Background Image

Actualités

Humeur noire

En librairie le 4 février 2021,

 Le point de vue des éditeurs

C’est lors d’une visite au musée d’Aquitaine de Bor- deaux, dans l’exposition consacrée à la traite négrière, qu’Anne-Marie Garat tombe en arrêt devant un cer- tain cartel aux termes pour le moins équivoques. Né d’une humeur noire qui aurait pu rester passagère, ce livre revient, avec toute l’honnêteté et l’énergie qu’on connaît à son auteur, sur la colère qui s’installe, qu’elle a beau raisonner, jusqu’à ce qu’elle vire à l’obsession, ouvrant sur une infinité de questionnements. Aux premiers rangs desquels le rapport d’une ville à son histoire, l’amnésie ou le mensonge collectif, le très actif et toxique déni du passé esclavagiste et colonial. Réflexion qui interroge aussi et autant son propre rap- port, intime et conflictuel, à sa ville natale, à son appar- tenance et donc à son enfance, sa famille, sa propre trajectoire. Et, bien sûr, le nerf de la guerre pour un écrivain : les mots, le langage, leur rôle et leur puis- sance ou leur nuisance dans nos représentations de l’Histoire et de la vérité. Où se vérifie que tout est lié, que tout importe au même titre.

La boule à neige

Revue Europe 2021.

Anne-Marie Garat. — Gagner du temps ou en perdre ? Pour le dogme économique du rendement, pas d’alternative : contre la lenteur, il promeut sa culture de la vitesse, sa morale du profit, de la rente et de la gestion afin d’optimiser l’emploi du temps, principes rarement applicables à la temporalité différée de la pensée et de la création. Le digest, le pitch, le kit et le slogan communicationnels ignorent la durée spéculative, le délai méditatif, aussi incompressibles qu’inaliénables quelles que soient les époques…

L’homme qui rétrécit

27/04/2020.

C’est une impression intermittente mais assez pénible que de sentir rétrécir entre les quatre murs du confinement alors que le monde se dilate à la démesure de la pandémie, ou bien rapetisse-t-il aussi d’être assigné à penser sa finitude, la mort, et toutes cette sorte de choses. Cette perte d’échelle est-elle un des troubles de l’intellection et du sensoriel qu’observent les cliniciens chez les gens livrés au vertige existentiel de la réclusion ? Le fait est qu’en cette occasion L’homme qui rétrécit offre une occasion royale de se remettre d’aplomb.

Les Gafa ne créent aucun lectorat….

Paru dans Le Monde numérique, 27 dec 2019.

Quand oiseaux, insectes et vermisseaux expirent, que fondent banquise et glaciers, s’érodent les dunes, il nous reste encore quelque trois mille librairies indépendantes – le chiffre repart même à la hausse, dit-on : quel autre pays au monde en compte-t-il autant, de quoi nous plaignons-nous avec tant de nouveautés, la virevolte de titres sur les tables, le prix du livre unique ? De ce que le marché amazonard, champion de la distribution et de la livraison express, prescrive l’achat sur plateformes et par cookies de livres à la tonne, stockés en entrepôts robotisés, débit optimal des meilleures ventes de papier traité en marchandise, consommation de masse du prédigéré sur le mode industriel. Bientôt sera proposée la lecture en accéléré comme des séries sur Netflix. Ah, que pillotaient lentement deçà delà les libres abeilles de Montaigne pour en faire après leur miel…

La nuit atlantique

En librairie le 4 février 2020,

Il y a des endroits où nous revenons sans savoir ce que nous y cherchons : que s’y est-il passé, que nous y est-il arrivé ? Qu’y avons-nous fait ou que nous ont-ils fait pour que parfois nous les quittions au plus vite – ou que nous y restions, et alors à nos risques et périls parce que le souvenir que nous en avons, le récit qu’en a forgé la mémoire, enferment un secret qu’il vaudrait mieux ignorer. Pareil pour les livres que nous avons lus, ou ceux que nous avons écrits.

Il y a une maison sur la côte du sud-ouest atlantique où je suis souvent revenue, une vieille villa qui appartenait jadis à Mme Dhal, – elle est imaginaire mais je sais où elle se trouve, plantée seulette en haut de la dune à l’écart du village. Pas très confortable, mais on peut y squatter quelques jours ; disons le temps d’un roman.

De préférence en automne : la plage est vide des gens de l’été, le vent et l’océan font un boucan du diable jusque dans la forêt, surtout la nuit ; qui tombe tôt en cette saison. Les blockhaus de guerre sont en sentinelle d’un passé qui s’est mal passé, un petit sabot de bois traîne peut-être dans le sable les soirs de grandes marées – est-ce un rêve ? Ou un conte, terrible comme tous les contes. Mieux vaudrait mettre cette maison en vente, la virer une fois pour toutes aux encombrants de mémoire.

Mais voilà que, quand on s’y croyait seule, des gens rappliquent. Ils n’étaient pas prévus au programme, pas plus que les fantômes. Comme c’est étrange, quel hasard, et quelle coïncidence : voilà que tout se détraque, ou que tout se raccorde de manière inopinée. De quoi en tomber sur la plage, jambes coupées. De quoi mettre sa voiture dans un fossé, s’allonger sur un lit de fougères avec un inconnu, fuir la vague démente d’une tempête en pleine nuit atlantique, et réécrire l’histoire.

29e festival littéraire Lettres d’Automne

Du lundi 18 novembre au dimanche 1er décembre 2019,
à Montauban et en Tarn-et Garonne

Anne-Marie Garat est l’invitée d’honneur du 29e festival littéraire Lettres d’Automne, du lundi 18 novembre au dimanche 1er décembre 2019, à Montauban et en Tarn-et Garonne.

