Le Bhoutan,
royaume bouddhiste entre ciel
et terre, entre Chine et Inde

Alain Lamballe

Le Bhoutan, royaume bouddhiste grand comme la Suisse avec une superficie de 46 500 km2 et peuplé seulement de 700 000 habitants, situé entre les deux géants asiatiques que sont l’Inde et la Chine a su préserver son identité culturelle et religieuse. Sa situation géographique, dans la partie orientale de l’Himalaya, l’a aidé au cours des siècles à se tenir à l’écart des envahisseurs, sans toutefois l’empêcher d’entretenir des contacts avec ses voisins. Au nord, des cols franchissables même en hiver lui ont permis d’entretenir des liens avec le Tibet, malgré les hauts sommets dépassant les 7 000 mètres. Au sud, les plaines et les chaînes préhimalayennes avec jungles et gorges formaient paradoxalement un obstacle plus difficile mais non insurmontable.

Confronté à un problème d’intégration de populations immi­grées, originaires du Népal, et à l’insécurité des provinces indien­nes limitrophes, ayant beaucoup de retards à combler, le Bhoutan se développe néanmoins, dans une libéralisation rela­tive, en coopération avec son puissant voisin du sud mais aussi et de plus en plus avec de nombreux autres pays. Il applique une politique judicieuse de mise en valeur de son important potentiel hydroélectrique, de ses ressources agricoles et de ses atouts touristiques.

Une administration éclairée, une bonne gou­vernance mais des problèmes d’intégration

Le roi, auquel on prête une grande intelligence politique, cherche à se désengager au profit d’un gouvernement composé d’hommes compétents, souvent formés à l’étranger, en particulier aux États-Unis et dans les pays du Commonwealth. Une monar­chie éclairée préside aux destinées du pays, à défaut d’une démocratie qui, en l’absence de partis politiques, n’existe pas vraiment et demeure au stade balbutiant. Cependant une cer­taine libéralisation se développe. L’Assemblée nationale possède même le pouvoir de détrôner le roi. Il existe un journal unique, un hebdomadaire, le Kuensel, désormais libéré de la tutelle gouvernementale et dirigé par un journaliste de talent formé en Australie et aux États-Unis. Il paraît en langue locale, le dzongkha, en népali et en anglais. La télévision a fait son appa­rition. Le roi, encore jeune (47 ans), quelque peu autodidacte (il est monté sur le trône à 17 ans) semble, après 30 ans de règne, populaire auprès de toutes les couches de la population. Il incar­ne avec un certain succès le modernisme (adoption des technolo­gies nouvelles, développement des télécommunications, …) mais aussi le maintien de la spécificité bhoutanaise (y compris dans l’obligation de se conformer au style national dans l’architecture). L’imposition sur les revenus est faible. Partout la sécurité est assurée, la criminalité restant très rare. La corruption existe mais à un niveau beaucoup plus bas que dans les autres pays d’Asie du Sud.

La capitale, Thimphu, comprend 60 000 habitants. C’est une ville grouillante de monde, quelque peu cosmopolite, avec une présence notable d’Indiens. C’est un centre commercial important. Les bâtiments publics sont de belle qualité et bien entretenus mais la voirie laisse beaucoup à désirer.

La population est à peu près également répartie entre l’ouest et l’est du pays. La majorité de la population est d’origine tibétaine ou mongole. Elle pratique avec ferveur le bouddhisme du grand véhicule, Mahayana, sous sa forme tantrique. Cepen­dant, une immigration népalaise hindoue a peuplé le sud, à partir de la fin du xixe siècle et se poursuit, bien qu’à faible échelle, encore aujourd’hui. L’intégration des populations d’origi­ne népalaise, qui représenteraient plus du tiers du total, et dont le taux d’accroissement est supérieur, se fait mal. L’appellation de Gorkhalis pour désigner ces immigrés officiels ou illégaux est prohibée. Thimphu est quelque peu cosmopolite, avec notamment la présence d’ouvriers indiens qui vivent repliés sur eux-mêmes.

La scolarisation, gratuite, se fait de manière satisfaisante pour les garçons et les filles. Le taux d’alphabétisation avoisine les 55 % et augmente régulièrement.

L’état sanitaire de la population laisse encore à désirer malgré la construction d’hôpitaux dans les principales agglomé­rations. Les soins médicaux sont gratuits. Quelques cas de sida existent mais les autorités n’en parlent jamais, considérant le sujet comme tabou.

Economie

La population, pauvre mais pas misérable, ne connaît pas de famine. Les gens paraissent heureux, voire épanouis, ce qui s’explique davantage par leur nature les poussant à l’optimisme que par leur niveau de vie qui reste l’un des plus bas du monde. En fait, suite à une réforme agraire qui a dépossédé les monas­tères d’une partie de leurs biens, les paysans possèdent, pour la plupart, au moins un lopin de terre. Il y a peu de vrais riches et peu de vrais pauvres. Le marché noir est quasiment inexistant.

