L’insurrection qui revient

« A nos amis », nouvel opus du « Comité invisible », paraît le 21 octobre.

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Publié le 17 octobre 2014 à 16h41 - Mis à jour le 19 août 2019 à 14h33

Temps de Lecture 2 min.

Déjà annoncé sur les réseaux sociaux, A nos amis, le nouvel opus du « Comité invisible », sortira le 21 octobre en librairie (La Fabrique, 242 p., 10 €). Sept ans après L’Insurrection qui vient, livre attribué à Julien Coupat au moment de l’« affaire Tarnac », cet ouvrage, que Le Monde a pu lire, s’en présente comme le prolongement.

Plus épais, plus hétérogène, plus théorique aussi, l’ouvrage, dont la traduction est en cours en huit langues (anglais, japonais, farsi, chinois, hébreu,…), manifeste l’ambition de susciter le même retentissement que L’Insurrection qui vient. Comme lui, il est issu d’un collectif anonyme, le Comité invisible ; comme lui, il affiche une prose d’inspiration anarchiste, proche du style des situationnistes : « Nous n’avons renoncé ni à construire des mondes ni à attaquer celui-ci », lit-on dès les premières pages.

Nul ne prédisait que L’Insurrection qui vient, publié au printemps 2007 aux éditions La Fabrique, sortirait de la galaxie des publications confidentielles pour devenir un succès de librairie, dépassant aujourd’hui les 45 000 exemplaires ; ni qu’il finirait, en 2010, dans le top 100 des livres les plus vendus aux Etats-Unis. Il a fallu pour cela que ce petit livre, issu de la gauche radicale, signe d’un renouveau du mouvement autonome vivifié par les manifestations contre le CPE, se transforme en un élément à charge.

Après le sabotage de trois lignes TGV le 8 novembre 2008, il fut lu, au premier degré, par les services de la sous-direction antiterroriste. L’un de ses exemplaires ayant été retrouvé à Tarnac, ce « manuel de l’insurrection de l’ultragauche », selon les termes du ministère de l’intérieur, devient alors la preuve centrale à la fois de l’intention « terroriste » des mis en examen (Julien Coupat et huit autres personnes) et de leur rôle dans le sabotage des lignes SNCF. Le 31 décembre 2008, il est versé, dans son intégralité, au dossier. Son éditeur, Eric Hazan, est auditionné en avril 2009.

Incandescence pamphlétaire

Depuis le 14 avril 2014, le dossier est clos. Le nouvel ouvrage ne contient d’ailleurs aucune allusion explicite à Tarnac. Quelques lignes seulement sur le sabotage, dont il est rappelé qu’il n’a en soi « rien de révolutionnaire ». On y retrouve en revanche ce mélange de lyrisme prophétique et de rhétorique abstraite qu’affectionne le « Comité invisible ».

A nos amis débute sur un constat, confirmant a posteriori l’oracle : « Les insurrections, finalement, sont venues ». Mais il dresse plutôt un bilan de ces mouvements, se présentant, pour partie, comme une réflexion sur les défaites, nourrie des expériences du collectif faites partout sur le globe, et notamment en Grèce. Se voit incriminée une fétichisation de la démocratie directe et du vote, et renouvelée une ferme opposition à toute forme de « gouvernement » : « Le contraire de la démocratie, ce n’est pas la dictature, c’est la vérité. C’est justement parce qu’elles sont des moments de vérité, où le pouvoir est nu, que les insurrections ne sont jamais démocratiques ».

Outre cette incandescence pamphlétaire, l’ouvrage, qui emprunte comme le précédent à des influences intellectuelles diverses, approfondit des thèmes circulant dans les milieux autonomes (la « crise » considérée comme un mode de gouvernement, l’éloge de la « commune » comme base d’où « affronter ensemble le monde »…) et en fait émerger d’autres (la centralité de la question des techniques et de la figure du hacker). Dépourvu de références explicites à la prise des armes, appelant à un « débat international », ce nouveau texte ne devrait pas, cette fois, occasionner d’erreur d’aiguillage.

Extrait

« Ce ne sont pas les bas-fonds, ni la classe ouvrière, ni la petite-bourgeoisie, ni les multitudes qui se révoltent. (…) Il n'y a pas de nouveau sujet révolutionnaire dont l'émergence aurait échappé, jusque-là, aux observateurs. Si l'on dit que alors que “le peuple” est dans la rue, ce n'est pas un peuple qui aurait existé préalablement, c'est au contraire celui qui préalablement manquait. Ce n'est pas “le peuple” qui produit le soulèvement, c'est le soulèvement qui produit son peuple, en suscitant l'expérience et l'intelligence communes, le tissu humain et le langage de la vie réel qui avaient disparu. » (p.43)

A nos amis, Comité invisible, à paraître le 21 octobre (242 p., 10€)

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