Requins-baleine nageant
Amériques,  Mexique,  Voyage écoresponsable

Peut-on nager responsablement avec les requins-baleines ?

Les voyageurs amoureux de la nature et amateurs d’aventure se plairont à nager avec les géants de l’océan. Mais quel impact sur cette espèce menacée ? Peut-on encore découvrir les requins-baleines dans leur environnement naturel sans les mettre en danger ?

Retrouvez dans cet article la situation actuelle, les bons comportements à adopter et ma propre expérience de nage avec les requins-baleines.

Les requins-baleines

Le requin-baleine (Rhincodon typus) est le plus grand poisson du monde, pesant environ 11 tonnes et mesurant jusqu’à 14 mètres. Malgré son nom impressionnant, il se nourrit principalement de plancton et n’est pas agressif. On le surnomme d’ailleurs le « gentle giant« .

L’espèce est considérée comme en danger par l’IUCN, due à la réduction de la population. On retrouve le requin-baleine dans les mers et océans chauds du globe.

Il connaît peu de prédateurs et est particulièrement menacé par la surpêche. On le chasse notamment pour ses ailerons, comme beaucoup d’espèces de requins.

Requin-baleine proche

Pourquoi nager avec les requins-baleines peut les mettre en danger ?

Les spots de plongée qui n’adoptent pas une démarche écoresponsable peuvent avoir un impact néfaste sur le comportement et l’écologie des requins-baleines. Ces spots peuvent devenir si populaires que le nombre de bateaux dans la zone occasionne des collisions avec les requins-baleines, provoquant des blessures.

Beaucoup de centres se développent autour de l’appâtage, qui consiste à attirer les animaux dans la zone avec de la nourriture. L’appâtage présente un certain nombre de problèmes, à commencer par la dépendance des animaux. Ils ne cherchent peu ou plus à se nourrir par eux-mêmes.

Les requins-baleines deviennent tellement dépendants au site que cela a des répercussions sur leurs trajets de migration et diminue leur méfiance vis-à-vis des humains. Or, cette méfiance naturelle leur permet normalement de ne pas s’approcher des bateaux, au risque de s’y blesser ou de se retrouver coincés dans des filets de pêche.

Par ailleurs, la nourriture utilisée pour appâter n’apporte pas tous les nutriments nécessaires, occasionnant ainsi des carences.

Requin-baleine avale du plancton

Une autre mauvaise pratique aux conséquences graves est le fait de toucher les requins-baleines. On ne le répètera jamais assez, il ne faut jamais toucher les animaux sauvages. Ces pratiques occasionnent du stress et des réactions comportementales anormales.

Elles peuvent également occasionner des maladies, causées par les bactéries présentes sur notre peau. Un centre de plongée à Bohol explique pourquoi ils ne nagent pas avec les requins-baleines et donne plus de détails sur ces impacts néfastes.

Nager avec les requins-baleines à travers le monde

Philippines

La destination la plus connue pour nager avec les requins-baleines est probablement les Philippines, Oslob en particulier. C’est également un parfait exemple d’industrie qui se base sur une ressource naturelle tout en ignorant toute considération écologique.

La lumière commence à se faire sur ces pratiques, à l’image des tigres ou des éléphants en Thaïlande, mais c’est loin d’être suffisant. La majorité des touristes ignore la portée de leur comportement et l’industrie ne semble faire aucun effort pour les encadrer.

Le spot d’Oslob est totalement artificiel, il s’est développé autour de l’appâtage. Des pêcheurs et centres de plongée ont vite vu l’opportunité touristique que pouvaient représenter les requins-baleines, attirés par le produit de la pêche.

L’industrie a ensuite explosé, et les dérives avec : touristes « surfant » sur des requins-baleines, blessures causées par les bateaux, etc. D’une manière générale, on observe à Oslob toutes les conséquences néfastes mentionnées plus haut.

Requin-baleine de face
Photo Pixabay

Mexique

Le Mexique est une autre destination populaire pour nager avec les requins-baleines. Au large de la péninsule du Yucatan se trouve l’une des plus larges agrégations naturelles de requins-baleines. La petite île d’Isla Holbox est précurseur en la matière.

Mais la pression ne cesse d’augmenter au fur et à mesure que se développent de plus en plus de centres, surtout dans la grande ville touristique de Cancun.

