Article 17 : en commission, la Hadopi consacrée comme autorité de contrôle du filtrage

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Droit 7 min
Article 17 : en commission, la Hadopi consacrée comme autorité de contrôle du filtrage
Crédits : Assemblée Nationale

C’est le 7 octobre en séance publique que les députés donneront au gouvernement le pouvoir de transposer par ordonnances plusieurs directives. Celles notamment sur les services de médias audiovisuels (SMA) et sur le droit d’auteur, en particulier le filtrage consacré à son article 17.

Ce matin, la Commission des affaires culturelles a examiné deux dispositions importantes du projet de loi DADDUE (ou « portant sur diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière »).

Ces deux dispositions viennent combler le vide consécutif à l’interruption du projet de loi sur l’audiovisuel pour cause de Covid-19. À la place, une série d’ordonnances prise par l’exécutif viendra empiéter sur le domaine de la loi, après habilitation accordée par les sénateurs en juillet dernier et les députés en octobre prochain.

« Figure dans ce projet de loi des dispositions capitales et des dispositions urgentes » a commenté Roselyne Bachelot, lors d’une réunion ce matin en Commission des affaires culturelles. « Urgente, parce que la directive SMA devait en principe avoir été transposée au plus tard le 19 septembre, et la directive relative au droit d’auteur devait l’être avant juin 2021 » (sic). Selon la locataire de la Rue de Valois, l’urgence tient aussi au fait que ces directives sont très attendues par les médias, les auteurs, les artistes, les industries culturelles. « Elles étaient attendues déjà avant la crise, elles le sont davantage encore aujourd’hui ».

Trois directives sur la rampe de la transposition

La directive SMA vise notamment à faire contribuer les plateformes étrangères qui ciblent la France au financement des œuvres françaises et européennes. Une mesure « d’équité », selon la ministre qui admet avoir déjà demandé à ses services d’engager la révision des décrets d’application pour une loi non encore votée (20’25 de la vidéo). Le calendrier table sur une entrée en application au 1er janvier 2021.

La directive Droit d’auteur est censée permettre de « mieux protéger les droits de propriété intellectuelle sur les plateformes de contenu », en obligeant les plateformes à signer des accords de licence avec les sociétés de gestion collective. Elle prévoit aussi des mesures pour assurer la rémunération proportionnelle pour les auteurs et les artistes interprètes.

Un troisième texte est concerné par ces futures ordonnances : la directive Câble Satellite pour assurer la rémunération des titulaires de droit « lorsqu’il est recouru à la technique particulière de diffusion dite de l’injection directe »

Seules peuvent être intégrées dans le projet de loi d’habilitation les dispositions qui transposent ou sont le corollaire de la directive, a rappelé la ministre. Les autres mesures notamment celles qui avaient été proposées par les députés pour aiguiser la lutte contre le piratage en France sont reportées sine die. Sont concernés la fusion CSA et Hadopi au sein de l’Arcom ou la lutte contre le piratage des contenus sportifs, avec blocage en temps réel ou par anticipation.

Des hébergeurs en principe directement responsables

Aurore Bergé a salué ce projet de loi, en particulier le contenu de l’article 24 bis qui vient transposer l’article 17 de la directive droit d’auteur sur le filtrage. Une « avancée considérable », celle qui vient mettre « fin au régime d’irresponsabilité des plateformes » a affirmé l’élue, qui sait pourtant que la jurisprudence est dense en la matière…

Ces hébergeurs devront désormais « répondre des contenus mis en ligne par leur intermédiaire et répondre ainsi aux exigences du respect des droits d’auteur et des droits voisins ».

Nous avions déjà dressé un schéma pour expliquer ce nouveau régime (inscrit d’abord à l’article 13, renuméroté 17). En un ou deux paragraphes, résumons :

Les hébergeurs ne sont responsables des contenus mis en ligne par les internautes que si alertés de la présence d’un contenu manifestement illicite, ils choisissent en connaissance de cause de le laisser à disposition des internautes. Ce régime prévalait en France depuis 2004, que ces contenus soient protégés ou non par le droit d’auteur. La directive Droit d’auteur change la donne : désormais, les acteurs comme YouTube ou Facebook seront responsables du premier octet illicite si le contenu est protégé par le droit d’auteur ou les droits voisins. C’est une exception au régime général dont bénéficie l’ensemble des industries culturelles.

