MONDE //

LEXPRESS.fr du 19/12/2007

Entretien avec Eliezer Ben Rafaël

«Israël n'est pas une démocratie occidentale»

propos recueilis par Marc Epstein

Professeur de sociologie à l'université de Tel-Aviv, Eliezer Ben Rafaël estime que le projet des pères fondateurs fait l'objet, envers et contre tout, d'un consensus parmi les juifs.

La société israélienne est composée en majorité de migrants, et 1 habitant sur 5 n'est pas juif. Comment se construit son identité?

e que l'idéologie sioniste appelle le «rassemblement des dispersés» représente l'un de nos principaux défis. Depuis la fin des années 1970, j'étudie les relations entre les différents groupes ethniques - Irakiens, Polonais, Roumains, Marocains, Arabes... La société israélienne est d'origine hétérogène - plus de 70 pays différents! - mais elle aspire à former un ensemble unifié. Des processus de melting-pot sont à l'œuvre, mais chaque vague de migration impose une nouvelle période d'adaptation. Et la scène politique ne facilite rien.

Pourquoi?

Les intérêts communautaires s'y expriment au grand jour. Voyez le Parlement: sur les 120 membres de la Knesset, autour d'une cinquantaine doivent leur siège au vote communautaire. C'est flagrant dans le cas des Arabes, naturellement, puisque 1 député sur 10 environ se présente sur des listes arabes. Mais le phénomène est répandu parmi les juifs, aussi. Les élus du parti Shas (orthodoxe) sont soutenus par les communautés issues d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient - ceux que nous appelons les mizrahis - en particulier dans les classes défavorisées. Par ailleurs, 10 ou 11 membres du Parlement ont été élus par les Russes. Les ultraorthodoxes - une communauté, à n'en pas douter - comptent six représentants. Les colons de Judée-Samarie, assimilables par leur mode de vie à une autre communauté, ont les leurs. Même les mouvements plus importants - le Parti travailliste, Kadima, le Likoud - comptent de nombreux représentants communautaires officieux.

Les Israéliens n'aiment guère reconnaître ces clivages. Pourquoi?

Pour deux raisons. D'abord, la sécurité reste la priorité du plus grand nombre, et la menace est un fédérateur puissant. Ensuite, si le phénomène communautaire est très présent, il n'est pas au cœur du paysage politique. Il ne concerne guère les partis les plus importants, ni les leaders d'envergure nationale.

En quoi ce multiculturalisme est-il particulier?

Israël est une société de migrants, comme les Etats-Unis, l'Amérique latine ou l'Australie. Mais chaque pays a sa propre histoire. Le nôtre a été créé par des élites qui venaient, en majorité, d'Europe centrale et orientale, et qui étaient animées par un projet révolutionnaire. Les pères fondateurs cherchaient à créer une antithèse de la diaspora. Ils voulaient changer leur identité et créer, dans cet Etat, ce qu'ils appelaient le «nouveau juif». Cela supposait d'abandonner le yiddish en faveur de l'hébreu et de se livrer à des tâches longtemps interdites aux membres de la diaspora - le travail de la terre, etc. Les fondateurs étaient des ashkénazes qui se sont, si j'ose dire, «désashkénaïzés»! Aujourd'hui, le cœur de la classe moyenne maintient cet héritage laïque; l'observance religieuse n'y est pas perçue comme une norme à imposer au plus grand nombre. Et les Marocains ou les Yéménites intègrent sans problème cette classe moyenne. Les réflexes communautaristes s'édulcorent au fur et à mesure que les individus sont socialement mobiles. Ou qu'ils s'embourgeoisent, en quelque sorte.

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