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dimanche 6 janvier 2013

Pyramides égyptiennes : Il était déjà question de pierres “factices” au XVIIIe siècle

Deux auteurs, dont des extraits ont été publiés ici (Jean-Henri Hassenfratz et Valentin Biston), ont cité les recherches de Polycarpe de La Faye (17..-1... ?), sur l’utilisation par les Anciens, notamment les bâtisseurs égyptiens, de pierres “factices”.
Sur cet auteur, je n’ai trouvé aucun renseignement, sinon qu’il était “trésorier général des gratifications des troupes”, et qu’il est en effet l’auteur d’un ouvrage traitant des matériaux de construction : Recherches sur la préparation que les Romains donnaient à la chaux dont ils se servaient pour leurs constructions, et sur la composition et l‘emploi de leurs mortiers, 1777.
En voici quelques extraits significatifs.



Photo : Marc Chartier

“Je présente au public les découvertes que j'ai faites sur la manière de bâtir des Anciens : les différents procédés que j'indique sont justifiés par les textes des auteurs, et je me suis assuré de leur succès par des épreuves multipliées. Ce que j'avance sur les constructions factices est puisé dans la même source, et confirmé tant par le rapport de quelques voyageurs que par des Mémoires particuliers. Un passage de Pline fera connaître que les colonnes qui ornaient le péristyle du labyrinthe d'Égypte étaient factices, et que ce vaste édifice existait depuis trois mille six cents ans.
Si l'on peut compter sur le rapport des historiens qui ont parlé de l'Égypte, on serait autorisé à croire que les pierres énormes qu'on remarquait dans la construction de ce labyrinthe étaient encore factices, puisqu'ils n'attribuent l'invention de l'art de bâtir en pierres de taille qu'à Tosorthrus (*), qui régnait environ douze cents ans avant la fondation de Rome.
Hérodote nous a conservé une inscription qui fait voir que les Égyptiens préféraient, entre toutes les pyramides, celle d'Asichis roi d'Egypte, parce qu'elle avait été construite avec des briques composées du limon qui s'attachait aux perches qu'on enfonçait dans le lac Moeris. On ne peut, je crois, justifier le motif de cette préférence qu'en attribuant à un procédé plus prompt et plus aisé ia construction des autres pyramides, tel que serait un amoncellement de pierres factices, et qui auraient été formées par encaissement les unes sur les autres, de même que, de tout temps, on a élevé dans l'empire de Maroc les murailles les plus fortes et les plus solides, et dont plusieurs de nos voyageurs ont comparé la matière au mortier des Anciens.
Au surplus, les éclaircissements que je donne sur la manière dont a été construite la petite pyramide de Ninus, qui n'est formée que d'un même bloc, feront connaître que les Égyptiens composaient des pierres d’un volume considérable, et la vérification qu'on en fait actuellement en Égypte, d'après un Mémoire particulier que j'ai donné sur cet objet, pourra enfin réduire à des procédés aussi simples que faciles, tout le merveilleux des constructions égyptiennes. (...)
J'ai remis à M. Bertin, Ministre et Secrétaire d'Etat, un Mémoire (1) sur la construction des pyramides, qui contient toutes les épreuves nécessaires pour constater que les Égyptiens composaient des pierres factices.
L'utilité qui peut résulter de cette découverte a déterminé ce Ministre à se charger du Mémoire, pour le faire vérifier en Egypte.
Les historiens qui ont cru que les Égyptiens composaient du granit disent que cette pierre semble n'avoir été formée que par l'amoncellement des sables joints ensemble par le limon du Nil. Si l'on appuyait ce sentiment par l'inscription de la petite pyramide d'Asichis, roi d'Égypte, rapportée par Hérodote (2), où il est dit qu'elle est autant au-dessus des autres pyramides, que Jupiter est au-dessus des autres Dieux, parce qu'elle n'a été composée qu'avec le limon du lac Moeris qui recevait les eaux du Nil ; et si l'on ajoutait encore que les voyageurs qui ont parcouru la rivière des Amazones disent que les Sauvages qui pétrissent le limon de cette rivière en font des colliers, des instruments, et même des haches pour l'usage de la vie, ne pourrait-on pas croire qu'en préparant de même le limon du Nil, et en le pétrissant avec le sable de ce fleuve, on pourrait faire un granit de la plus grande dureté.”

