Un mastodonte qui a su rester discret alors que les scandales se multiplient dans le monde de la big tech. | Tadas Sur via Unsplash

Un mastodonte qui a su rester discret alors que les scandales se multiplient dans le monde de la big tech. | Tadas Sur via Unsplash

Pourquoi Microsoft est-elle redevenue cool?

Un temps surnommé «Evil Empire», la société fondée par Bill Gates a discrètement redoré son image alors qu’une pluie de scandales s’abat sur la big tech.

Il y a quarante ans, Microsoft était l'entreprise qui régnait sur le monde. Un modèle de réussite et d'innovation dont le fondateur, Bill Gates, était vénéré comme programmateur inventif et businessman génial.

• ?? Parce que les géants arrivent à se relever

Pourtant, au début des années 2000, l'entreprise se ringardise. Elle reste toujours très profitable mais, avec l'avènement du web 2.0 et la résurgence de la Silicon Valley, Microsoft devient une vieille société dépassée qui multiplie les faux pas.

Elle rate le coche du mobile avec l'échec de Windows Phone; le navigateur Internet Explorer est moqué pour sa lenteur; le moteur de recherches Bing est loin de faire le poids face à Google; Zune, sa tentative de baladeur musical, est risible face à l'Ipod. En 2013, le Washington Post écrit que Microsoft a «manqué à peu près toute innovations majeures du nouveau millénaire».

Mais, depuis fin 2018, miracle: l'entreprise dispose de la capitalisation boursière la plus haute du monde et dépasse Apple d'une courte tête.

Cela ne lui était pas arrivé depuis 2002. En outre, l'entreprise Microsoft semble rester à l'abri des scandales qui s'abattent sur les autres entreprises des nouvelles technologies. Comment Microsoft a su se réincarner en entreprise cool?

• ? Parce qu'Apple a pris la place de l'ogre

Apple a toujours été la némésis de Microsoft. Les entreprises ont à elles deux popularisé l'ordinateur personnel, mais le système d'exploitation Windows s'est rapidement imposé comme le grand gagnant.

Apple était alors la petite firme innovante considérée comme celle qui cherchait à exister face au géant Microsoft, qui vivait grassement de la rente assurée par le système Windows –omniprésent, dominateur et techniquement critiqué mais installé d'office sur (presque) tous les ordinateurs personnels.

La firme de Cupertino ne s'est d'ailleurs pas fait prier pour communiquer sur cette image du cool.

Depuis, l'iPhone est passé par là. Alors que son téléphone se vend par dizaines de millions et qu'iOS se partage le marché des OS mobile avec Android, l'entreprise Apple est à son tour devenue un géant multimilliardaire.

La firme sort un nouvel iPhone tout les ans, même si, depuis quelque temps, elle n'a rien apporté de révolutionnaire. Un has-been qui tourne avec ses vieux tubes: c'est à peu de chose près l'image dont souffrait Microsoft il y a dix ans.

• ? Parce que le vent a tourné pour les GAFA (sans M)

Ringardisée par Google, Amazon, Facebook et Apple, Microsoft navigue depuis le début des années 2000 dans l'ombre de ses concurrentes. L'acronyme dédié à la big tech omet d'ailleurs souvent la firme de Redmond. On entend plus souvent parler des GAFA que des GAFAM, bien que le «M» pèse à nouveau significativement dans l'industrie de la tech.

Dix ans après leur popularisation, ces quatre lettres qui synthétisent la réussite des entreprises high-tech n'évoquent plus succès et modernité mais sont associées aux dérives d'une industrie toute-puissante. Harcèlement, fake news, propagation des discours d'extrême droite, vol ou fuites de données personnelles, évasion ou optimisation fiscale, surveillance: la presse spécialisée passe désormais le plus clair de son temps à dénoncer les scandales à répétition.