Pour échapper aux foudres d’une action en contrefaçon, l’alternative pour l’hébergeur est simple : Ou bien monnayer avec les sociétés de gestion collective des accords de licence destinés à « licéiter » ces contenus.
Ou bien mettre en place des mesures de filtrage à tous les étages, et déjà dès les opérations de mise en ligne (upload).

Durant les débats en Commission, la France Insoumise a tenté d’empêcher la transposition par ordonnance de cet article 17 de la directive droit d’auteur. « Aux côtés d’associations comme La Quadrature du Net, nous alertons sur les conséquences de cette mesure : cela entraîne la quasi-obligation de mise en œuvre des outils de filtrage au téléversement. Ces dispositifs aboutissent à une surveillance généralisée des internautes par une entreprise privée ainsi qu’à des suppressions abusives de contenus ». 

Avec cet amendement, lui a cependant répondu la rapporteure Aurore Bergé, « vous empêchez les auteurs et les artistes de bénéficier d’un nouveau régime de responsabilité des plateformes qui les contraint à mettre en œuvre des efforts pour empêcher le contenu d’œuvres qui auraient été piratées. Cela empêche aussi les auteurs et les artistes de bénéficier d’une transparence qui est depuis longtemps attendue sur les modalités d’exploitation de leurs œuvres ».

L’amendement LFI a été rejeté sans ménagement. La ministre de la Culture a de son côté assuré du respect fidèle des dispositions déjà adoptées par les parlementaires à l'occasion des débats autour du projet de loi audiovisuel.

La Hadopi, autorité de contrôle du filtrage par les plateformes

Le n°20 signé Aurore Bergé a connu meilleur sort, tout comme l’amendement identique des députés Mme Le Grip, M. Reiss, Mme Meunier et Mme Kuster.

La Hadopi, indique la Commission des affaires culturelles saisie pour avis, doit être l’autorité en charge de contrôler les mesures de filtrage mises en œuvre par les plateformes. « C’est réaffirmer la place et le rôle de la Hadopi. Une première brique pour avancer dans la lutte contre le piratage ». L'institution qui a fêté ses 10 ans échappe à la fusion avec le CSA mais se voit attribuer de nouveaux pouvoirs.

En défense de son amendement 5, Constance le Grip a précisé que « la Hadopi devra avoir les moyens, les compétences, pour investiguer sur les moyens de filtrage et d’identification et de détection mis en place par les plateformes elles-mêmes ».

D’autres mesures ont été adoptées aujourd’hui, comme celle voulant rappeler l’objectif qui doit guider la transposition de la directive « Services de médias audiovisuels », à savoir « la nécessité d’assurer la diversité et la souveraineté culturelle »..

La protection des mineurs face au porno

Une autre rustine relative à cette transposition a entendu souligner la nécessité pour le gouvernement de tenir compte non seulement du « marché », mais également « de la nécessité de protéger les publics vulnérables notamment les mineurs et les personnes handicapées ».

La directive SMA « n’est pas uniquement un texte adaptant les règles à l’évolution du marché audiovisuel mais également un texte prenant la mesure de la nécessité d’adapter la réglementation à la protection des publics vulnérables » exposent en ce sens les élus LREM qui l’ont déposé.

« L’évolution rapide des usages vers des outils numériques permettant de visionner des contenus audiovisuels très peu régulés pose des problèmes majeurs, notamment pour les enfants qui se trouvent exposés à des contenus inadaptés, violents ou pornographiques » poursuivent-ils dans l’exposé des motifs. S’agissant des personnes handicapées, « l’accessibilité est un enjeu clé afin de respecter le droit de tous à l’information et à la participation à la vie culturelle et sociale ».

« La France, pionnière dans l’adoption de cette directive, se doit de montrer l’exemple en prenant les mesures appropriées afin de garantir à tous les publics un niveau optimal de protection et d’accessibilité » insistent-ils.

Mentionnons au final d’autres amendements adoptés comme le 16 signé encore par Aurore Bergé, qui vise à « préciser la nature des données susceptibles d’être échangées entre le CSA et le CNC pour assurer l’ensemble de leurs missions » s’agissant de la contribution des plateformes. Ainsi, « au-delà du chiffre d’affaires des éditeurs, il apparaît important que ces autorités puissent échanger des informations sur le nombre d’utilisateurs de ces services », obligation consacrée par l’amendement.

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