L’économie est essentiellement agricole (riz, blé, maïs et fruits). Les petites plaines du sud et les vallées sont riches et prospères, bien exploitées. L’élevage (mithun, yak, mouton) est pratiqué pour le lait et le traitement des peaux et des laines. Pour des raisons religieuses, la pêche et la chasse ne sont pas pratiquées. Les forêts constituent une richesse nationale. Quel­ques industries légères se trouvent dans le sud du pays, près de la frontière indienne.

La surface cultivable et cultivée est faible, moins de 9 % du territoire. Toutefois, comme le pays reste peu peuplé, la produc­tion agricole est presque suffisante. Elle n’est cependant pas assez diversifiée. Les denrées alimentaires non disponibles proviennent de l’Inde.

Les rivières coulant du nord vers le sud se frayent un chemin par des gorges vers le Brahmapoutre. Les principales, Wang, Torsa, Raidak, Sankosh, Manas, possèdent un vaste potentiel hydroélectrique, encore faiblement exploité. Un barrage a été aménagé à Chukha sur la rivière Wang ou Wang chu (chu signifiant rivière) dans l’ouest du pays. D’autres barrages ont été achevés ou sont en cours d’aménagement dans le reste du pays, au centre et à l’est. C’est la principale priorité pour accroître les ressources en énergie. L’énergie solaire paraît envisagée comme appoint.

Un axe routier ouest-est existe désormais, facilitant les échanges dans la partie centrale du pays entre les diverses vallées orientées nord-sud. Il a été terminé en 1975 et goudronné seulement en 1985. Le passage d’une vallée à l’autre nécessite le franchissement de cols élevés, en moyenne de l’ordre de 3 000 mètres, le plus élevé atteignant 3 800 mètres. Il n’est donc pas étonnant qu’il faille encore trois jours, pour aller en voiture de Ha, à l’ouest du pays à Tashigang à l’est. Cette route, dont le tracé ne cesse d’être amélioré, est praticable en toutes saisons bien qu’elle puisse être momentanément coupée l’hiver à cause d’abondantes chutes de neige. Aucun autre axe ouest-est sem­blable n’existe. De ce fait, les liaisons entre les principales villes méridionales se font plus facilement en utilisant les routes du Bengale occidental et de l’Assam. Le gouvernement envisagerait la construction d’un autre axe ouest-est dans le sud du pays qui permettrait de ne plus utiliser les routes indiennes. Mais il ne semble pas disposer des ressources nécessaires pour réaliser ce projet et rencontre des difficultés pour trouver des investisseurs étrangers, l’implication de la Chine étant exclue pour des raisons politiques.

Des routes desservent maintenant les principales vallées nord-sud en direction de l’Inde. Bien que les distances soient relativement faibles, il faut en moyenne de six à sept heures pour rejoindre le Bengale occidental ou l’Assam à partir de l’axe cen­tral ouest-est. Les liaisons vers le nord, assez peu peuplé, restent précaires. Il semble cependant que les chefs-lieux des 22 districts du pays soient désormais tous reliés par le réseau routier.

L’économie souffre de l’insuffisance des services. Le dysfonc­tionnement du système bancaire, encore rudimentaire, suscite des mécontentements.

Forces armées et paramilitaires

Les forces armées bhoutanaises comprennent 10 000 hom­mes. Il n’existe qu’une composante terre, sans même aviation légère. Les unités appartiennent pour la plupart à l’infanterie. Il s’agit de bataillons autonomes. Le niveau brigade n’existe pas.

La mission principale de l’armée semble être de surveiller la frontière sud avec l’Inde pour, dans la mesure du possible, empê­cher des passages de militants sécessionnistes en provenance de l’Assam. L’armée assure aussi la surveillance de la frontière nord avec la Chine.

Le chef d’état-major, le général de corps d’armée Lam Dorji, est assisté de quelques brigadiers. L’état-major de l’armée bhou­tanaise se trouve à la périphérie sud de la capitale, Thimphu, non loin d’un important camp de l’armée indienne qui abrite en particulier des unités de construction et de réparation de routes.

Les jeunes recrues reçoivent une formation de base au centre d’instruction de Wangdi Phodrang, au sud de Punakha.

Les Royal Body Guards, chargé de la sécurité du roi et de sa famille, constituent une unité à part.

Par ailleurs, les forces de police, fort peu nombreuses, assu­rent des tâches spécifiques normales, sans connotation politique particulière.

L’influence prépondérante de l’Inde

L’influence de l’Inde reste prépondérante dans les domaines économique, culturel et politique. Par ailleurs, son implantation militaire paraît solide et susceptible de monter rapidement en puissance, si le besoin s’en faisait sentir.