S'ajoutent les pouvoirs politiques qui commencent à sévir, et c'est une ambiance de quasi-fin de règne qui flotte sur le quatuor de tête des nouvelles technologies.

Rester dans l'ombre des GAFA était une humiliation, c'est aujourd'hui une bénédiction. Alors que l'entreprise Microsoft était passée au second plan car jugée pas assez cool, elle a su discrètement y rester lorsque la situation a tourné au vinaigre.

Pourtant, la firme n'est pas au-dessus de tout soupçon et se coltine aussi son lot de scandales. Fraude fiscale, contrats avec l'armée, surveillance, ou #metoo, les affaires ont des airs de catalogue. Mais elle est habilement passée entre les mailles du filet et semble moins décriée que les autres.

• ? Parce que Microsoft a appris de ses erreurs

Avec les élections présidentielles américaines qui approchent et les scandales qui s'accumulent, la manière de réguler les GAFA s'impose dans le débat. Elizabeth Warren, l'une des candidates démocrates, en a fait un argument de campagne.

Dans un post de blog, Warren a expliqué qu'elle comptait «briser Amazon, Google et Facebook en petits morceaux», sans oublier Apple, afin d'éroder l'excès de pouvoir accumulé. Une perspective qui fait son chemin chez un certain nombre d'autres démocrates.

Encore une fois, Microsoft échappe à la critique. Peut-être parce que la firme a déjà eu maille à partir avec la justice: en 2001 le procès que lui ont intenté les États-Unis a bien failli démanteler l'entreprise, accusée d'abus de position dominante.

Microsoft a finalement échappé de peu au démantèlement mais a dû promettre d'ouvrir plus largement Windows aux applications tierces. Les entreprises qui ont pu émerger à la faveur de cet accord (Google en tête) sont précisément celles qui sont accusées à présent d'abuser de leur position en engloutissant des start-up par dizaines alors que, de son coté, Microsoft est resté prudente.

• ♟️ Parce que Satya Nadella, son discret nouveau PDG, est un fin stratège

Le Washington Post, encore, impute la chute de Microsoft à Steve Ballmer. L'homme qui a succédé à Bill Gates en l'an 2000 est présenté comme un «PDG médiocre», pas à la hauteur de son prédécesseur.

En 2014, Microsoft a surpris tout le monde en le remplaçant par Satya Nadella, à l'époque vice-président de la branche Cloud et peu connu du grand public. Ce nouveau PDG réputé affable et très discret s'est fait tirer des portraits élogieux par Forbes et Bloomberg, qui va jusqu'à qualifier sa reprise en main de «Nadellaissance», contraction de «Nadella» et «renaissance».

Dès son arrivée, Nadella a remanié l'entreprise de l'intérieur et mis fin à la tendance de Microsoft à tout faire tourner autour de Windows. Il a plutôt mis en avant Azure, sa plateforme Cloud: elle se trouve désormais devant Google et grignote petit à petit les Amazon Web Services qui dominent le secteur.

Les choix de ce nouveau PDG expliquent pourquoi Microsoft à peu fait parlé d'elle ces dernières année. Le cloud est un service fourni à d'autres entreprises, le grand public n'en entend pas parler. Microsoft a aussi fait le choix de travailler en collaboration avec BMW, Nissan ou Volkswagen pour leur fournir la technologie nécéssaire à la conception de voitures autonomes, sans se mettre sur le devant de la scène, alors que Google et Apple ont fait couler beaucoup d'encre avec leurs projets.

Selon Bloomberg, Microsoft ne peut pas être de nouveau cool, car «Microsoft n'a jamais été cool». L'entreprise a néanmoins renoué avec ce qui avait fait le succès de Bill Gates: une entreprise nerd mais ambitieuse, chiante mais profitable. Par les temps qui courent, la big tech ne demande pas mieux.

Difficile de rester discret quand on se retrouve au sommet. Sous les projecteurs, la firme de Redmond a intérêt à se montrer à la hauteur.

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