L'acupuncture

"Il doit y avoir du vrai dans l'acupuncture.
Nous ne voyons jamais de porc-épic malade"

Bob Goddard

La pratique de l'acupuncture est très répandue de nos jours en Occident, et même si elle est largement diffusée et pratiquée par des non médecins ou des "thérapeutes" s'improvisant "praticiens", certains membres du corps médical y ont aussi recours. Pour mieux la comprendre, et en mesurer la portée ou du moins pour pouvoir en évaluer soi-même la validité face aux connaissances médicales, scientifiques et physiologiques de nos jours, il sera intéressant de la replacer dans son contexte, dans son système d'idées et philosophique, pour mieux en montrer tout l'obsolescence.

La technique repose sur la croyance selon laquelle le corps est sujet aux maladies lorsqu'il y a un "déséquilibre" des forces vitales. L'équilibre peut alors être "rétablit" en utilisant de fines aiguilles, ou par tout autre moyen, dans le but de stimuler des points localisés sur tout le corps. Les aiguilles sont habituellement insérées puis tournées et peuvent être laissées telles quelles pendant un court moment. Les points sélectionnés dépendent eux des symptômes du patient, de la saison, du temps qu'il fait et du pouls.

L'acupuncture est une thérapie basée sur la philosophie de la Chine ancienne et a été pour la première fois décrite dans le texte Shih-chi datant de 90 avant notre ère, qui reste pour l'instant la plus ancienne source connue se référant à la technique. Certains auteurs modernes ont tenté de donner leurs points de vue sur l'acupuncture, ou se sont exprimés sur le sujet, sans tenir compte des descriptions des anciens textes médicaux chinois, ce qui est tout à fait impropre. Toute évaluation de l'acupuncture devrait considérer ces textes comme les documents historiques qu'ils sont, et non pas seulement les réinterpréter gratuitement afin qu'ils s'adaptent à d'autres buts. Quand cet impératif est respecté, on mesure la distance qui sépare la forme occidentale moderne de l'acupuncture et sa compréhension de celles qu'en avaient les anciens. C'est seulement par un recours précis aux sources que les personnes intéressées par l'acupuncture pourront déterminer si ses concepts restent applicables d'une manière significative à notre époque. L'objectivité est un principe scientifique important qui protège de toute influence des anciennes croyances ou idées.


Point historique

Les textes chinois les plus vieux ayant trait à la médecine sont ceux découverts dans les tombes Ma-wang-tui en 1973 datés de 168 avant notre ère. Ils donnent une image de la médecine chinoise telle qu'elle existait au 3° et 2° siècle avant notre ère. L'acupuncture n'est pas mentionnée dans ces textes, qui évoquent par contre toutes les autres formes de traitements utilisés à l'époque. Les textes Ma-wang-tui décrivent onze mo ou vaisseaux, dont ils croyaient contenir en plus du sang, la fameuse "force vitale" connue sous le nom de ch'i ou pneuma. Il n'y avait pas de distinction de faite entre les vaisseaux sur la base de leur contenu et aucune information n'était donnée sur le comment de la circulation du sang et du ch'i dans les artères ou veines, qui ne formaient d'ailleurs pas un système connecté. Vers la fin du premier siècle avant notre ère, on croyait qu'il y avait 12 artères et qu'elles étaient connectés en réseau et il s'était développé une idée d'un ch'i s'écoulant dans les vaisseaux séparément du sang.

Le texte le plus important de cette époque, le Huang-ti nei-ching, mentionne douze vaisseaux connectés dans différentes directions aux douze précédemment évoqués. Ceux-ci étaient appelés "tuyaux" (ching) ou "vaisseaux conduits" (ching mo). Il est également fait état d'un grand nombre de trous localisés partout sur le corps au-dessus de ces vaisseaux. La plupart des auteurs et praticiens modernes se réfèrent à ces trous comme étant les méridiens.


Le Ch'i

La maladie était étroitement liée au système vasculaire et était à cette époque traitée par des saignées réalisées par des pierres tranchantes ou des aiguilles. Plus tard le concept d'un agent cause de la maladie, hsieh, se développa. On croyait qu'il pouvait se loger dans les vaisseaux sanguins et interférer avec leur flux. Le concept de ch'i vint du terme hsieh-chi, ou "mauvaises influences", qui allait croissant alors qu'il était considéré, dans l'histoire chinoise, que les agents de la maladies étaient une sorte de démons (hsieh-kuei).

L vent était à l'origine considéré comme un démon et donc un agent de la maladie. Plus tard il fut représenté plutôt comme un phénomène naturel, bien qu'il soit toujours considéré comme précurseur des évènements à venir. En tant qu'esprit ou démon, le vent résidait dans des cavernes ou des tunnels. Le mot pour "cavernes" est utilisé dans la littérature de l'acupuncture en désignant les trous dans la peau à travers lesquels le ch'i est en mesure de s'écouler dans et en dehors du corps (hsueh). On croyait que grâce à l'insertion de différentes sortes d'aiguilles dans ces trous, le flux de ch'i pouvait augmenter ou diminuer et permettre ainsi de recouvrer la santé. Le ch'i était censé flotter dans l'air et s'écouler dans le sang. Le caractère chinois utilisé pour représenter le ch'i est littéralement lu comme de la vapeur s'échappant. Les partisans de l'acupuncture aiment utiliser le mot d'"énergie" en association avec celui de ch'i même si le ch'i n'a, semble-t-il, aucune ressemblance avec le concept d'énergie tel qu'utilisé par la physique de nos jours.


