Peur de l'accident, manque de pistes cyclables, vol... Quels freins à la pratique du vélo dans le sud-est ?

Par Quentin Gueroult

Pour un habitant du sud-est sur deux, la peur de l'accident est le principal frein à la pratique du vélo. À Marseille, de nombreux témoignages pointent le manque d'infrastructures, au même titre que le comportement des automobilistes.

Pour un habitant du sud-est sur deux, la peur de l'accident est le principal frein à la pratique du vélo. À Marseille, de nombreux témoignages pointent le manque d'infrastructures, au même titre que le comportement des automobilistes.

Photo Franck Pennant

Marseille - Aix-en-Provence - Avignon - Manosque

Une étude YouGov pour Bosch montre que pour un habitant du sud-est sur deux, la peur de l'accident constitue leur principale raison pour ne pas circuler à vélo. On s'est penchés sur les principaux freins à ce mode de transport, en particulier à Marseille.

En France, 226 cyclistes sont morts en 2023, selon un bilan provisoire de l'Observatoire national interministériel de la Sécurité routière (ONISR). Le chiffre fait peur, et ne donne pas envie de se mettre au vélo. D'autant plus que 42% de ces cyclistes tués l'ont été en agglomération. Cela fait écho à une récente étude YouGov pour Bosch, qui montre que "près de 50% des habitants des grandes villes craignent les accidents à vélo". Pour tout le sud-est, 47% des habitants ne se déplacent pas à vélo car ils ont peur de l'accident.

Parmi les freins à la pratique du vélo, les habitants du sud-est citent également à 30% des distance de parcours trop longues, et à 29% un manque de "praticité", car il est difficile de se déplacer à plusieurs en même temps à vélo notamment, et ce moyen de transport ne dispose pas de coffre. Ils sont enfin 20% à évoquer "la peur des dégradations ou le vol" de leur vélo. 30% des habitants du sud-est interrogés par YouGov disent utiliser un vélo pour leurs déplacements quotidiens.

"Il y a un manque de vraies pistes cyclables"

La Provence fait figure de mauvais élève en matière de villes cyclables, selon le baromètre de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) qui classe celles-ci. En 2021, la dernière édition avait catégorisée Marseille comme "très défavorable" à la pratique du vélo, Aix-en-Provence comme "défavorable", Avignon et Manosque comme "moyennement favorables".

À Marseille, plusieurs cyclistes contactés sur le réseau social Facebook déplorent notamment un "manque d'infrastructures adaptées" qui limite la pratique du vélo. "Il y a très peu de pistes ou de bandes cyclables existantes, et quand elles existent elles sont inadaptées car non séparées des voitures ou des piétons, non entretenues, biscornues, incohérentes les unes avec les autres et nécessitant de traverser des carrefours dangereux", pointe du doigt Eve. "Arrivant d'une autre région et me déplaçant en vélo pour raisons professionnelles et personnelles, le manque d'infrastructures adaptées constitue le principal frein à l'utilisation du vélo", confirme en ce sens Christophe. "Il y a un manque de vraies pistes cyclables et de véritables itinéraires sécurisés, notamment aux carrefours", écrit également Marguerite.

La crainte de l'accident ressort dans de nombreux témoignages marseillais, à travers l'attitude d'autres usagers de la route. Salim évoque notamment "le mauvais comportement des automobilistes sur la chaussée, vis-à-vis des cyclistes". Même son de cloche pour Mohamed qui décrit un "manque de courtoisie et de partage de la route", tandis qu'Alice accuse les automobilistes de "non-respect des feux rouges". "Je ne vais plus récupérer ma fille à l'école à cause des insultes et klaxons de beaucoup trop d'automobilistes", dit Diane. Pour Myra, la crainte est devenue réalité. "Je me déplace à vélo au quotidien depuis quatre ans, affirme cette cycliste. Il y a un an, j'ai été victime d'un énième accident qui a failli m'être fatal. À chaque fois, j'étais dans le respect total du code de la route. Résultat, j'utilise le vélo une fois sur deux et je suis toujours hyper vigilante. Mes propres filles ont arrêté d'en faire, car elles ont vraiment peur maintenant. Et à cause de mes accidents, j'ai perdu en mobilité."

Les dégradations et les vols des biclous sont aussi un problème. Fin 2022, la préfecture de police recensait cinq vols de vélos par jour. "La police ne fait strictement rien contre ce fléau", juge Julien, sur un groupe Facebook dédié à la pratique du vélo à Marseille, tandis qu'Eve constate qu'il "n'y a pas d'arceaux pour attacher son vélo, ni parkings sécurisés dans les gares ou aux terminus de métro et tramway". Un autre frein propre au sud-est de la France revient par ailleurs : le mistral. "Il souffle 130 jours par an à Marseille, c'est un obstacle car c'est très difficile de lutter contre le vent", note ainsi Marc.

Un plan vélo métropolitain qui pose question

Contre le mistral, la Métropole Aix-Marseille-Provence ne peut pas faire grand-chose. Mais elle a mis en place un plan vélo en deux phases, de 2019 à 2024 et de 2024 à 2030, se fixant comme objectif d'aménager 126,7 kilomètres sur "huit lignes cyclables sécurisées". Financé par 60 millions d'euros de la Métropole et 40 millions d'euros du Département, le plan est critiqué, notamment par le collectif Vélos en ville qui estime que "seulement la moitié des infrastructures livrées sont conformes aux engagements, c'est-à-dire qu'elles sont séparées des véhicules motorisés et évitent les conflits avec le piéton". Soit 13,42 kilomètres sur les 26,6 réalisés. À la demande de citoyens, la chambre régionale des comptes va ausculter ce plan vélo métropolitain en 2024.

En attendant la publication en 2025 des résultats du contrôle, comment faire pour inciter les récalcitrants à la petite reine à s'y mettre ? Selon l'étude que la société Bosch a commandée, le vélo à assistance électrique (VAE) pourrait être une solution. Les résultats montrent que 48% des habitants du sud-est se sentiraient encouragés à rouler à vélo, s'ils en possédaient un de ce type. La multinationale allemande produit justement des équipements pour les fabricants de VAE, qu'elle cherche à rendre "plus sécurisés", avec "des systèmes de verrouillage, de traceur GPS" mais aussi d'ABS, selon son porte-parole Guillaume Heinrich. Pour réduire les accidents dans le futur, elle dit plancher sur des technologies qui permettront aux vélos "d'échanger avec les autres véhicules", par exemple pour que l'un des deux freine automatiquement, afin d'éviter une collision. Mais, souvent fixé à plus de 2 000€, le prix d'un VAE constitue lui-même un frein à la pratique du vélo.

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