La domination économique indienne est patente. Les principaux produits de base dont le Bhoutan a besoin viennent en effet du sud, par camion. L’Inde satisfait la totalité des besoins en produits pétroliers. La plupart des produits nécessaires dans la vie courante, disponibles dans les magasins, sont d’origine indienne. L’Inde absorbe la majorité des coupes de bois et de la production fruitière.

Contrairement au Népal, les entreprises appartiennent, à raison de 90 %, aux nationaux. Néanmoins, les entrepreneurs et hommes d’affaires indiens sont très présents. Les relations vont bon train avec les cercles dirigeants des entreprises locales, parfois très bien formés et avisés.

L’Inde a construit le réseau routier et continue de le dévelop­per. La responsabilité de la construction et de l’entretien des routes appartient à une structure militaire, rattachée à la Border Roads Organisation de l’armée de terre indienne, qui a fait ses preuves dans toutes les zones frontière de l’Inde. Les ouvriers sont souvent indiens et népalais. L’entretien des routes constitue un défi permanent à cause des éboulements fréquents provoqués par les pluies et les tremblements de terre. Le développement des communications routières vers le sud a facilité les relations avec les provinces indiennes du Bengale occidental et des États du Nord-Est. L’Inde développe par ailleurs un réseau de télécom­munication.

L’Inde s’est aussi lancée, parfois en collaboration avec quel­ques firmes étrangères et organisations financières internatio­nales, dans un ambitieux programme, d’une importance majeure pour les deux pays, d’édification de barrages hydroélectriques, comme ceux de Tashigang, à l’est, Chorten Nyengpo, dans la région centrale de Bumthang et surtout Chukha sur la rivière Wang, à l’ouest du pays (achevé en 1988). Elle édifie sur la même rivière Wang, plus en aval, à Tala, un second barrage qui pro­duira trois fois plus d’électricité que celui de Chukha, en principe à partir de 2004. Deux barrages sont en cours d’achèvement, l’un à Basochu, sur la rivière Puna (Puna chu, affluente de la rivière Sankosh) dans la partie centrale, et l’autre sur la rivière Kuru (Kuru chu, affluente de la rivière Manas), au nord de Mongar dans la partie orientale, jusqu’ici relativement défavorisée dans ce domaine. Les besoins en électricité du pays bien que faibles ne sont pas encore assurés mais devraient l’être dans les prochaines années. Une bonne partie de la production hydroélectrique est d’ores et déjà exportée vers l’Inde. La vente représenterait à elle-seule 35 % des ressources du royaume. Cette coopération entre les deux pays semble se faire de façon très satisfaisante, à l’inverse de ce qui se passe entre l’Inde et le Népal[1]. A l’avenir, l’exportation d’électricité, destinée à s’accroître au fur et à mesure des constructions de nouvelles centrales, devrait constituer une source encore plus importante de revenus, évaluée par certains in fine à 90 % de l’ensemble et contribuer de manière significative au développement du pays. En comparaison, les droits de douane perçus sur les produits importés ne constituent qu’un très faible pourcentage.

Une pénétration culturelle indienne accompagne l’omnipré­sence économique. Ainsi, le hindi est compris par une large frange de la population surtout parmi les jeunes car les contacts sont permanents. Bon nombre d’étudiants suivent une scolarité dans les universités et centres de formation indiens, à titre payant ou comme boursiers de l’État hôte. La North Eastern Hills University de Shillong, capitale de l’État indien du Mégha­laya, relativement proche du Bhoutan, en accueille certains. L’université de Chandigarh, capitale commune des deux États indiens du Punjab et de l’Himachal Pradesh, semble également très prisée. L’unique université du Bhoutan, installée à Kanglung, près de Tashigang, dans l’est du pays, dans un souci de décentralisation, n’assure en effet pas toutes les formations. Les hauts fonctionnaires sont formés en Inde. La capitale de l’État indien du Bengale occidental, Kolkatta, exerce son influence dans le domaine de la presse. Les éditions régionales des grands quotidiens indiens qui paraissent en langue anglaise dans cette métropole sont en vente à Thimphu. Les thèmes relatifs au Sikkim, aux États indiens du Nord-Est, au Bhoutan, au Népal et à la Chine sont tout naturellement abordés dans ces journaux. Les articles alimentent la réflexion politique dans la capitale bhoutanaise dont une bonne partie de la population parle l’anglais. La presse indienne participe ainsi au processus de démocratisation, voulu par New Delhi.

En vertu du traité indo-bhoutanais de 1949 et de divers accords complémentaires ultérieurs, l’Inde assure la défense du Bhoutan mais ne peut intervenir militairement à son profit qu’à la demande expresse des autorités bhoutanaises. L’engagement des troupes indiennes ne revêt pas de caractère automatique. Il n’existe en fait pas d’accord de défense stricto sensu.

