Le Mur des Réformateurs

Une architecture monumentale et novatrice

Cette année, le Mur des Réformateurs a fêté ses 100 ans et fait l’objet d’une exposition à la Maison Tavel jusqu’au 29 octobre 2017 qui retrace son histoire bien particulière. Imaginé par les architectes suisses Alphonse Laverrière et Jean Taillens et réalisé par les jeunes sculpteurs français Paul Landowski et Henri Bouchard, ce monument se distingue par son style solennel et épuré. Novateur pour l’époque, il préfigure la vogue des bâtiments et sculptures monumentaux de l’Europe des années 1920 et 1930.

Une architecture monumentale et novatrice

Cette année, le Mur des Réformateurs a fêté ses 100 ans et fait l’objet d’une exposition à la Maison Tavel jusqu’au 29 octobre 2017 qui retrace son histoire bien particulière. Imaginé par les architectes suisses Alphonse Laverrière et Jean Taillens et réalisé par les jeunes sculpteurs français Paul Landowski et Henri Bouchard, ce monument se distingue par son style solennel et épuré. Novateur pour l’époque, il préfigure la vogue des bâtiments et sculptures monumentaux de l’Europe des années 1920 et 1930.

Taillens, Dubois, Laverrière, Monod, portrait
photographique de groupe, vers 1907 ?
Photo: Acm-EPFL, Fonds Laverrière
© Acm-EPFL

Dans le programme iconographique du Monument international de la Réformation établi par Charles Borgeaud, l’Histoire comme principe tient le rôle principal. Une histoire qui concerne le plus grand nombre, indifféremment de sa confession et de ses idées, aussi bien à Genève qu’à l’international. Interpréter la Réforme à travers ce qu’elle a apporté à l’établissement des démocraties constitue son fil directeur. À ce caractère commémoratif, s’ajoute la description détaillée des personnages historiques et s’impose une dimension populaire et accessible.

Figures imposantes adossées à un mur long d’une centaine de mètres, Guillaume Farel, Jean Calvin, Théodore de Bèze et John Knox se dressent face au parc des Bastions. Ils sont encadrés, sur leur droite par l’amiral de Coligny (France), Guillaume Ier Le Taciturne (Pays-Bas) et Frédéric-Guillaume de Brandenbourg (Allemagne) ; et sur leur gauche, Roger Williams (États-Unis), Olivier Cromwell (Angleterre) et István Bocksay (Hongrie). Derrière eux est gravée la devise de la ville, Post Tenebras Lux, et à leurs pieds, par-delà une pièce d’eau qui coure le long du mur, les armoiries de Berne, de Genève et de l’Écosse ornent le pavage. Le tout est encadré par deux dates clés dans l’histoire de la Cité : 1536, année de la Réforme et 1602, année de l’Escalade et de la victoire contre les Savoyards.

En hommage au retour aux textes originaux voulu par la Réforme, une série de bas-reliefs surmontés d’inscriptions rappelle les différentes étapes d’une progressive affirmation de la liberté politique dans les pays protestants. La représentation de la proclamation d’indépendance votée par les États généraux des Provinces-Unies en 1581 est, par exemple, en néerlandais dans le texte. Outre les titres de deux écrits de Calvin qui ont exercé le plus d’influence dans le monde réformé – l’Institution chrétienne et les Lois de l’Académie –, le Notre Père en français et en anglais, le pacte du Mayflower (1620), la Déclaration des droits des Anglais (1689), l’édit de Nantes (1598), l’édit de Potsdam (1685), la paix de Vienne (1606). Chaque bas-relief est une scène à personnages multiples tous nommés, et dont les visages ont fait l’objet de longues recherches iconographiques, tout comme leurs vêtements et les détails de leur tenue. Rien n’est laissé au hasard.

Un style précurseur ?

Vue d’ensemble des sculpteurs, Henri Bouchard et Paul Landowski, sur l’échafaudage,1914             Photo : Roubaix, La Piscine-musée d’art et d’industrie André Diligent PH 2410 © Alain Leprince

Dotée d’une architecture forte mais dépouillée, la paroi sculptée n’est pas sans évoquer cet art du monumental que les pouvoirs se feront fort de développer dans une quête d’affirmation de valeurs qui se teinteront de nationalisme. Pourtant, l’œuvre ne date pas de cette période troublée précédant la Seconde Guerre mondiale puisque le projet est finalisé en 1909 et n’a en aucun cas été motivé par des valeurs comparables. Il constitue ainsi un des premiers jalons de cette modernité qui va s’emparer des arts dans les années 1920, nourri de ce regard posé sur la statuaire égyptienne, assyrienne ou grecque archaïque. Combinant scènes narratives dans les bas-reliefs, statues monumentales et écriture incisée, le Monument international de la Réformation offre des similitudes avec ce que l’Égypte ancienne a si bien développé dans ses temples comme celui d’Abou Simbel. Toutefois, rien ne rapproche Henri Bouchard ou Paul Landowski jeunes sculpteurs à la carrière déjà bien établie d’une volonté passéiste ; leur lien à l’architecture de Laverrière et Taillens restera leur guide, tout comme les instructions précises et documentées de Charles Borgeaud qui a défini le programme iconographique en s’appuyant sur de méticuleuses recherches afin d’approcher cette vérité historique qui désormais s’impose. Dans le courant de « statuomania » qui sévit, après les emblématiques Statue de la liberté et Tour Eiffel, le monument genevois apporte sa vision nouvelle.

Mur des Réformateurs, Octobre 2017. Photo: Régine Semaan

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