L’environnement s’installe comme un enjeu majeur. Tel est, en cette pré-campagne présidentielle, l’un des enseignements principaux de la neuvième vague de l’enquête annuelle « Fractures françaises » réalisée depuis 2013 par Ipsos Sopra-Steria pour Le Monde. Interrogés à choisir, parmi neuf propositions différentes, l’enjeu qui les préoccupe le plus à titre personnel, les Français placent l’environnement dans le tiercé de tête (41 %), 1 point seulement derrière la délinquance, 5 points derrière l’avenir du système social mais 7 points devant l’immigration. Plus encore, lorsque cette même question est posée en ajoutant dans la liste des propositions l’épidémie de Covid-19, on mesure l’intensité de la préoccupation environnementale : elle n’est en effet quasiment pas affectée par ce réagencement des priorités et devient alors le deuxième enjeu, juste derrière le Covid-19, alors que, pour ne prendre qu’un seul exemple, la délinquance perd 9 points.
Cette situation nouvelle, si on la compare à celle qui prévalait à la même période en 2016, s’explique par la conjonction de deux éléments. Le premier est la conscience de la réalité de la situation. Dans un pays où la science est objet de controverse, le changement climatique est objet de consensus. Après le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié le 9 août et un été marqué par des événements extrêmes dans le sud de l’Europe comme aux Etats-Unis, ce consensus est massif sur l’existence du changement climatique (88 %) mais il est aussi notable sur ses causes : 68 % des Français estiment qu’il est « principalement dû à l’activité humaine » contre 18 % « principalement dû à un phénomène naturel ».
Pour une action en profondeur
Le second élément est le sentiment d’urgence : les Français sont disponibles pour une action en profondeur, notamment sur leur mode de vie. Ils sont 55 % à considérer que c’est la voie pour lutter contre le changement climatique contre 21 % qui privilégient le progrès technique et les innovations scientifiques. Ils sont même 82 % (5 points de plus qu’en 2020) à approuver l’idée qu’il faut « que le gouvernement prenne des mesures rapides et énergiques », quitte à « modifier en profondeur leur mode de vie ». En bref, les Français ne veulent pas renvoyer l’action à des découvertes incertaines ou à des lendemains indéfinis.
Et pourtant, rien n’est acquis. Rien n’est acquis en premier lieu pour la campagne elle-même car nul ne peut dire quelle place réelle l’environnement occupera : il s’agit en effet d’une priorité concurrencée. Si l’on regarde la moyenne des Français, aucune priorité n’écrase les autres ; mais, si l’on regarde les priorités par électorat, on voit que l’environnement occupe la première ou la deuxième place chez les sympathisants d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), de La France insoumise (LFI), du Parti socialiste (PS) et de La République en marche (LRM) mais la sixième place seulement chez les sympathisants Les Républicains (LR) (31 points derrière la délinquance) et du Rassemblement national (RN) (49 points derrière l’immigration). Autrement dit, la bataille pour imposer un enjeu à l’agenda politique et médiatique est plus que jamais ouverte.
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