  La présence militaire indienne se veut discrète. Elle est néanmoins significative, même si les autorités indiennes démen­tent tout stationnement d’unités de combat. Environ 1 000 hom­mes seulement seraient stationnés au Bhoutan. Il est vraisem­blable que le chiffre réel soit supérieur, mais sans doute très variable en fonction de la situation interne dans les deux États et de la situation internationale, notamment relative à la Chine.

L’armée indienne est présente en particulier à l’ouest du pays, dans la vallée de la rivière Ha (Ha chu) dont la partie supérieure avec la ville du même nom, Ha, demeure interdite aux Bhoutanais non originaires de la région et à tous les étrangers. Cette présence s’explique par la proximité de la vallée de la Chumbi tenue par les Chinois et qui sépare l’État indien du Sikkim du Bhoutan. Cette vallée, où sont stationnées quelques unités de l’armée populaire, s’avance loin vers le sud. Autrefois très utilisée pour les échanges commerciaux, elle présente aujourd’hui un grand intérêt stratégique, car toute poussée des forces armées chinoises vers le sud, jusqu’au Bangladesh, couperait le Nord-Est de l’Inde du reste du pays. Elle est aussi surveillée à partir du Sikkim. L’armée indienne aurait entreposé et prépositionné dans la vallée de la rivière Ha des armements et matériels pour équiper d’urgence des unités, notamment un régiment d’artillerie, dont les effectifs viendraient en renfort de l’Inde, en cas de nécessité. Une compagnie de transport et une compagnie de réparation y seraient stationnées à titre permanent. Par ailleurs, l’Inde met en œuvre des postes de surveillance et, selon toute vraisemblance, des postes d’écoute, le long de la frontière chinoise, au nord, sur les cols et sur les hauteurs.

La vallée de la rivière Ha est desservie à partir de l’aéroport de Paro, le seul existant dans le pays, par une route directe construite, comme les autres routes, par les Indiens. Cet axe présente un grand intérêt stratégique car il rend plus aisé et plus rapide le ravitaillement des troupes stationnées dans la vallée. De plus, il faciliterait, en cas de guerre avec la Chine, l’arrivée de renforts en personnels acheminés à partir de l’Inde par voie aérienne. L’acheminement aérien de gros matériels n’est pas envisageable du fait de l’impossibilité pour les gros porteurs de se poser. La route entre Paro et Ha est interdite aux usagers normaux et aux étrangers. De plus, l’aéroport se trouve sous la surveillance, fort discrète, d’un détachement indien occupant une hauteur à proximité de la route qui conduit à la ville de Paro.

Des unités de l’armée indienne, en faible nombre semble-t-il, se trouvent aussi aux côtés de l’armée bhoutanaise dans la partie frontalière du sud-est, de part et d’autre de Samdrup Jongkhar. Cette présence se justifie par l’existence en territoire bhoutanais, dans les districts de Geylegphug, Shemgang et Pemagatsel, de postes de commandement et bases arrières de quelques mouve­ments sécessionnistes agissant dans les États du Nord-Est de l’Inde, en particulier en Assam (United Liberation Front of Assam et diverses organisations des Bodos, qui constituent une ethnie minoritaire)[2]. En théorie, New Delhi et Thimphu coopè­rent pour supprimer ces sites clandestins mais s’opposent sur les moyens d’y parvenir. Les Indiens souhaitent utiliser la manière forte. Les Bhoutanais, au contraire, veulent négocier avec les rebelles. En réalité, ceux-ci exercent des pressions sur le gouver­nement bhoutanais. Toute intention ou même simple velléité d’entreprendre des actions contre eux se traduit par des embuscades contre des véhicules civils bhoutanais empruntant les pénétrantes vers l’Assam et même les routes en Assam, communément utilisées du fait du manque d’infrastructure dans le sud du Bhoutan. Ces actions ont déjà fait de nombreuses victimes. De fait, la situation est tellement tendue dans les régions frontalières avec l’Assam que les touristes ne peuvent s’y rendre. Seul l’accès vers le Bengale occidental par Phuntsholing leur reste disponible. Le gouvernement bhoutanais se doit donc d’agir avec prudence. Il se montre en fait hostile à toute action militaire contre les organisations sécessionnistes indiennes de peur de représailles. De plus, certains ministres, peut-être même corrompus selon quelques informations non confirmées, seraient acquis à la cause des militants séparatistes de l’Assam. Les autorités indiennes dénoncent ce manque de coopération et affi­chent leur mécontentement mais recourent rarement à des actions violentes de manière unilatérale. A défaut donc de pou­voir détruire cette infrastructure clandestine, les unités indien­nes s’efforcent de contrôler les mouvements rebelles.

Des informations récentes font cependant état d’un change­ment possible d’attitude du gouvernement bhoutanais qui pourrait entreprendre seul, sans aucune coopération avec l’armée indienne, des actions de force contre les rebelles assamais implantés sur son territoire. Les chances de succès paraissent limitées car les insurgés disposent d’armements nettement plus sophistiqués.