Elle a choisi pour fil rouge du programme le thème « Histoires, images, nuages », qu’elle explorera en compagnie de plus de 80 écrivains et artistes.

Pendant 15 jours, pour tous les publics : rencontres, lectures en scène, cinéma, expositions, spectacles, ateliers, librairie du festival, dimanche des bouquinistes, programmation autour du livre jeunesse pour le public scolaire et familial, etc.

Accéder à la newsletter de clôture du festival 2019
Voir et écouter S’y mettre à l’infini , film de Arnold Pasquier (2004) 

Le Grand Nord-Ouest

Roman,
Parution le 22 août 2018, Actes-Sud
320 pages

Quand j’ai commencé à écrire ce roman, j’ignorais dans quelle cavale se lance Lorna del Rio la flibustière au volant de sa Dodge cabossée. D’elle, je ne sais rien encore, sauf la direction qu’elle prend, ça j’en suis sûre : celle du grand Far-West alaskien et canadien…

Moi, j’ai plutôt six ans, comme la petite Jessie qu’elle embarque dans sa fuite le lendemain de son anniversaire sur la plage de Santa Monica, où son père Oswald Campbell, le maquignon de cinéma, vient de se noyer.

Ou plutôt, je suis Bud Cooper qui l’écoute quinze ans plus tard raconter ce qui est lui arrivé avec sa mère à la poursuite d’un trésor ou d’un mirage d’enfance sur les pistes forestières et comment, petite soeur du Kid ou jumelle de Little Orphan Annie, elle est devenue Nez de renard, puis Qui donne ses dents, et puis Njyah avec Herman l’Indien taciturne et Kaska, une gwinch’in en exil, jusqu’à rencontrer la tribu tutchone d’Äyèsh’i Män – de qui je n’ai aucune idée.

Bien sûr que si, j’en sais quelque chose ! Depuis le temps que je dévore récits, romans, films, et ouvrages sur les peuples nord-amérindiens, potlatchs et totems, Compagnies de traite de peaux et fourrures avec coureurs de bois, chercheurs d’or et trappeurs en traîneaux de chiens, et dernières frontières … Toute fiction étant peu ou prou autobiographie de son auteur, j’aurais pu me demander ce qui me prenait soudain d’écrire un western, d’enfourcher ce genre typiquement masculin. Justement, voyons de quoi il retourne… Car il se trouve que je suis allée voir par là-bas ces contrées après avoir écrit La source, dont ce roman n’est pas la « suite », plutôt la résurgence, manière de mieux approcher l’altérité de ce monde, et cette fois écouter la voix des ombres et des esprits, des âmes sauvages qui viennent parfois dans nos rêves nous parler de nos vies antérieures de mille fois mille ans.

La Source

Roman,
Parution 19 août 2015, Actes-Sud
380 pages

Le point de vue des éditeurs

Venue au Mauduit, petit village de Franche-Comté, au motif officiel d’obtenir de la mairie l’autorisation, pour ses étudiants en sociologie, de consulter les archives communales de cette si banale petite bourgade française, la narratrice, hantée par la sombre énigme de son propre passé familial, ignore qu’elle va y faire une rencontre décisive en la personne de Lottie, solide et intimidante nonagénaire, désormais seule occupante de la vaste demeure des Ardenne, construction aussi baroque qu’extravagante édifiée sur des terres de mauvaise assise dans un méandre de la rivière qui coule en contrebas du bourg.
Soir après soir, la vieille dame qui, faute d’hôtel au village, accepte de loger la visiteuse, dévide pour elle l’histoire du domaine où elle est entrée comme bonne d’enfant à l’orée du xxe siècle. Mais faut-il la croire sur parole, elle qui dit n’être que la récitante des fantômes qui ont jadis habité ces murs, ou sont partis vers l’Afrique, le Tonkin ou les forêts du Yukon ? Et que faire du récit de cette conteuse acharnée qui, sans avoir jamais quitté sa campagne, rêve peut-être à haute voix quelque exotique roman de la filiation dont elle contraint la narratrice à devenir la dépositaire ?
Où les histoires prennent-elles source et où vont-elles une fois racontées ? La narratrice, écoutant la vieille Lottie, devine-t-elle en quoi celle-ci va éclairer son propre destin ?
Car les récits ni les contes ne sont d’inoffensives machines et leurs puissants sortilèges s’entendent à recomposer jusqu’à la matière même du temps.

Amours de loin, Images

Actes-Sud Babel
Septembre 2015

Trois textes courts en forme de dialogue L’Amour de loin, Image (1998), La rotonde, Panorama (2004) et Hongrie, Blason (2009) parus dans la collection « Un endroit où aller » sont réunis dans ce volume.

Avant que nous ne nous endormions, je veux te raconter quelque chose à quoi je viens de penser soudain…

 Vite, avant que nous ne nous réveillions, avant que, propulsée à la vitesse des balistiques, la balle du fusil ne quitte son âme et n’atteigne sa cible (ou plutôt sa destination), je dois te dire cette image panoramique…

 Avant que nous ne nous quittions, marchons un peu sur ce chemin jusqu’à l’arbre là-bas et d’ici-là, dis-moi : pourquoi la Hongrie ?

 La conversation démarre la nuit, au bord du sommeil dans un lit, ou par une aube d’été sur un sentier d’Italie entre vignes et oliviers. Elle part de presque rien, d’un souvenir, d’un paysage, d’une question anodine et se déploie en un voyage intérieur sur les chemins mystérieux de l’imaginaire, du temps et de l’espace.

Quelle magie exercent sur nos affinités les mots, les images ? Quels liens secrets entretiennent-ils entre eux, et avec notre mémoire ?

Ce triptyque en forme d’art poétique rend un hommage ardent aux forces vives de la création et à l’émotion renouvelée des enchantements.