Source : Google livres

(1) Ce Mémoire traite particulièrement de la construction de la petite pyramide de Ninus, qui n'est formée que d'un même bloc. Cette pyramide est sur une voûte qui a environ vingt pieds d'épaisseur, et qui est criblée de trous perpendiculaires, à six pouces les uns des autres, et d'un pouce de diamètre. La superficie de cette voûte est couverte d'une grosse toile sur laquelle on a répandu le mortier de pierre qui forme cette pyramide, ainsi qu'on le voit lorsqu'on détache de sa base des éclats de pierres avec des leviers et des coins de fer. On trouve dans ces éclats détachés des mamelons aux endroits qui répondaient à ces trous, et dont l'épaisseur est en proportion de l'affaissement de la toile par le poids de la matière. Cette pierre contient des grains d'une chaux grisâtre et semblable à celle qu'on fait avec les pierres des carrières voisines. Lorsqu'on met à l'épreuve du feu des éclats de cette pyramide, on ne peut en faire de la chaux ; ils se rompent et se divisent, parce qu'il est entré du sable fin dans la composition de cette pierre, ainsi qu'on l'a remarqué en la décomposant par ce procédé. J'ai fait en 1774 un premier obélisque qui a souffert dans sa base, parce que n'ayant point été construit sur voûte et avec les précautions que prenaient les Égyptiens pour opérer la dessiccation de la matière, la chaux qui a pompé l'humidité de la terre n'a pu prendre à la base la même consistance que dans le reste de l'obélisque. (Il a vingt-huit pieds de hauteur).

(2) L'inscription porte que c'est avec le limon qui s'attachait aux perches qu'on enfonçait dans ce lac (Hérodote, lib. 11), On connaît des eaux dont le limon se convertit en pierre, telles que celles des bains d'Apone et de Corcena près de Padoue ; celles du fleuve Silar en Calabre, et de la rivière Elsa en Toscane ; celles du ruisseau Véron près de Sens, et de la fontaine d'Arcueil près de Paris, etc. Les essais de granit que j'ai faits ont acquis une si prompte consistance, que dès le cinquième jour on a pu les polir sur un grès avec de l'eau, comme on polirait le marbre.

(*) Cf. note de Pyramidales ICI

*****
Sur cet auteur, Steven Kolmayer, architecte passionné d'histoire et d'archéologie, mentionne un deuxième mémoire de De La Faye où cet auteur fait notamment référence aux techniques de construction des anciens Égyptiens :

"Depuis l’impression de mon mémoire, M. Melon, qui a été au Caire, m’a remis un fragment qu’il a détaché lui-même de l’une des pierres du parement de la grande pyramide.
Ce fragment, qui étant scié ou brisé, ressemble parfaitement à mes pierres factices, n’a pas de lit, et paraît être un mélange de spath calcaire, de pierre du même genre et de sable très-fin.
J’ai fait cuire plusieurs éclats de ce fragment, qui ayant été trempés ensuite dans de l’eau, ont exhalé de la fumée, comme aurait fait une pierre de chaux : j’ai pétri cette matière, qui a pris corps presque aussi vite que du plâtre, et que j’ai polie comme on ferait un enduit de chaux et de sable fin.
J’ai fait cuire en même-temps un éclat de l’une de mes pierres factices, composée avec du gypse pulvérisé et de la chaux, et qui a produit le même effet.
M. Melon m’a encore remis un fragment des pierres des anciens bâtiments qu’on voit à Alexandrie, et où l’on découvre un grain de brique cuite au feu, etc.
M. le marquis de Ludre a fait faire dans l’une de ses terres en Lorraine, et d’après les procédés que je lui ai indiqués, un plancher en pierres factices dans une vacherie qui contient quatre-vingts vaches, et qui depuis deux ans n’a éprouvé aucune dégradation.
Il a fait faire de même, en 1777, un vivier d’environ vingt-cinq pieds de longueur, sur sept de largeur et cinq de profondeur, qu’il a empoissonné, et sur lequel l’hiver n’a fait aucune impression.
M. de Marassé a fait mouler dans la terre de Mareuil en Champagne une quantité de briques crues, de neuf pouces sur quatre pouces et demi, et qui depuis deux ans ont résisté aux injures de l’air.
On verra au prieuré de Jardy, près de Versailles, le plancher de la chapelle fait l’année dernière en pierres factices, et qui a déjà acquis pour le moins autant de dureté que de la pierre de Saint Leu.
M. Fleuret, l’un des professeurs de l’école royale de Sorèze, a fait avec succès des pierres factices, d’après mon premier mémoire.
Un architecte nouvellement arrivé de Prusse m’a assuré que les essais qui y ont été faits en pierres factices ont réussi, etc."