Sur le terrain dans le Sud-Est mais aussi ailleurs, bien qu’elles coopèrent, les unités opérationnelles bhoutanaises et indiennes occupent, en règle générale, des stationnements sépa­rés. Les postes tenus en commun seraient très rares.

L’Inde cherche à faire oublier sa présence militaire en s’attirant les bonnes grâces des dirigeants et de la population. Elle veut se montrer sous une image favorable et y réussit plutôt bien. L’armée indienne dispose à Thimphu d’un hôpital militaire relativement bien équipé et qui peut, à l’occasion, recevoir des patients bhoutanais et étrangers. Ses hélicoptères peuvent d’ailleurs porter secours aux touristes, surtout aux alpinistes et trekkeurs, en difficulté, à titre payant il est vrai. Mais il n’existe dans le pays aucun autre moyen d’apporter une aide urgente à des gens isolés dans le besoin.

L’Inde entretient une mission militaire à Thimphu, distincte de l’ambassade. Cette mission appelée l’Indian Military Training Team (imtrat) et dirigée par un général de division gère le ravitaillement et l’approvisionnement des troupes indiennes et de l’armée bhoutanaise. Elle sélectionne l’envoi en Inde des stagiaires bhoutanais devant suivre une instruction spécialisée. Vingt élèves officiers sont formés chaque année à l’académie interarmées de Pune et à l’académie de l’armée de terre de Dehra Dun. Les officiers supérieurs reçoivent de même un enseigne­ment en Inde. La plupart des formations sont cependant assurées par les Indiens, au Bhoutan même, dans la vallée de la rivière Ha, aussi bien pour les simples soldats que pour les sous-officiers et officiers. Des cours d’hindi doivent être organisés pour amener les militaires à un niveau correct de connaissance.

L’imtrat dépend de l’état-major général de New Delhi mais les unités opérationnelles indiennes sont subordonnées au commandement Est (Eastern command), situé à Kolkatta.

Ouverture vers le monde

En application du traité indo-bhoutanais de 1949, l’Inde dirige la politique étrangère du Bhoutan, ou plutôt comme préfèrent le dire les Bhoutanais, donne des conseils. Elle possède une ambassade à Thimphu, fort imposante, légèrement à l’écart de la ville, dans la partie nord.

L’Inde a accepté l’installation d’une autre ambassade, celle du Bangladesh (le chef de mission est un Chakma, bouddhiste). Mais elle s’oppose à la présence d’autres ambassades. En particu­lier, elle veut à tout prix empêcher la Chine de s’implanter. Le Bhoutan entretient des relations ambiguës avec ce pays. Il courtise la Chine pour faire contrepoids à l’Inde. Mais en même temps il la craint à cause de son hostilité à l’égard du boud­dhisme, manifeste au Tibet dont l’essentiel de la culture a été anéantie par le régime communiste. Pékin refuse l’implication de New Delhi dans les discussions sur les frontières. L’Inde a consenti à des négociations directes à condition d’être informée. De fait, seuls quelques secteurs de la frontière restent à délimi­ter. La démarcation a commencé. Quelques produits de consom­mation courante viennent désormais de Chine, via Kolkatta ou le plus souvent de manière illicite mais avec une tacite approba­tion de part et d’autre, par la frontière himalayenne, notamment par la vallée de Phari. Au nord, les communications restent tradition­nelles par chemins et pistes et ne permettent que des échanges faibles, conséquences de la main mise chinoise sur le Tibet. Les articles chinois, comme thermos, chaussures, coupes, tasses, couvertures, sont très appréciés pour leur qualité et leur moindre coût. La présence physique de Chinois reste cependant inexistante.

Malgré l’absence d’ambassades à Thimphu, certains pays entretiennent des relations plus ou moins officielles avec les autorités bhoutanaises, en s’affranchissant à l’occasion quelque peu du ministère indien des affaires étrangères. Certains membres des ambassades, voire les ambassadeurs eux-mêmes, en poste à New Delhi, à Dacca, à Kathmandou jouent un rôle dans ce domaine, avec la complicité et l’encouragement des autorités bhoutanaises, à l’occasion, par exemple, de voyages à dominante touristique. L’Inde s’en offusque mais ne peut totalement s’y opposer.

Le Bhoutan cherche avec un certain succès à s’émanciper de la tutelle de son puissant voisin du sud. En plus de New Delhi, il possède désormais des ambassades à Bangkok (au niveau chargé d’affaires) et à Dacca et des représentations diplomatiques à New York (siège de l’Organisation des Nations Unies) et à Genève (auprès de diverses organisations rattachées à l’onu). La repré­sentation de Genève est aussi accréditée, sans qu’il s’agisse de véritables ambassades, auprès de plusieurs pays européens (notamment Suisse, Autriche, Danemark, Royaume-Uni, Norvège). De plus, des représentations commerciales se trouvent à Kathmandou (bien que les échanges soient insignifiants) et à Koweït (dans cette dernière ville pour obtenir des fonds, qui tardent à arriver). Les relations diplomatiques du Bhoutan s’étoffent donc, avec le silence plus ou moins approbateur de l’Inde.

