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Loi sur la surveillance mercredi 15 avril 2015

Jérémie Zimmermann: «Nous exigeons un débat démocratique»

Dans ce contexte, il est difficile de mener un débat serein autour d’une loi ficelée d’avance et dont les discussions ont démarré en quatrième vitesse. (YouTube)

Dans ce contexte, il est difficile de mener un débat serein autour d’une loi ficelée d’avance et dont les discussions ont démarré en quatrième vitesse. (YouTube)

Le cofondateur de La Quadrature du Net, l’association très en pointe sur la défense des libertés sur Internet, dénonce «la dérive hypersécuritaire» de la France

Jérémie Zimmermann, 37 ans, fait partie des soutiens d’Edward Snowden. Cofondateur de La Quadrature du Net, l’association très en pointe sur la défense des libertés sur Internet, il dénonce «la dérive hypersécuritaire» de la France.

Le Temps: Ce projet de loi est-il
un Patriot Act à la française?
Jérémie Zimmermann:
Il ne s’agit pas d’un copier-coller de la loi américaine. En revanche, la doctrine est la même. Le 12 septembre 2001, les Etats-Unis sont passés de l’analyse ciblée des données à leur collecte massive. La France poursuit la même logique trois mois après les attaques contre Charlie Hebdo.

– La loi actuelle date de 1991.
Une réforme est nécessaire…

– Oui, mais le gouvernement mène cette réforme en s’asseyant sur nos libertés individuelles sans même un débat démocratique. Le projet de loi est un inventaire à la Prévert de mesures liberticides. Rien ne prouve qu’elles seront efficaces pour lutter contre le terrorisme. Le viol des libertés individuelles conduit nécessairement à des abus. Il faut interdire celles qui violent massivement nos libertés, mais nous n’avons pas le choix de la direction.

– A peine un mois s’est écoulé entre la présentation de la loi et son examen. Pourquoi cette hâte?

– Le recours à la procédure d’urgence est devenu la norme en France. Il réduit considérablement les délais de consultation et la capacité d’amendement des parlementaires. La loi sur le renseignement était dans les tuyaux du gouvernement depuis longtemps. Il la promettait au Renseignement pour fin 2015. Les événements de janvier lui ont permis de passer en force.

– Pourtant, vous parvenez à mobiliser les détracteurs au projet.

– Dans ce contexte, il est difficile de mener un débat serein autour d’une loi ficelée d’avance et dont les discussions ont démarré en quatrième vitesse. Le projet attire plusieurs oppositions parmi les grands acteurs d’Internet et des fournisseurs d’accès.

– Sept grands hébergeurs français, dont OVH et Gandi, menacent de se délocaliser si la loi devait être votée. Passeront-ils à l’acte?

– Sans aucun doute. OVH est l’un des plus grands hébergeurs en Europe. A la suite des révélations sur les pratiques de la NSA, OVH a accueilli bon nombre de clients américains qui pensaient, en France, échapper à la surveillance de masse de Washington. Avec ce projet de loi, le gouvernement sape la confiance et perd sa chance de bâtir un marché du numérique attractif. Les conséquences économiques seront désastreuses.

– Pourquoi cette faible opposition
de la classe politique?

– Parce qu’elle ne mesure pas la portée des pratiques autorisées par la loi. Au sein de La Quadrature du Net, nous allons consigner tous les noms des parlementaires en faveur du texte. Nous les tiendrons pour responsables en cas d’abus lorsque la loi sera votée.

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