Ce n’est pas une mince affaire de distinguer le message des manifestations hebdomadaires, tant son expression semble, la plupart du temps, mu d’abord par une acrimonie contre le pouvoir, les médias dits ‘mainstream’ et à peu près tous les partis.

Un contenu antisystème majoritairement d’extrême-droite, parfois catholique intégriste, voisine avec une vulgate écologiste de la marge et de la médecine alternative. Ils ont en commun un rapport assez distant avec la vérité factuelle et méfiant envers l’expertise scientifique. 

Il y a les éructations graveleuses de Jean-Marie Bigard, embarrassantes de Francis Lalanne, les tentatives de récupération par des satellites opportunistes du RN, Nicolas Dupont-Aignan et Florian Philippot, qui perdent en crédibilité ce qu’ils gagnent en posture tribunicienne. 

Il y a aussi les inquiétudes argumentées de l’association La Quadrature du net qui souligne –pour le coup avec pertinence - les risques du monde de surveillance qui peut aller avec la banalisation de la technologie du traçing. 

D’ailleurs la CNIL s’inquiète d’une éventuelle utilisation par la police (pour des enquêtes criminelles) du traçage généralisé que représente cet instrument sanitairement utile. Malheureusement le propos de vigilance essentielle pour les libertés se noie dans une marée de vociférations parfois haineuses. 

Les antipass sanitaire et antivax se présentent comme des résistants. 

Oui… summum de l’escroquerie intellectuelle. Ces Jean Moulin à vent ou à parole, les leaders autoproclamés de la ‘résistance à la dictature sanitaire’, utilisent le mythe du héros qui dit non. ‘Penser, c'est dire non’ disait le philosophe Alain. Le philosophe Abdenour Bidar démontre, lui, que l’un des traits de l’esprit français, c’est de savoir dire non. Un non à l’oppression (la Révolution), un non à la soumission (les communards ou de Gaulle, chacun dans son genre, refusent d’abdiquer). 

Et puis nos auteurs monuments nationaux : Hugo, un non républicain à Napoléon III, le ‘non’ anar de Brassens au chauvinisme, aux flics, au mariage, à la religion, à l’ordre établi. Mais le ‘Non’ français est détourné par les manifestants du samedi.

Les Lumières, la Révolution, lancent un ‘non’ libérateur contre les superstitions, les ordres anciens, grâce la raison et à la science

Le ‘non’ au vaccin (c’est là que se trouve l’imposture) n’est pas le non aux dogmes à un ordre social oppressant, au clergé, aux conventions qui maintiennent les dominations, mais un non –c’est un comble- à la science et la raison…

Mais une fois que l’on a dénoncé les maquisards de la mauvaise cause et cet hallucinant retournement de valeur, il ne faudrait pas -sous prétexte que ce sont des paranos, des manipulateurs et des râleurs pavloviens qui se sont emparés du sujet- que la grande majorité des partisans de la raison et de la science en oublient que le pass sanitaire contient (technologiquement) les moyens d’une société d’auto-traçage et de surveillance de masse. 

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