Le sentiment national s’affirme avec fierté et susceptibilité. L’ouverture vers le monde constitue un moyen de contrebalancer la prépondérance indienne. Toutefois, le gouvernement agit avec prudence car l’aide indienne reste indispensable. De plus, l’enclavement du pays nécessite un transit par l’Inde pour tous les échanges commerciaux. Importations et exportations passent obligatoirement par le territoire indien même lorsqu’il s’agit du Bangladesh tout proche.

Le choix de l’anglais comme langue d’enseignement, concur­remment avec la langue nationale dzongkha, (sauf pour les moines qui n’utilisent que cette dernière), montre la volonté des dirigeants d’ouvrir le pays sur le monde, pas seulement sur l’Inde. L’utilisation exclusive du dzongkha aurait consacré le repli du pays sur lui-même et sans doute aliéné l’importante minorité d’origine népalaise. L’adoption de l’hindi a été écartée bien que cette langue soit largement comprise car elle aurait marqué l’ancrage exclusif dans l’orbite indienne, ce que ne souhaitent ni les dirigeants ni la population.

Le Bhoutan par une politique habile a profité des largesses de l’Inde mais sans se faire trop absorber dans son giron. Il fait partie de la South Asia Association for Regional Cooperation (saarc) depuis sa fondation en 1985, au sein de laquelle il cherche à se protéger en coopération avec les autres petits pays de l’Asie du Sud (Népal, Sri Lanka et Maldives), de l’hégémonie indienne. Mais le rôle de cette association demeure marginal en raison des dissensions majeures qui opposent ses membres bilatéralement, surtout l’Inde et le Pakistan.

Les relations avec le Népal restent en fait tendues à cause du sort des Népalais immigrés au Bhoutan, la plupart dans le sud. Certains ont été naturalisés bhoutanais, environ 25 000 vivent et travaillent à titre étranger et d’autres, dont le nombre est estimé sans doute avec exagération à 100 000, ont dû rejoin­dre leur pays d’origine parce qu’ils se trouvaient en situation irrégulière. En réalité, le gouvernement bhoutanais craint les revendications démocratiques de la population d’origine népa­laise, qui possède des affinités culturelles et politiques avec l’Inde. De plus, il prête à bon nombre de Népalais d’origine, installés au Bhoutan comme en Inde, en particulier dans la partie nord du Bengale occidental, l’intention vraie ou fausse de vouloir créer un “grand Népal” ou tout au moins de vouloir imposer une suprématie népalaise dans toutes les franges sud de l’Himalaya, ce qui est évidemment inacceptable pour Thimphu, comme d’ailleurs pour New Delhi. En fait, le Bhoutan considère aussi que les Népalais agissent au profit de l’Inde, en revendi­quant parfois le rattachement des régions sud à ce pays. L’insurrection maoïste au Népal alimente encore plus les craintes, aussi bien au Bouthan qu’en Inde.

L’absence quasi totale de musulmans explique l’inexistence de relations, même officieuses, avec le Pakistan. Le service de renseignement pakistanais, l’Interservices Intelligence, n’exerce­rait aucune activité au Bhoutan bien qu’il soit présent dans les États indiens voisins (Bengale occidental et Assam), au Népal et au Bangladesh.

Le Bhoutan commerce quelque peu avec le Bangladesh (exportations de fruits, importations de vêtements). A l’avenir, lorsque son programme de construction de barrages sera plus avancé, il souhaiterait lui vendre une partie de son surplus de la production hydroélectrique. Il lui faudra pour ce faire obtenir l’approbation de l’Inde. Le Bhoutan envoie aussi quelques étudiants.

La création de liaisons aériennes a favorisé l’ouverture vers les pays d’Asie du Sud et la Thaïlande, indirectement avec l’ensemble du monde. L’unique aéroport du pays, à Paro, distant de deux heures de route de la capitale Thimphu, assure en effet des liaisons aériennes par moyens porteurs (avions de 70 places environ) avec New Delhi, Kolkatta, Kathmandou et Bangkok.

