Publié le 27 janvier 2018 à 15h00

Roscoff. Ils découvrent des millions de gènes inconnus

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Des scientifiques, parmi lesquels une équipe de Roscoff (29), viennent de publier le plus grand catalogue du vivant au monde. Plus de 110 millions de gènes y figurent, tous issus du plancton marin, dont la moitié sont inconnus. Avec des implications possibles dans les domaines du climat et de la santé.

Colomban de Vargas est directeur de recherche au CNRS, à la Station biologique de Roscoff. (Photo Frédéric Jacq / Le Télégramme)
Colomban de Vargas est directeur de recherche au CNRS, à la Station biologique de Roscoff. (Photo Frédéric Jacq / Le Télégramme)

Un être humain compte 25.000 gènes dans son ADN qui lui permettent de multiplier les exploits. Lancer des sondes spatiales jusqu'à l'espace intersidéral, courir le 100 m en 9"58, ou cuisiner des mets à tomber de sa chaise. 25.000... Une broutille en comparaison de ce que viennent de mettre en lumière des chercheurs, dont quelques-uns issus de la Station biologique de Roscoff (29) : un catalogue astronomique de 110 millions de gènes venus des océans. Le plus grand jamais réalisé. Ces gènes exprimés appartiennent à des organismes allant des algues microscopiques aux petits animaux planctoniques. La découverte, quasi 100 % française, vient d'être publiée dans la prestigieuse revue Nature Communications.

600 "morceaux d'océan" collectés par Tara Océans

Pas très sexy le plancton. Il intéresse encore peu de monde, bien qu'il soit à la base de toute vie marine. Le Morlaisien Colomban de Vargas, directeur de recherche au CNRS, fait partie de ces pionniers, à l'origine de cette publication scientifique. Certains étudient la faune africaine, lions, éléphants, gnous, ça parle. Lui préfère les protistes, des êtres vivants constitués d'une seule cellule avec noyau. Et on comprend mieux quand il dégaine des photos de ces bestioles. Elles n'ont beau comporter qu'une cellule, elles présentent des formes sidérantes et sont capables d'interagir avec leur environnement pour créer des carapaces sculpturales.

Grâce à la mission Tara Océans - des scientifiques voguant sur un voilier prêté par la créatrice de mode Agnès B., façon voyage de Darwin -, "plus de 600 morceaux d'océan ont été collectés", note Colomban de Vargas. Ceci sur 220 sites, à trois profondeurs différentes, entre 2009 et 2013, dans le monde entier. Les scientifiques de Roscoff se sont chargés de les échantillonner puis ils sont passés entre les mains des séquenceurs du Genoscope d'Evry.

Résultat, les équipes ont montré que des gènes très différents s’expriment selon la température de l’eau ou la concentration en nutriments des zones océaniques étudiées. Mais une nouvelle énigme scientifique pointe : la moitié de ces gènes est inconnue ! "Il s'agit d'une nouvelle matière noire", illustre le scientifique de Roscoff, installé dans le bureau de sa coquette demeure morlaisienne. Pour en savoir un peu plus, les chercheurs ont utilisé des méthodes d’isolement et de caractérisation de cellules isolées, afin d'explorer plus spécifiquement le rôle des gènes du plancton.

Quid du réchauffement climatique ?

L'un des enjeux essentiels de l'étude du plancton concerne le réchauffement climatique. Comment les équilibres océaniques vont-ils être modifiés lorsque le mercure va grimper de quelques degrés ? Les pêcheurs bretons vont-ils se mettre au poisson exotique ? Mettront-ils la clé sous la coque ?  Mieux connaître le fonctionnement des êtres microscopiques marins permettra d'avoir des réponses. "Et on commence à avoir l'écoute des scientifiques du climat", apprécie le biologiste Colomban de Vargas. 

Du point de vue médical, des espoirs sont aussi naissants. Car certaines fonctions de ces 110 millions de gènes pourraient permettre de lutter contre des maladies. "Aujourd'hui, la pharmacopée est basée quasi exclusivement sur les plantes.  Il n'y a qu'une dizaine de médicaments issus du monde marin", constate le scientifique. 

Le quadra est excité. À la base de Tara Océans, un constat : "L'océan est un grand corps continu, un système complexe". "On va pouvoir le comprendre comme personne au monde. Personne n'a approché ce système comme on l'a fait. Et la France a une longueur d'avance", s'enthousiasme-t-il. Pour la conserver, place désormais à Tara Pacific, sur les eaux depuis 2016, et à un autre projet un peu fou et ultra-ambitieux : "Embarquer des systèmes de collecte de plancton et d'observation au microscope sur les bateaux de plaisanciers".

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