Le Mexique semble encore une destination assez responsable. Mais au vu de l’augmentation rapide, il est nécessaire qu’une réglementation stricte soit rapidement mise en place avant que la situation n’empire. Le changement doit également venir à notre niveau individuel, en adoptant les bons comportements

Les avis restent assez mitigés sur le potentiel écoresponsable des spots de plongée au Mexique. Vous pouvez retrouver mon expérience un peu plus bas dans cet article, ainsi que le ressenti d’autres voyageurs sur Earth Island Journal (en anglais).

Photo Pixabay

Et ailleurs ?

L’Australie, et en particulier le récif de Ningaloo, semble présenter un meilleur profil écoresponsable. Toutefois, une étude a montré que la taille des requins-baleines et leur abondance se réduisaient, malgré leur statut de protection. Reste à savoir si ces activités jouent un rôle ou si la surpêche et les autres menaces sont seules responsables.

D’après l’association Marine Megafauna Foundation, le Mozambique est un spot où les pratiques écoresponsables prévalent encore. On peut en attribuer le bénéfice au respect des règles, ou peut-être au nombre de touristes. Il est probablement moins élevé au Mozambique qu’au Mexique et aux Philippines, touchés par le tourisme de masse.

L’association tente également de développer des pratiques écoresponsables à Madagascar.

Mon expérience avec les requins-baleines

Mexique, 2016. Nous partons de Playa del Carmen, 7 ou 8 voyageurs de la même auberge de jeunesse. Nous avons réservé notre excursion avec le centre de plongée de notre auberge, nous prenons le bateau à Cancun.

Le trajet dure une heure peut-être, rien que la mer à perte de vue. Nous arrivons au beau milieu de nulle part, entouré d’une dizaine d’autres bateaux.

Les requins baleines sont là, à la surface, gueule ouverte, se nourrissant de plancton. Voir le premier passer à quelques centimètres de la coque me fait monter les larmes aux yeux.

On enfile nos tenues de lumière : masques, tuba, palmes, combinaisons et on saute à l’eau, avec un guide. Dans l’eau c’est encore plus époustouflant. Ces gentle giants n’en ont pas l’air vu leur taille, mais leur rythme de croisière est difficile à tenir. Ils sont tout autour de nous, naviguant entre les bateaux, guère intéressés par nous.

Le guide m’interpelle, il a vu des raies manta ! Je plonge la tête sous l’eau, regarde à mes pieds, mon dieu tout ce bleu, je n’ai aucune idée d’où est le fond ! Et je vois une raie, tâche blanche sur tout ce bleu marine, qui nage, qui vole on croirait, sous moi et disparaît dans l’obscurité. J’en ai le souffle coupé.

Plongée avec les requins-baleines

À l’été 2016, j’ai fait mon premier voyage solo au Mexique. Je venais de prendre la décision de changer d’études et de me lancer en conservation de la biodiversité. J’étais cette voyageuse curieuse, passionnée par la biodiversité et naïvement attirée par le fait de voir des animaux.

Vous vous reconnaissez peut-être dans cette description ? Vous respectez la nature, vous voulez la découvrir, mais vous ne connaissez pas forcément l’impact de vos actions sur la nature. Non pas par mauvaise intention, mais simplement par ignorance. C’est comme ça que j’ai souhaité nager avec les requins baleines au large d’Isla Mujeres, au Mexique.

Au final, j’en garde un souvenir mitigé. Ma nage avec les requins baleines était magique, mais je gardais dans un coin de mon esprit cette pensée dérangeante : est-ce que je participe à une industrie qui ne respecte pas cet écosystème ? 

Aujourd’hui avec le recul et mes études, j’en viens à la conclusion que mon expérience n’était pas la plus irrespectueuse. Mais je ne sais pas à quel point cette industrie a un impact négatif.

Je n’ai constaté aucun appâtage sur les bateaux, ni aucun contact avec les requins-baleines. Sur notre bateau, nous ne nagions jamais à plus de 2 ou 3 à la fois.

J’ai demandé au guide si le nombre de bateaux dans la zone ne perturbait pas les requins-baleines. On m’a répondu que l’accès était réglementé et le nombre de bateau, limité.

Requins-baleine nageant

Mais dans le même temps, je n’ai pas le souvenir d’avoir été briefée sur les règles à respecter et leur importance. On peut bien me dire que l’accès est réglementé, mais comment, et à quel point toute cette activité peut déranger les animaux ? Il y a encore peu d’études qui se sont penchées sur cette problématique en particulier.

Un autre point qui a manqué est la sensibilisation. J’aurais aimé recevoir des informations sur les requins-baleines, leur écologie, leur comportement. Savoir que leur espèce est menacée et comment la préserver. 

