Réfugiés érythréens : fuir un service militaire à vie

Réfugiés érythréens au camp de Kassala à l'est du Soudan, octobre 2015. © ASHRAF
Réfugiés érythréens au camp de Kassala à l'est du Soudan, octobre 2015. © ASHRAF SHAZLY/AFP/Getty Images

[02/12/2015]

Mon père est conscrit dans l’armée depuis des années, je n’étais pas encore né quand il a commencé. Il gagne 450 Nafka [43 USD] par mois ce qui n’est même pas suffisant pour s’approvisionner en pétrole. Ma sœur aînée a été conscrite pendant 3 ans avant de fuir vers l’Éthiopie. J’ai quitté le pays juste avant d’être appelé. Cela est inutile. Ce sont ma sœur et mon père qui me l’ont appris. Je passais peut-être une ou deux semaines tous les six mois avec mon père. Mais s’il restait trop longtemps, sa division venait et le ramenait de force. Quand j’aurai des enfants, je veux les voir tous les jours et non pas une fois tous les six mois. » 

Binyam, un jeune homme de 18 ans qui a fui l’Erythrée seul. 

Notre nouveau rapport Just Deserters: Why indefinite national service in Erythrea has created a generation of refugees, [Déserteurs : Pourquoi le service national indéfini en Erythrée a créé une génération de réfugiés] explique  l’impact du service militaire dans ce pays.

Alors que des représentants de l’État ont assuré qu’il ne dépasserait pas 18 mois, le service national peut durer des décennies et parfois même sans limite.

Garçons, filles, dont certains ont tout juste 16 ans, ainsi que des personnes âgées sont appelés pour faire ce service national.

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DU TRAVAIL FORCÉ À PEINE RÉMUNÉRÉ

Selon l’État érythréen, le service national est nécessaire à la défense du pays compte tenu des hostilités de longue date avec l’Éthiopie voisine. 

Mais les appelés ne se voient pas toujours assigner des tâches militaires. Beaucoup sont affectés à des missions civiles, comme l’agriculture, la construction, l’enseignement et l’administration.

Non seulement le service national est long et illimité, mais la rémunération offerte en contrepartie est négligeable et ne permet pas de subvenir aux besoins essentiels d’une famille.

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Les enfants n’échappent pas à cette corvée; La conscription touche aussi les adolescents. Ils sont nombreux à abandonner l’école pour éviter d’être enrôlés. Les filles sont mariées tôt dans l’espoir qu’elles soient exemptées. D’autres, dont les parents sont sous les drapeaux depuis longtemps, doivent assumer la survie de la famille.

Ce sont toutes ces raisons qui poussent des jeunes à fuir. Ce choix, difficile, dangereux est la preuve de la gravité de ce qu’ils peuvent subir dans leur pays.

 

L'ILLUSION DE PROTECTION EN EUROPE

Les Érythréens sont la troisième nationalité la plus représentée parmi les réfugiés essayant d’atteindre l’Europe. 

Pourtant, malgré les réalités du terrain, les États européens rejettent de plus en plus les demandes d’asile formulées par des Érythréens. 

Certains Etats estiment que la plupart des Érythréens se présentant à leurs frontières sont des migrants économiques.

Les déboutés de l’asile en Europe risquent la détention  et la torture au retour

Les personnes qui tentent d’échapper au service national sont détenues dans des conditions déplorables et parfois pour une durée indéterminée. Elles sont souvent placées dans des cellules souterraines ou des conteneurs. 

Les demandeurs d’asile renvoyés de force en Érythrée après le rejet de leur dossier subiraient probablement le même sort, outre le risque établi d’être victimes d’une détention arbitraire, d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements.

LIRE / TÉLÉCHARGER  LE RAPPORT

Just Deserters: Why indefinite national service in Eritrea has created a generation of refugees
(Rapport complet en anglais)

Index AI :
AFR 64/2930/2015
Date de publication : 2 décembre 2015