L'influence céleste

De nouveau, la connexion entre le fait de percer au moyen d'aiguilles et le ch'i, concepts qui forment la base de l'acupuncture, émergeait d'une vision cosmologique du monde pas vraiment clair lors des premières descriptions de ces "saignées" médicales. La médecine chinoise était alors englobée dans un système de correspondances cosmologiques. Par exemple, les aiguilles utilisées étaient rassemblées par paquets de neuf à cause de la signification cosmologique du chiffre. Quand le système d'ouvertures ou de trous le long des vaisseaux a été pour la première fois décrit, il y en avait 365, non pas parce que ce nombre avait été identifié anatomiquement, mais plutôt parce que cela correspondait au nombre de jours dans l'année. Des textes plus anciens ne font d'ailleurs pas référence aux ouvertures, mais ils sont soudain évoqués et sont au nombre de 365. L'absence de toute base objective au sujet de ces passages pour les aiguilles, les fameux points d'acupuncture, est flagrante par le fait seulement que plusieurs textes en donnent des nombres différents.


Éléments contradictoires

Les vaisseaux, et non pas les ouvertures, étaient en fait les caractéristiques centrales de l'acupuncture "ancienne", tandis que dans la pratique moderne les points d'acupuncture apparaissent être d'une importance primordiale. Les vaisseaux ont, depuis le temps, perdu leur association avec le système vasculaire et en occident ils sont maintenant considérés principalement comme les voies reliant les ouvertures entre elles. L'utilisation du terme "méridien" plutôt que "vaisseau" ne fait qu'embrouiller un peu plus le sujet. Une autre contradiction apparaît en ce que la pratique moderne de l'acupuncture semble reposer sur des concepts de "pré ou post-circulation". C'est-à-dire que les vaisseaux sont percés comme s'ils constituaient des unités séparées et indépendantes, alors qu'en même temps la plupart des praticiens de médecine traditionnelle chinoise (MTC) font confiance en la prise du pouls au poignet, ce qui serait logique si le flux des vaisseaux était considéré comme continu.

Si le flux n'était pas continu (et les vaisseaux non connectés) alors chaque vaisseau nécessiteraient une prise de pouls indépendante sur chacun d'eux. C'est d'ailleurs ce qui était décrit à l'origine, et il semble bien que cette contradiction soit venue d'une acceptation et d'un rejet partiels de l'histoire de l'acupuncture et de la MTC. Ce qui est par contre incompréhensible, ou peu clair, est pourquoi cela s'est produit et comment il fut décidé de garder certains éléments et d'en rejeter d'autres.


Pour aller plus loin :
- Les charlatans de la santé, Jean-Marie ABGRALL.
- Les médecines douces, Jean-Jacques AULAS.
- Médecines alternatives : le guide critique. Collectif.
- Acupuncture : L'histoire et la pratique d'une médecine ancestrale. Evelyne Malnic.
- L'acupuncture chinoise histoire, doctrine et pratique. Lavier Jacques.

A visiter :
- L'effet placebo.
- A la recherche du ch'i.
- L'acupuncture et ses études mondiales.
- Quoi de neuf à propos de l'acupuncture ?
- L'acupuncture contre le tabagisme.
- Des aiguilles et des hommes.
- L'acuponcture (lien Quackwatch).
- Les méridiens de l'OZ.

Références :
- Acupuncture and related interventions for smoking cessation. White AR, Rampes H, Campbell JL
- How good are systematic reviews of acupuncture?
- Acupuncture in patients with tension-type headache: randomised controlled trial
- Evaluation des preuves de l'acupuncture en rééducation (anglais)
- A Randomized Clinical Trial of Acupuncture Compared with Sham Acupuncture in Fibromyalgia
- Acupuncture and chronic pain : a criteria-based meta-analysis. Riet G, Kleijnen J, Knipschild
- A meta-analysis of studies into the effect of acupuncture on addiction. Ter Riet G, Kleijnen J, Knipschild P.
- Acupuncture for back pain : a meta-analysis of randomized controlled trials. Ernst E, White AR.
- An overview of two Cochrane systematic reviews of complementary treatments for chronic asthma: acupuncture and homeopathy. McCarney RW, Lasserson TJ, Linde K, Brinkhaus B
- Acupuncture for back pain: meta-analysis of randomised controlled trials and an update with data from the most recent studies Ernst E, White AR, Wider B.
- A controlled trial of the theory of acupuncture in musculoskeletal pain. Godfrey CM, Morgan P
- Acupuncture and chronic pain mechanisms. Ghia JN, et al.
- Efficacy of acupuncture on osteoarthritic pain. Gaw AC, Chang LW, Shaw LC
- Acupuncture compared with placebo in post-herpetic pain. Lewith GT, Field J, Machin D
- Traditional Chinese acupuncture in tension type headache : a controlled study. Tavola T, et al.
- Acupuncture Treatment No More Effective Than Sham Treatment In Reducing Migraine Headaches
- Introducing a placebo needle into acupuncture research. Streitberger K, Kleinhenz J.
- A meta-analysis of acupuncture techniques for smoking cessation. A R White, K-L Resch, E Ernst
- Acupuncture to stop smoking