La définition de l’écotourisme est qu’il s’agit d’une activité respectueuse de l’environnement certes, mais qui participe également à la protection de l’écosystème et des communautés locales.

Et ça passe par la sensibilisation. Connaître, c’est créer de l’empathie, et à terme, permettre de sensibiliser les gens à l’importance de préserver ces espèces.

Vous pouvez en apprendre plus sur la façon dont l’écotourisme peut aider à la conservation des requins-baleines dans cette thèse d’une étudiante en biologie de l’environnement.

Quels conseils pour nager avec les requins-baleines ?

Si je devais renouveler cette expérience ou la conseiller à d’autres, je chercherais d’abord à me renseigner sur l’impact de l’industrie dans la région.

Ensuite, je chercherais un centre de plongée qui a à cœur la sensibilisation et la protection de l’espèce, et qui se plie à la réglementation. Ce peut être un centre agréé par des associations de protection de la nature, ou qui reverse une partie du prix du ticket à la recherche. En clair, pas de greenwashing.

Également, ce centre propose-t-il un guide naturaliste qui, plus que pointer les animaux à voir, nous en apprend davantage à leur sujet ?

Comme dans toute expérience impliquant des animaux sauvages, nous pouvons adopter les bons comportements pour réduire votre impact.

Ne nourrissez pas les requins-baleines (ou tout autre animal sauvage d’ailleurs). Gardez une distance respectueuse et ne les touchez pas. Pensez à emporter une crème solaire respectueuse de la vie aquatique ou protégez-vous avec des vêtements de nage adaptés.

C’est la même chose pour nager responsablement avec les tortues, une autre activité populaire au Mexique. La WWF met à disposition un petit poster récapitulatif.

Poster WWF bons comportements avec les requins-baleines

Comme toujours, ces conseils peuvent se résumer à la même chose : se renseigner ! Voyez quelles sont les règles à respecter dans un tel environnement et pliez-vous-y.

Ces règles ne sont pas là pour faire joli, ou vous empêchez de « vivre de vraies aventures ». Elles sont là pour protéger les écosystèmes et permettre à tous de profiter de leur beauté.

Vous avez nagé avec les requins baleines ? Quel a été votre ressenti ?

Signature Blue Ashes Travel

Pin Nager responsablement requins-baleines

Sarah est voyageuse et conservationniste. Sur Blue Ashes Travel, elle vous parle environnement et découvertes ! Elle vous embarque dans ses aventures à travers le monde et souhaite vous rendre le voyage et la nature plus accessibles.

2 Comments

  • Rokusan

    Très bon article que tu nous proposes ici, bien écrit et très explicatif. Je me reconnais tout à fait dans la description de la « voyageuse ignorante qui aime les animaux ». Je n’ai jamais nagé avec des requins, des dauphins ou des tortues mais ma première rencontre avec des animaux marins fut lors de mon séjour en Islande. Depuis le port de Reykjavik nous sommes allés à la rencontre des baleines et cette expérience m’a vraiment dégoutée (et le mot est faible) : j’ai eu la sensation de participer à une chasse à la baleine ! (J’en parle sur mon blog si jamais ça t’intéresse, dans mes articles sur l’Islande). Depuis je suis très mitigée par toutes les attractions qui touchent aux animaux. Le fait qu’on soit mal informés ou que l’information peut être erronée me freine énormément. Je me dis « ok ça ça à l’air respectueux, mais est ce vraiment le cas ? ».

    • Sarah

      Merci beaucoup ! Je te comprends tout à fait, j’ai fait deux sorties de whale watching et cette plongée avec les requins-baleines mais à chaque fois je ne peux pas m’empêcher de me demander si c’est vraiment respectueux. Lors de la sortie je vois un peu les connaissances du guide, les consignes qu’on nous donne, les connaissances, etc. et avant je me renseigne autant que possible. Mais c’est vrai que c’est si facile avec la popularité des attractions avec les animaux et le green washing de se prétendre respectueux et de faire n’importe quoi, comme ces nombreux centres soi-disant de rescue pour les grands félins par exemple, où en fait on vient juste pour jouer avec des lionceaux, sans aucun but de conservation derrière. Heureusement les arnaques comme celles-là sont de plus en plus exposées, les gens sont plus exigeants, donc à terme je pense qu’on prend la bonne direction. Comme toujours le plus important c’est de renseigner, même si comme tu le soulignes parfois les informations manquent. En tout cas j’irais lire ton article sur l’Islande oui, je suis curieuse de lire ton ressenti !

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