Issue de la
théorie proposée en 1924 par le yougoslave Milankovitch,
théorie qui explique les variations de l’ensoleillement
des différentes régions sur Terre suite à l’évolution
du mouvement de la Terre autour du Soleil.
L’alternance des
époques glaciaires et interglaciaires qui se sont succédé
sur les hautes latitudes de l’hémisphère nord
(HN) depuis deux millions d’années est initiée
par la combinaison des paramètres orbitaux qui définissent
la position de la Terre dans l’espace par rapport au soleil.
Une fois déclenchée, la construction (ou la fusion)
de calottes de glace conduit à une diminution (ou une augmentation)
des gaz à effet de serre dans l’atmosphère,
ce qui amplifie le refroidissement (ou le réchauffement)
du climat.
Nous présentons ci-dessous la définition et l’évolution
des différents paramètres orbitaux, dont les cycles
et leur relation avec les glaciations ont été en particulier
étudiés par Milankovitch. Afin d’appréhender,
de façon simple, comment les situations deviennent, de façon
cyclique, favorables à la construction (ou la diminution)
des calottes glaciaires, nous nous baserons sur le raisonnement
simplifié suivant : plus les étés sont chauds
plus la situation est favorable à la fusion progressive d’une
calotte sur l’H.N, lorsque celle-ci existe, car la fusion
des glaces a lieu l’été. Inversement, plus les
étés sont frais, plus la situation est favorable à
l’installation ou à la croissance de la calotte (si
celle-ci existe déjà). La réalité est
plus subtile, mais ce mécanisme est majeur et permet d’appréhender
comment les cycles, liés à l’influence des différentes
planètes sur le mouvement de la Terre, vont conduire le ballet
des glaciations durant le quaternaire.
Pourquoi, pour expliquer les glaciations, s’intéresse-t-on
à l’ensoleillement de l’hémisphère
nord et non pas à celui de l’hémisphère
sud ?
Parce que, lors des périodes glaciaires/interglaciaires,
peu de choses changent dans l’hémisphère sud,
excepté l’extension de la banquise autour de l’Antarctique,
mince pellicule de glace de 3 m d’épaisseur. La calotte
antarctique, qui recouvre le continent antarctique centré
sur le pôle sud, reste quasiment inchangée entre ces
deux climats : elle persiste. Autour de ce continent, entre 60°S
et 30°S, aucun grand continent n’existe pouvant servir
de support à l’établissement d’une grande
calotte glaciaire. Par contre dans l’hémisphère
nord (HN) une ceinture de continents existe à ces latitudes
en Amérique et en Eurasie. C’est donc dans ces régions
que vont pouvoir se construire puis disparaître les grandes
calottes glaciaires. Une fois établies dans l’hémisphère
nord ces calottes glaciaires vont modifier le climat de la Terre
dans son ensemble, refroidissant toute la planète, y compris
l’hémisphère sud.
Les trois paramètres orbitaux
Trois paramètres indépendants caractérisent
la position de la Terre par rapport au Soleil, et donc définissent
l’énergie solaire reçue selon les différentes
saisons. Chacun de ces paramètres varie au cours du temps
avec des périodes indépendantes; leur conjonction
va rendre plus ou moins favorable la construction (ou disparition)
des calottes glaciaires de l’hémisphère nord.
- l’excentricité,
« e », qui caractérise la forme de l’orbite
décrite par la Terre en un an autour du Soleil, orbite
qui n’est pas circulaire mais elliptique et dont le soleil
occupe l’un des foyers (voir
la figure Théorie
astronomique du climat/excentricité).
La distance Terre-Soleil , qui est en moyenne de 149 millions
de km, varie donc au cours de l’année, la Terre passant
tous les 6 mois au périhélie (point le plus près
du soleil) puis à l’aphélie, (point le plus
loin). L’écart entre ces deux distances est fixé
par l’excentricité. Si celle-ci est nulle, l’ellipse
devient un cercle; si elle est de 0,015 (valeur proche de la valeur
actuelle) la distance Terre-Soleil varie de 3% (2 fois l’excentricité)
entre la position la plus proche et la position la plus éloignée.
L’énergie solaire qui parvient à la Terre
(1367 w/m2 en moyenne au cours de l’année)
varie alors de 6% (4 fois l’excentricité) passant
de 1408 W/m2 au point le plus proche à 1326
W/m2 au point le plus éloigné.
Cette excentricité évolue au cours du temps avec
comme principales périodes 412 800 ans et un ensemble
de périodes proches de 100 000 ans (voir
la figure Théorie
astronomique du climat/excentricité). Par
exemple, lors de la précédente période interglaciaire,
il y a 128 000 ans, l’excentricité était
proche de 4%, (l’ellipse s’éloignait plus d’un
cercle qu’à l’époque actuelle) et l’énergie
reçue par la Terre entre le périhélie et
l’aphélie variait d’environ 16%.
