Extrême-Orient (cf. Li Po y otros poemas de Tablada) ou de l’Europe ( je songe à la collaboration de Novo et Lorca pour Nuevo Amor), tous ces artistes articulent une langue extrêmement singulière. C’est comme si les sonorités de Cummings, Michaux ou Li Bai plongeaient dans les gouffres humides d’ Eluard, de Mandiargues ou Wang Wei pour  recréer un verbe d’avant Babel, le verbe des noces paradisiaques ...

NUEVO AMOR est une ballade musicale, en forme de visite guidée parmi quelques poèmes où s’inscrivent les mystères de l’amour. Chemin faisant, le voyage réactualise des impressions enfouies dans les ruines de l’histoire. La voix - seule - parlée, chantée, parfois même instrumentale - rencontre un partenaire - lui aussi vocal ou instrumental - s’invente alors un nouvel amour. Réalité ou fiction ? On peut répondre, comme Octavio Paz, que "seul est réel le brouillard".

À la manière des Éclats de lune, plusieurs poèmes, ici exclusivement mexicains, se répondent, font apparaître les reflets sporadiques de ce Nuevo Amor et s’ordonnent comme les pierres des anciens temples en une forme essentiellement dynamique et qui s’est passablement éloignée du romantique Liederkreis.

Les voix, aux timbres et sens multiples, surgissent telles les gouttes de vie qui filtrent entre les pavés et les ruines d’un amour constamment fragilisé par la corrosion du temps, de la nature et des hommes.
Aux interprètes, la difficile tâche de puiser sous ces quelques traces solfègiques, cette impérieuse énergie, ce philtre unique. En remplir la coupe rituelle d’un phénomène sonore encore inouï. Réinventer  l’amour . Peut-être !

B.D. 1999.

1 Éditions NOTISSIMO-LEDUC. Disque HMCD 76, Harmonia Mundi, MFA / Radio-France.

2 Paul Valéry, Cahiers, 1920-21 M VII, 769.