Réforme des retraites : Laurent Fabius souhaitait censurer la loi contre l’avis des autres sages

Lors de l’avis du Conseil constitutionnel sur le texte du gouvernement mi-avril, le président de l’institution juridique s’est retrouvé isolé face à ses pairs.

Paris, France, le 25 janvier 2022. Laurent Fabius, le président du Conseil Constitutionnel. LP/Olivier Corsan (Archives)
Paris, France, le 25 janvier 2022. Laurent Fabius, le président du Conseil Constitutionnel. LP/Olivier Corsan (Archives)

    Rarement une décision juridique avait été aussi attendue. Le vendredi 14 avril dernier, les neuf sages de la rue Montpensier, à Paris, se sont prononcés sur l’explosive réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron. Laurent Fabius et ses collègues ont finalement validé la copie du gouvernement faute d’entorse à la constitution, si ce n’est quelques dispositions sociales dont « l’index senior » et le « CDI senior » qui seront invalidés. Jusqu’ici, rien n’avait percé des échanges qui s’étaient tenus au sein du Conseil.

    Ce vendredi, le magazine Le Point a révélé la teneur d’une partie des débats au sein de l’institution. Ainsi, Laurent Fabius, qui préside le Conseil, s’est retrouvé seul contre tous lors de la décision décisive sur la réforme des Retraites portée par Élisabeth Borne. Les huit autres Sages n’avaient, après la lecture du rapport général sur le texte fourni par les juristes du Conseil constitutionnel, vu eux aucune atteinte majeure à la Constitution.

    Une vision commune à l’opposé de celle de Laurent Fabius - dernier à parler comme le veut la tradition -, qui souhaitait quant à lui censurer l’ensemble du texte. L’hebdomadaire explique qu’aucun vote n’a eu lieu. « Ce n’était pas nécessaire, il était seul sur sa position », confie l’un des Sages au journal. « Fabius veut marquer l’Histoire de son passage », spécule encore l’un des Sages pour expliquer sa croisade solitaire.

    Relation glaciale entre Fabius et Macron

    Depuis le début de la séquence sur la réforme des retraites, Laurent Fabius avait toujours fait part - via des indiscrétions dans la presse - a minima de sa vigilance sur le dossier. La Première ministre avait ainsi expliqué dès janvier que le gouvernement allait veiller à ce que la réforme soit « constitutionnelle » .

    Laurent Fabius avait déjà dans son viseur la création d’un « index » pour mesurer l’emploi des seniors : « Tout ce qui est hors champ financier peut être considéré comme un cavalier budgétaire » et censuré, selon ses propos rapportés par le Canard Enchaîné à l’époque. « On a bien conscience qu’il y a un Conseil constitutionnel. On regardera attentivement les mesures dont on veille qu’elles soient conformes à la Constitution. (…) Quand on prépare un texte, on veille à ce qu’il soit constitutionnel », avait de son côté assuré Élisabeth Borne.

    Le positionnement de Laurent Fabius, lors de la décision du 14 avril dernier, ne fait finalement que confirmer la relation glaciale, teintée de méfiance réciproque, entre le patron de l’institution et le chef de l’État. « Si Laurent Fabius a l’occasion de mettre une balle entre les deux yeux d’Emmanuel Macron, il ne s’en privera pas », balançait un habitué de l’Élysée au Parisien en mars dernier.

    « Face aux gouvernements qui tentent de mettre les juges à leur botte, il n’y a pas d’autre réponse que de repousser les attaques graves contre l’indépendance de la justice et les libertés, et de faire bloc », a rappelé Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel le 10 mai dernier. Il faisait référence à la situation juridico-politique en Israël, mais ces mots prononcés publiquement ont eu sans nul doute un autre écho du côté de l’Élysée.