Les beautés exceptionnelles des paysages (jungles luxu­riantes au sud, forêts épaisses au centre, hauts sommets ennei­gés au nord) et de l’architecture bouddhiste (notamment les forteresses/monastères/sièges de l’administration civile, appelés dzongs)ont permis l’éclosion du tourisme mais de manière contrôlée. L’hôtellerie, parfois de qualité sans être luxueuse, se développe, entièrement dans le secteur privé. La compagnie aérienne nationale Druk Air détient le monopole de l’achemine­ment des passagers. Le nombre d’entrées annuelles est limité (au maximum 8 000 actuellement) et l’imposition d’un prix de pension quotidien élevé, quel que soit le mode d’hébergement (camping, hôtel…), décourage les touristes peu fortunés. Les touristes viennent de toutes les régions du monde, d’Amérique, d’Europe et d’Asie (y compris de l’Inde toute proche). Le pays préserve ses richesses culturelles et naturelles sans être envahi par des hordes d’étrangers de tous milieux sociaux comme l’a été le Népal.

Membre de l’Organisation des Nations Unies depuis 1971, et depuis 1988 de presque toutes les organisations qui en dépendent, le Bhoutan bénéficie par ailleurs d’un programme d’assistance de l’Union Européenne. Il entretient des relations particulièrement fructueuses, pour le développement de l’agricul­ture, de l’élevage, de la sylviculture et des sources énergétiques, pour la protection de la nature et dans le domaine de la santé, avec la Suisse, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège, l’Autriche, le Canada et le Japon. La Suisse s’engage de plus dans la construction de ponts, naguère encore l’apanage de l’Inde ; il en est ainsi du pont en construction au sud de Punakha, à Wangdi Phodrang, sur la rivière Puna Tsang (Puna Tsang chu) avec des ingénieurs suisses, un chef de chantier indien et de la main d’œuvre indienne et partiellement bhoutanaise . Les Pays-Bas se spécialisent dans la création de réserves nationales destinées à protéger une flore et une faune exceptionnelles et très diversifiées. Les pays européens participent aussi, en complé­ment de l’Inde, d’une manière ou d’une autre, finan­cière et technique, à l’aménagement des cours d’eau, notamment à la construction de barrages. Ainsi la construction du barrage hydro­électrique de Rangjung a été financée par l’Autriche. Ce même pays a aussi contribué techniquement et financièrement à l’édifi­cation d’un autre barrage hydroélectrique, à Basochu. Le monopole indien est donc battu en brèche. La France joue un rôle modeste ; certains fonctionnaires ont été formés dans ses écoles d’administration.

Mis à part le Japon, le Bhoutan développe aussi ses échan­ges commerciaux avec quelques pays asiatiques dont surtout la Thaïlande.

*
*     *

Désormais beaucoup mieux connu, ayant réussi à s’affran­chir quelque peu de la tutelle indienne, le Bhoutan demeure cependant vulnérable. Il reste très dépendant de l’Inde pour son approvisionnement et son développement. Ce pays continue de jouer un rôle majeur dans l’aménagement des rivières, projet de haute priorité pour les autorités bhoutanaises, afin d’améliorer l’irrigation et plus encore d’accroître la production électrique. Les deux pays tirent profit de ce type de coopération.

New Delhi reconnaît l’indépendance de son petit voisin du nord. Il lui laisse davantage d’initiatives dans les domaines politique et économique. mais souhaite conserver toutes ses prérogatives en matière de sécurité, compte tenu de la situation du Bhoutan sur le flanc sud de la province tibétaine de Chine. Le Bhoutan, situé entre les deux provinces indiennes du Sikkim et de l’Arunachal Pradesh, contigu de deux autres provinces, le Bengale occidental et l’Assam, lequel commande l’accès à tout le Nord-Est indien, conserve toute son importance stratégique. Une mainmise chinoise sur ce pays constituerait une menace majeure pour l’intégrité du territoire indien en coupant de facto, le Nord-Est du reste du pays.

Le Bhoutan semble avoir bien compris les préoccupations de New Delhi et se montre réaliste dans l’approfondissement de sa souveraineté. Il veut se développer sans heurt, avec consensus. Il sait qu’aucun pays ne viendrait à son secours si New Delhi devait pratiquer une politique plus interventionniste. L’annexion du Sikkim, initialement il est vrai davantage lié à l’Inde, a servi de leçon.

Bibliographie

Articles

-    Alain Lamballe, “Le Bhoutan ou un royaume bouddhiste dans l’Himalaya”, Afrique et Asie modernes, 3e trimestre 1979, Paris.

-    Les articles de mise à jour annuelle de la revue américaine Asian Survey sont fort utiles.

Ouvrages

-    Michael Aris, époux aujourd’hui décédé de l’opposante birmane, a écrit divers ouvrages de base, notamment sur l’histoire du Bhoutan. Le couple a vécu plusieurs années dans le pays. Bhutan : the early history of a Himalayan kingdom, Warminster, 1979, Views of medieval Bhutan . The diary and drawings of Samuel Davis, 1783, Londres/Washington, 1982 et The raven crown, Serindia, Londres, 1994.

-    Manorama Kohli, From dependency to interdependence, a study of Indo-Bhutan relations, Vikas publishing house, 1993.