(édition établie par Steven Kolmayer. Cet architecte a par ailleurs publié sur Wikipédia un article sur Julien Pierre (prénoms retenus) de la Faye : ICI)

jeudi 3 janvier 2013

Pyramides égyptiennes : Il était déjà question de pierres factices au XIXe siècle - IIe partie

Le professeur Joseph Davidovits est connu pour sa théorie sur la méthode de construction des pyramides d’Égypte avec, non pas d'énormes blocs taillés et traînés sur des rampes, mais des pierres ré-agglomérées, autrement dit des pierres calcaires naturelles fabriquées comme du béton, puis moulées. (Cf. Pyramidales ICI)
Bien avant lui, un certain Delafaye (De La Faye) avait déjà émis pareille hypothèse. Pyramidales présentera prochainement des extraits publiés par cet auteur, qui a retenu l’attention de Jean-Henri Hassenfratz dans son Traité théorique et pratique de l'art de calciner la pierre calcaire et de fabriquer toutes sortes de mortiers, ciments, bétons, etc., soit à bras d'hommes, soit à l'aide de machines, Paris, 1825 (Cf. Pyramidales ICI), ainsi que de Valentin Biston (17...?- 18.. ?), un architecte, auteur de manuels techniques, dans son ouvrage Manuel théorique et pratique du chaufournier, contenant L'Art de calciner la pierre à Chaux et à Plâtre ; de composer toutes sortes de Mortiers ordinaires et hydrauliques, Ciments, Pouzzolanes artificielles, Bétons, Mastics; Briques crues, Pierres et Stucs ou Marbres factices propres aux constructions, 1828.
Le texte qui suit est extrait de ce dernier ouvrage.



Photo : Marc Chartier


“L'art de bâtir en briques crues et en pierres factices remonte aux temps les plus reculés. Les Babyloniens, les Égyptiens, les Grecs et les Romains employaient fréquemment ces sortes de pierres dans leurs constructions, et l'on en fait encore usage en Barbarie et chez les Indiens malabares.
De nombreuses ruines de monuments qui datent de plusieurs siècles ; des constructions qui subsistent encore dans les pays septentrionaux, tels que l'Angleterre, l'Ecosse, et même dans quelques contrées situées au nord de la France ; des assertions qui paraissent plus ou moins fondées sur ce que les pyramides d'Egypte sont construites en pierres factices, ainsi que plusieurs autres monuments antiques non moins remarquables qu'extraordinaires ; enfin, de nombreuses expériences faites pendant trente années par Fleuret, ancien professeur d'architecture à l'École royale de Paris, prouvent que ces pierres peuvent être d'une grande utilité dans beaucoup de circonstances, principalement dans les pays où le bois est peu abondant, de même que dans ceux où les pierres de taille naturelles sont rares, soit pour des pompes, des citernes, des auges, des bassins, des aqueducs, des réservoirs, terrasses, grands carreaux pour construire des murailles, et autres constructions hydrauliques ou en plein air ; soit enfin pour celles établies dans l'intérieur des édifices, telles que des pavés imperméables, des enduits et des crépis solides, des planchers d'étages supérieurs pour étuves, chambres de douches, salles de bains, etc. (...)

Ce moyen consiste à faire l'analyse de la pierre que l'on veut connaître; et il suffit, pour cela, de comparer la quantité d'acide carbonique qu'elle contient à celle de la chaux qui la forme. Jamais les pierres factices ne reprennent tout l'acide que le carbonate de chaux contenait. Si donc la proportion de l'acide était moindre que 0,43, 0,45, que contient ordinairement ce carbonate, ce serait une preuve, ou du moins une probabilité très grande en faveur de la pierre soumise à l'épreuve.
Ce sont des expériences de cette nature qui ont conduit à faire croire que les pierres qui forment les parements des grandes pyramides d'Egypte sont factices ; des fragments de l'une d'elles ayant été calcinés et trempés ensuite dans l'eau, ont exhalé de la fumée comme aurait fait une pierre de chaux ; et la matière ayant été pétrie ensuite, a pris corps presque aussi vite que le plâtre ; après quoi on l'a polie comme on ferait un enduit de chaux et de sable fin.
De La Faye, par qui cette expérience a été faite, croit également que les petites pyramides de Nîmes sont en pierres factices. Les piliers de l'église de Saint-Amand, en Flandre, les colonnes du chœur de l'église de Vazelais, en Bourgogne, ont aussi été reconnues construites en pierres de cette nature, par Vauban. Nous pourrions même citer plusieurs autres exemples semblables pour confirmer de la possibilité de fabriquer ces sortes de pierres, ou comme un témoignage en faveur de leur durée.
De La Faye, à l'appui de son assertion, fait remarquer que les pierres des parements des grandes pyramides d'Egypte ont toutes les mêmes dimensions ; qu'elles ne sont liées par aucun mortier ; que la pointe d'un couteau ne peut pénétrer dans les joints qui les séparent ; qu'elles n'ont point de lit, et qu'enfin elles ressemblent en tout à de la pierre factice. On remarquera d'ailleurs que ces pierres ont environ 30 pieds de long sur 4 de large et 3 de haut; qu'il n'existe aucune carrière connue, si ce n'est à une très grande distance, d'où ces pierres auraient pu être tirées ; que leurs masses auraient été trop considérables pour qu'elles eussent pu être charriées et élevées à une aussi grande hauteur, puisque leur poids peut être estimé 65 milliers environ ; qu'on ne trouve aucun débris provenant de leur taille ; et qu'enfin elles portent tous les caractères d'un mortier calcaire.”
Source : Google livres