actualite

Le Dr Muller est-il l'auteur d'un crime parfait?

Cet ancien médecin légiste comparaît pour la troisième fois, accusé du meurtre de son épouse, Brigitte, morte d'une balle dans la tête en 1999. Jean-Louis Muller a-t-il maquillé un crime passionnel en suicide ou sa femme a-t-elle mis fin à ses jours?

Partage Created with Sketch.
Pour son troisième procès, le Dr Jean-Louis Muller est défendu par Me Eric Dupont-Moretti, champion de l'acquittement.

Pour son troisième procès, le Dr Jean-Louis Muller est défendu par Me Eric Dupont-Moretti, champion de l'acquittement.

afp.com/Jean-Christophe Verhaegen

"Ni aveux, ni preuves matérielles." Ainsi pourrait être résumé le dossier Muller, du nom de cet ancien médecin légiste accusé du meurtre de sa femme, retrouvée morte par balle dans le sous-sol du domicile familial, à Ingwiller, dans le Bas-Rhin, un soir de novembre 1999.  

Déjà condamné à deux reprises pour ces faits, Jean-Louis Muller a une nouvelle fois clamé son innocence, lundi, à l'ouverture de son troisième procès devant la cour d'assises de Nancy. L'homme aujourd'hui âgé de 57 ans continue de soutenir que Brigitte s'est suicidée avec l'une de ses armes. Cette thèse est la clé de voûte des audiences passées et à venir: le Dr Muller a-t-il maquillé le suicide de son épouse ou s'est-elle donnée la mort?  

Lunettes fines et costume sombre, Jean-Louis Muller, qui comparaît libre, s'est, pour ce troisième round juridique, entouré d'un nouvel avocat: Me Eric Dupond-Moretti, champion de l'acquittement. De l'aveu même de ce dernier, l'affaire Muller est "extrêmement difficile". Tant sur le fond - l'accusation à emporté à deux reprises la conviction des jurés en 2008 et 2010 - que sur la forme - la Cour de cassation a annulé le verdict de condamnation en appel. Une complexité qui n'empêchera pas le duo de plaider l'acquittement.  

Offre limitée. 2 mois pour 1€ sans engagement
Je m'abonne

"Il y a ma femme qui vient de se suicider"

Remontons presque treize ans en arrière, au 8 novembre 1999. Ce soir-là, Jean-Louis Muller termine sa journée et rejoint femme et enfant (l'aîné est absent) pour dîner. La suite des événements est contée par l'accusé aux enquêteurs. Pour éviter un sujet de discussion sensible avec son épouse, le Dr Muller va se mettre en pyjama avant de s'installer devant le poste de télévision. Pendant ce temps-là, Brigitte vaque à ses occupations avant d'aller récupérer son fils à la piscine. Soudain, Jean-Louis entend "un gros bruit", descend au sous-sol, traverse la salle de jeux, et découvre le corps de sa moitié, gisant au sol, sur le dos, une arme de poing à ses côtés. Sa tête a été en partie emportée par un tir.  

Aux secours, joints à 21h24, il dit, sans équivoque: "Il y a ma femme qui vient de se suicider." Dans la foulée, il appelle sur son numéro privé son confrère et ex-associé, le Dr Francis Michel, et lui demande de venir. Le médecin s'exécute et prévient la mère de Brigitte du décès de sa fille. Les enquêteurs dépêchés sur place procèdent aux premiers interrogatoires et prélèvements. Cinq jours plus tard, le corps de Brigitte est incinéré.  

Depuis ce 8 novembre, aucune personne apte à apporter un témoignage direct sur le déroulement des faits n'a été découverte. Le fils cadet des Muller, présent le soir du drame, était endormi. L'autopsie a révélé que Brigitte avait bu le soir du drame et qu'elle avait absorbé deux antidépresseurs, qui n'ont pourtant pas été prescrits par son psychiatre. Quant aux "tamponnements" réalisés sur le couple, ils ont confirmé la présence de "résidus de tir" sur le corps de Brigitte. Ces reliquats étaient très peu présents sur les mains de Jean-Louis. Les conclusions des experts laissent néanmoins planer un doute: "L'hypothèse d'un geste suicidaire pourrait être retenue, toutefois, l'intervention d'une tierce personne ne peut actuellement être exclue".  