- l’inclinaison
(actuellement proche de 23°) de l’axe de rotation de
la Terre sur l’écliptique, plan dans lequel se déplace
la Terre autour du Soleil au cours de l’année
(voir la figure Théorie
astronomique du climat/inclinaison).
La Terre tourne en 24 heures autour de cet axe. La direction
de cet axe est facilement matérialisable car, lorsqu’on
regarde la voûte céleste la nuit, une étoile
située dessus doit rester immobile au cours des 24 heures
de rotation de la Terre : c’est actuellement le
cas de l’étoile polaire. Cette direction ne
bouge quasiment pas au cours de l’année (l’étoile
polaire reste l’étoile fixe sur la voûte
céleste).
L’inclinaison de cet axe est responsable de l’existence
des saisons : pas de saisons si l’inclinaison est
nulle, et plus l’axe est incliné, plus l’écart
est fort entre l’été et l’hiver.
La position de cet axe oscille entre 21° et 24,5°,
avec une période principale de 41 000 ans. Plus
l’axe
est incliné, plus les étés sont chauds,
en particulier aux hautes latitudes où les jours sont
longs. Inversement, moins il est incliné, plus les étés
sont frais.
Par exemple, passer d’une inclinaison de 21 à 24,5° entraîne
en été à la latitude de 70° une augmentation de l’insolation
reçue:
elle passe de E x cosin (70-21), soit E x 0,6561, à E
x cosin (70-24,5), soit E x 0,7010 ( E étant l'énergie
solaire incidente, soit le flux d'énergie reçu par une surface
frappée
perpendiculairement par les rayons solaires).
Le flux d'énergie
solaire reçu augmente ainsi de la quantité
E x 0,0449, c'est-à-dire
une augmentation de (E x 0,0449/E x 0,6561), soit 6,8%.
Ceci conduit, environ tous les 20 000 ans, soit à
une situation favorable à la fusion de calottes glaciaires
aux hautes latitudes de l’H.N. (inclinaison forte, étés
chauds) soit à une situation favorable à la croissance
des calottes (inclinaison faible, été frais). Mais
ce paramètre n’est pas le seul à influer sur
l’établissement des époques glaciaires / interglaciaires
: l’influence de la précession est au moins aussi
importante.
- la précession
de l’axe de rotation de la Terre
(voir la figure Théorie
astronomique du climat/précession)
Tout en gardant son inclinaison proche de 23° au cours des
milliers d‘années, l’axe de rotation précesse
autour de l’axe de l’écliptique (il décrit
un cône) avec un cycle de l’ordre de 22 000 ans
(en fait les principales périodes de précession
sont proches de 19 000 et 23 000 ans). La conséquence
de cette précession est que le solstice d’été
dans un hémisphère donné (moment où
l’hémisphère reçoit le maximum de chaleur),
aura lieu alternativement tous les 11 000 ans soit au périhélie
(c’est-à-dire près du Soleil), soit à
l’aphélie (loin du soleil). Donc, dans cet hémisphère,
les étés seront tous les 11 000 ans soit plus
chauds soit plus frais, l’écart d’énergie
reçue étant fixé par l’excentricité
de l’ellipse (soit 4xe, voir 1er paragraphe).
Si la Terre décrivait un cercle autour du Soleil (e = 0),
la distance Terre-Soleil étant alors constante, la précession
n’aurait alors aucune influence sur les saisons. Ceci conduit
tous les 11 000 ans, soit à une situation favorable
à la fusion de calottes glaciaires aux hautes latitudes
de l’H.N. (étés chauds) soit à une
situation favorable à la croissance de ces calottes (été
frais).
On caractérise l’évolution de cette situation
par la distance Terre-Soleil au 21 juin (solstice d’été
de l’hémisphère nord), représenté
sur la figure Théorie
astronomique du climat/précession. Ainsi,
il y a 11 000 ans dans l’hémisphère nord,
nous recevions en été 6% de plus d’énergie
solaire qu’à l’heure actuelle. Inversement,
en hiver il y a 11 000 ans, nous recevions 6% de moins d’énergie
solaire qu’à l’heure actuelle.
La combinaison des deux
paramètres (distance Terre-Soleil le 21 juin et inclinaison
de l’axe de rotation de la Terre) vont conduire à des
situations plus ou moins favorables à la dynamique des calottes
dans les hautes latitudes de l’hémisphère nord.