-    Michel Peissel, Bhoutan, royaume d’Asie inconnu, , Paris, 1971, réédition, Genève, Olizane, 1988.

-    Françoise Pommaret est la meilleure spécialiste française actuelle. Son guide, Bhoutan, forteresse bouddhique de l’Hima­laya, Genève, Olizane, 1997, est incontournable. Consulter aussi Bhutan, Erde, Reiseführer, 1992 et ses chapitres de l’ouvrage collectif avec Guy Van Strydonck et Yoshiro Imaeda, Bhoutan, un royaume de l’Himalaya, Genève, Olizane, 1984.

-    Ramakant et R.C. Misra, éditeurs, Bhutan , society and polity, New Delhi, Indus Publishing Company, 1996.

-    Yadav Lal Babu, Indo-Bhutan relations and China , New Delhi , Anmol Publications, 1996.

Documents électroniques

Il existe désormais des sources électroniques.

-    Le site www.kuensel.com, reproduit les publications de la version anglaise du seul journal du Bhoutan, un hebdomadaire, le Kuensel, (cf. Le Monde, 28 février 1998).

-    Le Journal of Bhutan Studies, revue à caractère scienti­fique, paraît aussi sous forme électronique. Il est accessible sur www.bhutanstudies.com.

Chronologie du Bhoutan avant 1947

-    viiie siècle : introduction du bouddhisme

-    ixe siècle : occupation tibétaine

-    xviie siècle : Zhabs-drung Ngag-dbang unifie le pays

-    novembre 1865 : invasion britannique et signature de l’accord de Sinchula

-    17 décembre 1907 : établissement de la monarchie avec Ugyen Wangchuk comme roi. Fondation de la dynastie Wangchuk

-    1910 : traité avec les Britanniques qui s’engagent à ne faire aucune ingérence dans les affaires intérieures du royaume mais qui exigent d’être consultés en matière de politique étrangère

-    1926 : mort du roi Ugyen Wangchuk

-    1926-1952 : règne du deuxième roi, Jigme Wangchuk

Chronologie du Bhoutan après 1947

Dates

Politique intérieure

Politique étrangère

Défense

8 août 1949

 

Traité indo-bhoutanais, confiant à l'Inde la direction des Affaires étrangères

Protection accordée par l’Inde en cas d’attaque étrangère

1952

Mort du roi Jigme Wangchuk

 

 

1952-1972

Règne du troisième roi, Dorji Wangchuk

 

 

1953

Création d’une assemblée nationale (tshogdu)

 

 

1956

Réforme agraire

 

 

1958

Promulgation d’une loi sur la citoyenneté

 

 

1958-1964

Gouvernement dirigé par le Premier ministre Jigme Palden Dorji

 

 

1961

 

 

Déclaration de Nehru selon laquelle l’Inde assume la défense du royaume

1961-1965

Premier plan quinquennal

 

 

1964

Assassinat du Premier ministre Jigme Palden Dorji

 

 

1964-1965

Gouvernement dirigé par le Premier ministre Lhendup Dorji (aucun Premier ministre ensuite)

 

 

1965

Création du conseil consultatif royal

 

 

1968

Création d’un conseil des ministres

 

 

1968

Création de la Banque du Bhoutan

 

 

1968

Création de la Haute Cour

 

 

1969

 

Admission à l’Union Postale Universelle

 

1970

Séparation du judi­ciaire et de l’exécutif

 

 

14 novembre 1971

Promulgation d’une constitution

 

 

1971

 

Admission à l’Organisation des Nations Unies

 

24 juillet 1972

Jigme Singye Wangchuk monte sur le trône à l'âge de
17 ans

 

 

1985

Promulgation d’une nouvelle loi sur la citoyenneté

 

 

8 décembre 1985

 

Création de la South Asia Association for Regional Cooperation (saarc). Le Bhoutan en fait partie

 

1988

Recensement

Découverte d’une importante immigration illégale népalaise

 

Février 1991

Interdiction de l’enseignement de la langue népali

 

 

1992-1997

7e plan quinquennal

 

 

7 décembre 1995

 

Le saarc Preferential Trading Agreement (sapta) est officiellement lancé. Le Bhoutan en fait partie

 

 



[1]        Pour des informations détaillées sur le rôle de l’Inde dans l’aménage­ment des cours d’eau de l’Himalaya et sur leurs implications géopolitiques, voir Alain Lamballe, “L’eau, source de conflits en Asie du Sud”, Guerres mondiales et conflits contemporains, septembre 1999, Paris.

[2]        Pour plus de détails, voir Alain Lamballe, “Les insurrections du Nord-Est de l’Inde”, Stratégique, 77, 1/2000.

 

 Copyright www.stratisc.org - 2005 - Conception - Bertrand Degoy, Alain De Neve, Joseph Henrotin