Tout au long de l'instruction, puis des procès, de nombreux experts sont venus contredire ou valider ces constatations. Pour certains, les résidus de tirs sont suffisamment présents sur les mains du Dr Muller pour le soupçonner d'avoir porté le coup fatal, pour d'autres non. La trajectoire de la balle, aussi, est remise en question. Dans ce dossier, comme avec les statistiques, on fait dire à peu près tout et son contraire aux expertises...  

"Si tu fais ça, je te tue"

Par ailleurs, aucun des proches de la famille interrogé ne comprend le geste de Brigitte. Les personnes qui l'ont vue ou eu au téléphone le 8 novembre sont unanimes: rien à signaler d'anormal. Cette documentaliste de 42 ans se remettait à peine d'un grave accident de cheval, qui lui avait valu une longue convalescence. Elle "appréciait [à nouveau] la vie", selon ses propres mots. Son psychiatre s'accorde à dire que cette "période de reconstruction" va à l'encontre "d'un suicide prémédité".  

En revanche, plusieurs connaissances de l'épouse ont rapporté que cette dernière craignait son mari, maladivement jaloux. Or, elle avait récemment rencontré un autre homme qui lui arrivait de rencontrer à Strasbourg et avec qui elle entretenait des conversations téléphoniques depuis son pavillon, notamment ce 8 novembre. Jean-Louis Muller s'en était-il aperçu?  

Autre crainte formulée par Brigitte auprès de son cercle rapproché: la présence de si nombreuses armes (huit en tout) au domicile conjugal. Alors que le couple regardait Bonnie and Clyde un soir, le médecin avait lancé à sa femme: "Si tu fais ça, je te tue".  

Les enfants Muller ne rejettent pas l'hypothèse du suicide

L’application L’Express
Pour suivre l’analyse et le décryptage où que vous soyez
Télécharger l'app
Sur le même sujet

Autant d'indices troublants mais jamais étayés jusqu'ici par une preuve formelle. Et toujours la même question, lancinante, qui va se poser aux jurés de Nancy: Jean-Louis Muller a-t-il usé de ses talents de médecin légiste (aucune trace d'empreintes n'a été retrouvée sur l'arme) pour maquiller le crime parfait? Ou sa femme a-t-elle mis à ses jours contre toute attente?  

Les enfants du couple, eux, 8 et 13 ans au moment des faits, ne rejettent pas l'hypothèse d'un suicide. Le doute, lui, est toujours censé profiter à l'accusé.  

Julie Saulnier
Avantage abonné
Offrez gratuitement la lecture de cet article à un proche :
« Le Dr Muller est-il l'auteur d'un crime parfait? »
L’article sera disponible à la lecture pour votre bénéficiaire durant les 72h suivant l’envoi de ce formulaire, en cliquant sur le lien reçu par e-mail.
Cette fonctionnalité est réservée à nos abonnés. Pour en profiter, abonnez-vous. Je m’abonne dès 1€, sans engagement
Déjà abonné(e) ? Se connecter
Assurez-vous que la personne à laquelle vous offrez l’article concerné accepte de communiquer son adresse e-mail à L’Express.
Les informations renseignées dans ce formulaire sont destinées au Groupe L’Express pour l’envoi de l’article sélectionné à votre proche, lequel sera informé de votre identité. Pour toute information complémentaire, consulter notre Politique de protection des données.
C’est envoyé !
Vous venez d’offrir à mail@mail.com l’article suivant :
« Le Dr Muller est-il l'auteur d'un crime parfait? »
Une erreur est survenue
Une erreur est survenue. Veuillez réessayer.
RÉUSSIR ENSEMBLE
Profitez du 1er mois offert, sans engagement
Voir plus/moins
Merci de lire L’Express
Réussir ensemble
Offre découverte
Profitez du 1er mois offert, sans engagement
Voir plus/moins
Poursuivez votre lecture
Offre Découverte​ 1er mois offert sans engagement
Fermer