Cette dynamique est enregistrée dans l’évolution
du niveau marin dont la baisse caractérise le volume des
glaces stockées dans les calottes glaciaires. On constate
que les enregistrements des niveaux marins dans les sédiments
océaniques sur les deux derniers millions d’années
présentent bien les 3 périodes clés (19 et
23 000, 41 000 et 100 000 ans) des trois paramètres
astronomiques décrits ci-dessus (voir
la figure Variation
des paramètres orbitaux de la Terre). Ce
fait a été la première confirmation éclatante
de la validité de la théorie astronomique du climat.
La combinaison de l’ensemble des fréquences conduit
à l’émergence en moyenne environ tous les 100 000
ans d’un interglaciaire marqué suivant une glaciation
importante. De la même manière, en moyenne, les périodes
interglaciaires (dont les durées peuvent s’étendre
de quelques milliers d’années à plusieurs dizaines
de milliers d’années, selon la conjoncture astronomique)
durent en moyenne une dizaine de milliers d’années.
Quelques
exemples
Comparaison entre les deux derniers interglaciaires
Inclinaison, excentricité et précession se sont combinées
de façon particulièrement favorables pour conduire
il y a 128 000 ans à l’avant dernière grande
déglaciation (position de la Terre en été de
l’H.N. proche du Soleil et forte inclinaison de l’axe
de rotation, atteignant 24,2°). Une conjonction semblable, favorable
à la déglaciation, a eu lieu il y a 11 000 ans
avec la distance Terre-Soleil faible en été H.N. et
une forte inclinaison (24,2°), qui a conduit à l’établissement
de l’interglaciaire actuel. Cependant, l’excentricité
ayant été plus forte il y a 128 000 ans qu’il
y a 11 000 ans, le précédent interglaciaire a
connu des étés plus chauds que l’actuel, ce
qui s’est traduit par une température moyenne plus
élevée (une estimation d’environ 2 degrés
semble plausible) ainsi qu’un niveau des mers plus haut de
quelques mètres (une estimation d’environ 2 mètres
semble également plausible).
Depuis le précédent interglaciaire (centré
sur environ 125 000 ans) les situations qui, à chaque
cycle de précession, correspondaient à une distance
Terre-Soleil faible en été (H.N.), n’ont pas
été renforcées par une forte inclinaison :
il y a 100 000 ans (position B sur la
figure Théorie
astronomique du climat/précession), l’inclinaison
était particulièrement faible et n’a conduit
qu’à un interstade chaud où le niveau des mers
est resté d’environ 16 mètres plus bas que le
niveau actuel.
L’interglaciaire actuel
Il y a 11 000 ans , dans l’HN, la Terre se trouvait le
plus proche du soleil en été (configuration étés
chauds, hivers froids). Actuellement au cours de l’année
(voir la figure Marche
des saisons), c’est en été (de
HN) que la Terre se trouve le plus éloigné du soleil
(configuration étés frais, hivers doux). Ceci peut
être mis en relation avec le fait qu’au cours des dix
mille dernières années, les hautes latitudes de l’hémisphère
nord se sont progressivement refroidies : le pergélisol
initialement restreint aux très hautes latitudes a progressé
vers le sud. Une telle situation prépare l’établissement
d’une couverture neigeuse permanente aux hautes latitudes
de l’hémisphère nord, prémisse à
la prochaine glaciation. C’est ce qui limite en général
la durée d’un interglaciaire à une dizaine de
milliers d’années. Cependant dans le cas actuel….
Le futur ?
Dans le cas actuel, l’excentricité de l’ellipse
étant particulièrement faible, alors que l’inclinaison
est loin d’être à son minimum, la situation est
peu favorable au retour d’une glaciation; de plus, cette situation
va évoluer progressivement à l’établissement
d’étés de plus en plus chauds en H.N. (diminution
de la distance Terre-Soleil en juin, au cours des prochains milliers
d’années (voir la figure
Théorie
astronomique du climat/précession). Tout
indique l’absence de construction d’une calotte dans
les prochains siècles, prochains millénaires, mais
à nouveau un réchauffement naturel des étés
de l’H.N. Que nous enseigne le passé ? Cette configuration
astronomique est rare au cours des dernières centaines de
milliers d’années (faible excentricité) mais
s’est produite il y a environ 400 000 ans (stade isotopique
11), où l’interglaciaire a été particulièrement
long (environ 30 000 ans). A cette époque, le balancier
des 11 000 ans a peu joué, et le nouveau cycle de 22 000
ans s’est établi alors que le niveau des mers était
encore élevé. Bien que la reconstitution du climat
de cette époque soit encore difficile, les données
actuelles suggèrent un état plus chaud que la moyenne
des interglaciaires (cela semble être la seule époque
où l’on ait trouvé des pollens de vigne sauvage
dans le Vercors), et un niveau des mers plus élevé
(une dizaine de mètres ?).
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