Cour suprême. Aux États-Unis les commerçants pourront refuser de servir les homosexuels

La cour suprême, plus haute instance judiciaire des États-Unis, a dans la même journée invalidé le plan de Joe Biden d’annulation de la dette étudiante et autorisé dans la sphère commerciale les discriminations basées sur l’orientation sexuelle.

Publié le
Samedi 1 juillet 2023
La cour suprême. photo Cedeno Ken/UPI/ABACA
La cour suprême. photo Cedeno Ken/UPI/ABACA
Cedeno Ken/UPI/ABACA

Il y a un an, la cour suprême estimait que le droit à l’avortement ne pouvait être constitutionnel, laissant aux États fédérés le soin de statuer. Depuis quatorze d’entre eux ont interdit l’avortement. Lors de sa session 2023, la plus haute instance judiciaire du pays a commis un nouveau tir groupé qui réjouit les conservateurs. Après avoir aboli jeudi 29 juin les politiques d’affirmative action dans les universités estimant que les discriminations basées sur l’origine n’y avaient pas leur place, la cour suprême a estimé vendredi 30 juin que les discriminations basées sur l’orientation sexuelle étaient tout à fait légales dans la sphère commerciale.

Le choix de l’ultra-droite

Elle a également invalidé l’annulation d’une partie de la monstrueuse dette étudiante, une mesure phare de Joe Biden.

Fait rarissime, ce dernier a commenté, lors d’une allocution télévisée, ces deux décisions qui confirment le grand virage à droite de l’institution. « Je sais qu’il y a des millions d’Américains qui se sentent déçus, découragés, et même un peu en colère, à cause de l’arrêt pris par la Cour aujourd’hui sur la dette étudiante, et je dois admettre que moi aussi », a-t-il déclaré avant de se dire « très inquiet » du risque accru de discrimination contre les LGBTQ +. « Aux États-Unis, personne ne devrait être discriminé en raison de qui il est ou de qui il aime », a-t-il affirmé dans un communiqué.

La Cour suprême, composé de neuf juges nommés à vie (dont, en l’occurrence, cinq l’ont été par des présidents, W. Bush et Donald Trump, minoritaires en voix) a donc encore frappé.

Les commerçants pourront refuser de servir les homosexuels

Elle a d’abord donné raison à une créatrice de site web qui refuse d’en produire pour les mariages gays. L’État du Colorado dans lequel elle vit interdisant depuis 2008 aux commerçants de pratiquer des discriminations liées à l’orientation sexuelle sous peine d’amende pouvant aller jusqu’à 500 dollars, elle a donc fait remonter son cas jusqu’à la cour suprême. Les six juges conservateurs estiment que le premier amendement qui garantit la liberté d’expression « conçoit les États-Unis comme un endroit riche et complexe, où les gens sont libres de penser et d’exprimer ce qu’ils veulent, pas ce que le gouvernement leur demande ». « Le Colorado essaie de renier cette promesse », ajoute le magistrat Neil Gorsuch en leur nom. Bref, vous avez le droit d’être anti-gay, c’est votre liberté d’expression. La juge Sonia Sotomayor a dans un avis divergent a stigmatisé cette décision : « Aujourd’hui la Cour a, pour la première fois de son histoire, donné un droit constitutionnel à un commerce ouvert au public de refuser de servir » des clients protégés par des lois anti-discrimination.

Les étudiants paieront

La Cour a donc ensuite mis fin à l’une des principales mesures sociales de l’administration Biden : l’effacement total de la dette étudiante pour 20 millions d’emprunteurs et partielle pour 23 autres millions, pour un coût total de 430 milliards de dollars. « La question ici n’est pas : est-ce que quelque chose doit être fait ? , mais  "qui a l’autorité pour le faire ?" , s’est justifié le président de la Cour, John Roberts. Or, ajoute-t-il,  « parmi les plus grands pouvoirs du Congrès, il y a le contrôle du portefeuille »  . Pour les trois juges progressistes, la Cour outrepasse son rôle limité dans la conduite de la Nations, en  « se substituant au Congrès et à l’Exécutif pour prendre une décision de politique intérieure  ». Joe Biden a annoncé dès vendredi  « un nouveau plan  »  pour alléger la dette étudiante  « aussi rapidement que possible ».

Réformer la cour suprême

Après cette nouvelle batterie de décisions réactionnaires, le débat sur le rôle et surtout la composition de la Cour Suprême, qui n’a jamais été aussi peu populaire, sera, à n’en pas douter, relancé. Certains démocrates militent pour une réforme avec notamment l’augmentation du nombre de juges, ce qui permettrait à un président démocrate de nommer de nouveaux juges progressistes. Bernie Sanders, pour sa part, y est opposé, arguant que l’arme peut se révéler à double tranchant et profiter potentiellement aux républicains. Dans les années trente, Franklin Delano Roosevelt avait déjà brandi cette  « menace »   face à une Cour qui invalidait nombre de mesures du New Deal. Cela avait suffi pour qu’elle mette fin à cette obstruction systématique.

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