Les commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat viennent de valider la nomination d'un ex-banquier, François Villeroy de Galhau, au poste de gouverneur de la Banque de France. Du jamais vu... depuis 1814 !

François Villeroy de Galhau bossait depuis douze ans au service du groupe BNP Paribas. Sa nomination à la Banque de France par François Hollande avait déjà provoqué l'indignation de 150 économistes, qui dénonçaient un risque de conflit d’intérêts majeur. « Il est totalement illusoire d’affirmer qu’on peut avoir servi l’industrie bancaire puis, quelques mois plus tard, en assurer le contrôle avec impartialité et en toute indépendance, écrivaient-ils le 15 septembre. Nos gouvernants sont-ils à ce point prisonniers des intérêts financiers qu’ils laissent à la finance le pouvoir de nommer les siens aux fonctions-clés des instances censées la réguler ? » Et l'économiste Laurence Scialom d'en rajouter une couche : « Comment un dirigeant de haut niveau qui a défendu pendant douze ans le point de vue d’une banque pourrait-il soudainement prendre une position inverse ? » Et il ne s'agit pas n'importe quelle banque : le plus grand établissement français, fer de lance du lobby bancaire. Beau joueur, Villeroy de Galhau s’est engagé à renoncer à tout avantage provenant de BNP Paribas, une fois sa nomination entérinée. Bravo... mais on en oublie que le contraire eût tout simplement été un scandale.

BNP mise en examen... sous son autorité

Enarque, inspecteur des finances, directeur de cabinet des ministres Strauss-Kahn et Sautter, Villeroy de Galhau rejoint le secteur bancaire en 2003, en tant que PDG de Cetelem, filiale de BNP Paribas. Puis il grimpe les échelons, jusqu'à devenir DG délégué du groupe BNP Paribas. Au printemps dernier, François Hollande lui confie une mission sur le financement de l’investissement par les banques. Avant de le proposer à la tête de la Banque de France. Comme le rappelle Basta!, dans ce cadre, François Villeroy de Galhau pourrait bien être sollicité pour donner son avis sur l’affaire des prêts toxiques Helvet Immo... pour laquelle BNP Paribas (alors sous ses ordres) a été mise en examen pour pratique commerciale trompeuse. Comment penser qu'un homme qui n'arrive pas à mettre de l'ordre dans sa propre banque puisse le faire dans celle des autres ? A nouveau beau joueur, François Villeroy de Galhau s’est engagé à « ne participer à aucune décision individuelle concernant BNP Paribas ou une de ses filiales dans les deux ans suivant [son] départ de ce groupe ». Ce qui reviendrait à ignorer un banque représentant 25% du secteur bancaire français, et dont les actifs dépassent le PIB de la France... Une situation un tantinet « problématique », souligne encore Laurence Scialom.

Les fous auraient-ils pris le contrôle de l'asile ?

Mais finalement... Jean-Pierre Jouyet n'a-t-il pas été président de la banque Barclays, après avoir été directeur adjoint du cabinet du Premier ministre Lionel Jospin et secrétaire d’État du gouvernement Fillon, et juste avant d'être nommé président de l'Autorité des marchés financiers, le gendarme de la bourse, de 2008 à 2012 ? Tony Blair n'a-t-il pas été embauché comme conseiller de l’assureur suisse Zurich Financial Services et de la banque US JP Morgan une fois son mandat de Premier ministre terminé ? Mario Draghi n'a-t-il pas été gouverneur de la Banque centrale d’Italie puis de la Banque centrale européenne, après avoir été dirigeant de la banque Goldman Sachs, une des grandes responsables du carnage financier de 2008 ?

« Soyez réalistes : demandez l’impossible » scandait le Che à ses partisans. Reçu cinq sur cinq, par les banquiers, qui en ont fait leur devise...

(Article publié sur le site "Les mots ont un sens")