Assurance-chômage : comment le gouvernement de Gabriel Attal justifie cette nouvelle réforme

Le Premier ministre et la ministre du Travail assurent que cette réforme vise à lutter contre le "chômage de masse". Toutefois, l'exécutif y voit aussi un moyen de couper dans les dépenses de l'Etat.
Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
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Le Premier ministre, Gabriel Attal, le 26 mars 2024, à l'Assemblée nationale, à Paris. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS /AFP)

Gabriel Attal l'a affirmé lors d'une interview dans le journal de 20 heures de TF1, mercredi 27 mars. Il veut de nouveau modifier les règles l'assurance-chômage. Le Premier ministre envisage notamment une réduction de la durée d'indemnisation des chômeurs "de plusieurs mois", mais qui ne passerait pas "en dessous de 12 mois". Alors qu'une précédente réforme, entrée en vigueur en février 2023, a déjà réduit la durée d'indemnisation de 24 à 18 mois, l'idée suscite de vives critiques de la part des oppositions et des syndicats

Interrogée jeudi sur franceinfo, la ministre du Travail, Catherine Vautrin, assure que cette nouvelle réforme vise à lutter contre "le chômage de masse". "Plus vous restez longtemps au chômage, moins vous avez de chance de retrouver un boulot", avance-t-elle pour défendre une diminution de la durée d'indemnisation. "Nous faisons pour ramener les gens vers l'emploi", martèle la ministre.

Gabriel Attal a avancé le même argument, mardi, lors d'une prise de parole à l'Assemblée nationale mardi. Pour le chef du gouvernement, cette réforme vise en effet à "inciter à l'activité" et à sortir du "logiciel du 'tout-allocation'", que défendent selon lui La France insoumise et du Rassemblement national. Cette nouvelle réforme vise à atteindre le "plein emploi", c'est-à-dire un taux de chômage de l'ordre de 5%. Il était de 7,5% fin 2023.

Des milliards d'euros d'économies dans la balance

Le Premier ministre argue également d'une logique comptable. "Si nous avions le même taux d'emploi que nos voisins allemands, nous aurions beaucoup moins de problèmes avec nos finances publiques, car nous aurions des recettes fiscales et sociales plus importantes", a-t-il affirmé devant les députés. 

Le déficit public a en effet dérapé, à 5,5% du produit intérieur brut (PIB) en 2023, selon l'Insee, soit bien plus que les 4,9% initialement prévus par le gouvernement. Cette différence de 0,6 point de PIB représente près de 20 milliards de recettes à trouver ou de dépenses à couper dans le budget de l'Etat. Gabriel Attal a maintenu mercredi "l'objectif de passer sous les 3% de déficit en 2027". L'exécutif cherche aussi à envoyer des signaux aux agences de notation, qui pourraient dégrader la note de la France.  Moody's juge du reste "improbable" la trajectoire budgétaire visée par la France. Le gouvernement, qui exclut d'augmenter les impôts, est donc en quête d'économies. Des coupes à hauteur de dix milliards d'euros avaient déjà été actées, mi-février, sur le budget 2024. Début mars, le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, soulignait qu'il faudrait trouver "au moins 20 milliards" pour 2025.

Plusieurs pistes sont envisagées. Raboter l'assurance-chômage, au budget de 45 milliards d'euros par an, pourrait permettre au gouvernement de faire plusieurs milliards d'économies.

Le budget de l'Unédic excédentaire, mais moins que prévu

Sur le plan financier, un autre argument est avancé. "Si l'on constate que la trajectoire financière de l'assurance-chômage et de l'Unédic dévie, nous relancerons une réforme sur le sujet", prévenait Gabriel Attal dans une interview au Parisien le 10 février. Or, quelques semaines plus tard, l'organisme, piloté par les syndicats et le patronat, a finalement révisé à la baisse ses prévisions. Alors que l'Unédic prévoyait dégager un excédent de 4,4 milliards d'euros en 2023, celui-ci s'élève finalement à 1,5 milliard d'euros.

Ces résultats moins bons que prévus s'expliquent par un ralentissement général de l'économie, avec une croissance revue à la baisse, mais également par la transformation de Pôle emploi en France Travail, évolution décidée par le gouvernement. Selon l'Unédic, le gouvernement a ponctionné 2 milliards d'euros en 2023 sur son excédent et devrait prélever un total de 12 milliards d'euros entre 2023 et 2027 pour financer la réforme. Malgré ce trou dans son budget, l'association devrait tout de même rester excédentaire jusqu'en 2025 et devrait pouvoir réduire sa dette – de 58 milliards d'euros en 2024 à 38,6 milliards en 2027, selon ses prévisions. "Sans les prélèvements opérés par l'Etat, la dette financière aurait été de 25,5 milliards fin 2027", affirme l'Unédic.

Le Premier ministre attend maintenant des partenaires sociaux qu'ils ouvrent de nouvelles discussions autour des trois pistes qu'il a esquissées : la réduction de la durée d'indemnisation, l'augmentation de la durée d'affiliation et la modification du niveau d'indemnisation. Gabriel Attal souhaite que "les paramètres" de cette réforme soient définis "à l'été" en vue d'une entrée en vigueur "d'ici à l'automne". Catherine Vautrin a précisé jeudi que les annonces du chef du gouvernement constituaient "une position de négociation".

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