Labeur« La semaine en 4 jours et 36 heures, si c’est pour faire des burn-out… »

La semaine en 4 jours et 36 heures de Gabriel Attal, « une fausse bonne idée », tacle Pierre Larrouturou

LabeurLe Premier ministre a dit vouloir généraliser la semaine de travail en quatre jours, mais n’est pas « pour réduire la durée du temps de travail »
L’eurodéputé Pierre Larrouturou, qui suit de longue date la question de la semaine de quatre jours.
L’eurodéputé Pierre Larrouturou, qui suit de longue date la question de la semaine de quatre jours. -  SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA / SIPA
Xavier Regnier

Propos recueillis par Xavier Regnier

L'essentiel

  • Gabriel Attal a annoncé mercredi soir sur TF1 lancer une « expérimentation dans tous les ministères » sur la semaine de travail en quatre jours, mais sans réduction du temps de travail.
  • En France, plusieurs entreprises proposent déjà une semaine de travail en quatre jours, mais la durée du travail varie. D’autres expériences ont été menées au Royaume-Uni et ailleurs en Europe.
  • L’eurodéputé Pierre Larrouturou, qui suit de longue date la question de la semaine de quatre jours, revient pour 20 Minutes sur l’annonce du Premier ministre.

Et si vous aviez tous vos vendredis de libre ? Mercredi soir, Gabriel Attal s’est longuement exprimé sur la thématique du travail au 20 Heures de TF1. Au milieu d’annonces sur une réforme de l’assurance-chômage et sur sa volonté de « désmicardiser » la France, le Premier ministre a aussi ouvert une porte pour repenser le temps de travail. Il se dit ouvert à instaurer « la semaine en quatre jours », sans que la durée de temps de travail ne soit réduite.

L’eurodéputé Pierre Larrouturou, auteur du livre à paraître 32 heures ! La semaine de 4 jours c’est possible, qui défendait dans les colonnes de 20 Minutes une réduction du temps de travail au moment de la réforme des retraites, revient sur cette annonce.

Pierre Larrouturou, vous défendez depuis longtemps l’idée d’une semaine à quatre jours. Que pensez-vous de l’idée de Gabriel Attal ?

Pierre Larrouturou : On a l’impression qu’il sent qu’il y a un mouvement énorme dans la société, que des gens veulent vivre mieux, mais il ne va pas au bout du raisonnement. La semaine dernière, une enquête de Politis montrait que 77 % des actifs veulent une semaine de quatre jours, mais en trente-deux heures. C’est massif. Des jeunes et des moins jeunes, les ruraux et les urbains, tout le monde veut ça. Quand il a fait son discours de politique générale devant l’Assemblée en janvier, il a parlé de l’aspiration à vivre autrement. Il reconnaît que ce n’est pas un « droit à la paresse ». Jusque-là bravo. Il n’est pas totalement déconnecté de la réalité. Mais après, on a l’impression que son cerveau part en vrille.

L’Urssaf de Picardie a tenté une expérimentation avec une semaine en quatre jours, à trente-six heures hebdomadaires. Sur 200 salariés, seulement trois sont passés à ce système, que des femmes sans enfant. Donc ça va même à l’encontre du « réarmement démographique » prôné par Emmanuel Macron, car faire des journées plus longues n’aide pas à s’occuper des enfants. Le débat va encore monter en puissance. J’étais invité il y a trois semaines à la commission de l’Assemblée sur la semaine de quatre jours à trente-deux heures, devant des députés de la majorité pour leur expliquer comment c’était possible de le mettre en place, avec une nouvelle loi Robien.

Il y a déjà des expériences, en France et ailleurs, sur la semaine de quatre jours en trente-deux heures. Que disent-elles ?

P. L. : Il y a des entreprises françaises avec trois ans de recul comme LDLC, et on voit que ça marche très bien. Leur patron a voulu passer à quatre jours sans perte de salaire, et il le dit, ça n’a pas de sens de faire des journées plus longues. Le recrutement est facilité aussi, ça attire beaucoup de CV. Au Royaume-Uni, ils ont fait une grande expérience à l’échelle nationale, avec des dizaines d’entreprises de différentes tailles et différents domaines : 92 % des entreprises veulent rester à ce système.

« La semaine de quatre jours, ce n’est pas pour faire des journées plus longues et finir en burn-out. » »

Pierre Larrouturou, député européen

Même au forum de Davos en février dernier, qui ne rassemble pas franchement l’extrême-gauche, la semaine de quatre jours était présentée de manière très favorable. La ministre néerlandaise du Travail, qui vient de la droite conservatrice, y disait qu’ils sont à vingt-neuf heures de durée moyenne au travail, mais presque toutes les femmes sont à trois jours et les hommes à cinq jours. Elle avait la volonté de rééquilibrer en mettant tout le monde à quatre jours, pour rediscuter des tâches domestiques. A titre de comparaison, en France, on est en moyenne à 38,5 heures de travail hebdomadaire, selon l’Insee.

Comment ça marche une France à la semaine de quatre jours ?

P. L. : Il faut distinguer si on la fait à temps plein ou si on passe à trente-deux heures ! La semaine de quatre jours, ce n’est pas pour faire des journées plus longues et finir en burn-out. Des millions de gens ne peuvent pas imaginer faire une heure de plus, parce qu’ils sont crevés, parce qu’ils ont du trajet. Les femmes font aussi des retours sur ce sujet, elles entament bien souvent une autre journée de travail à la maison avec les enfants. Donc ça n’est pas possible.

En revanche, quand les gens sont au boulot avec la semaine de trente-deux heures, ils sont vraiment au boulot. Ils sont plus productifs, plus heureux. L’absentéisme recule, le taux de burn-out s’effondre. Un autre élément, c’est que ça donne du temps pour se former. On en profite pour être à la cool, faire du sport, voir les gens qu’on aime… Mais on peut aussi se former pour évoluer dans sa vie professionnelle, et alors ça devient un avantage compétitif pour notre pays. Pour finir, on estime qu’on pourrait créer 1,6 million d’emplois avec la semaine à trente-deux heures, c’est bon pour la Sécu et pour les caisses de retraite.

Justement, l’idée de Gabriel Attal se double d’une offensive contre les chômeurs…

P. L. : Il y a une fausse bonne idée, la semaine de quatre jours à trente-six heures. Une proposition de loi est prévue d’ici au mois de septembre sur le bien-être au travail et le plein-emploi, ça serait très bizarre de ne pas avoir des amendements pour passer à trente-deux heures. Ensuite, ce qu’il veut faire contre les chômeurs est absolument scandaleux. Il reprend ce qui a été fait en Allemagne en 2004 : « on coupe les vivres aux chômeurs pour les forcer à prendre des petits boulots ».

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Aujourd’hui, il y a des six millions de jobs à dix heures par semaine payés 538 euros en Allemagne. C’est bien une façon de partager le travail ! Mais humainement c’est scandaleux et ça leur pète au visage. L’Allemagne est en récession, ça a provoqué un doublement de la pauvreté chez les retraités et il y a un problème de consommation. Parce que quand on gagne 538 euros par mois, on n’achète pas une Mercedes, mais on se nourrit tout le mois avec les pâtes les moins chères. Et politiquement, ce sont des gens qui se détournent vers l’extrême droite ou qui ne vont plus voter. Couper les vivres aux chômeurs, c’est une honte et c’est stupide économiquement.

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