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La circoncision en 2018, qu’en pensent les urologues ?

Officiellement, environ 90 000 circoncisions sont pratiquées chaque année sur le territoire français, en milieu médical. Les experts réunis au congrès de l’Association française d’urologie (AFU, 21-24 novembre 2018, Paris) ont passé en revue les pratiques mais aussi les complications potentielles de cette intervention. Ils seraient en faveur d’un recul de l’âge de la circoncision, notamment pour éviter la douleur due aux adhérences au niveau du gland, qui n’est en rien anesthésié par le bloc pénien. Ils rappellent également que du point de vue strictement médical, moins de 10% des phimosis justifient d’une posthectomie.

90 000 circoncisions annuelles en milieu médical

En France, 14% des hommes sont circoncis, contre 30% au niveau mondial. 80% des 90 000 circoncisions médicales en France sont réalisées avant l’âge de 18 ans. 95% sont effectuées en ambulatoire et 70% en secteur privé. Un chiffre très largement sous-estimé ; de nombreuses circoncisions étant pratiquées par des circonciseurs sans aucun diplôme médical, souvent dans des conditions d’hygiène déplorables.

Environ 62 000 circoncisions annuelles sont codées JHFA 0009, pour « posthectomie pour troubles pathologiques induits par un phimosis ».

En réalité, les indications médicales actuelles des circoncisions sont limitées : une hypertrophie du prépuce (rare), un phimosis très serré (ou un paraphimosis) qui ne concernerait que très peu de garçons, des cas très particuliers et rares de malformations des voies urinaires ou de mictions préputiales. « Moins de 10% des phimosis mériteraient une posthectomie », estime le Pr Bernard Boillot, responsable du Comité de l’urologie de l’enfant de l’AFU.

Le phimosis, un faux problème ?

A la naissance, 96% des nouveau-nés ont un phimosis et des adhérences préputiales. Dans près de 80% des cas, il y a une libération spontanée des adhérences à partir de l’âge de 5 ans. Chez 89% des enfants de 3 ans, le prépuce est rétractable et chez 92% à 6 ans. Au final, seul 1% des garçons ont un phimosis à l’âge de 18 ans.

Par ailleurs, le phimosis est traité avec succès dans 67% à 96% des cas par corticoïdes locaux (béthaméthasone 0,05-0,1%). D’où le message de réaliser ou de conseiller des posthectomies avec circonspection. « L’immense majorité des garçons nait avec un phimosis, explique le Pr Bernard Boillot. Globalement, à la puberté, ils n’ont plus ni phimosis ni adhérences, qui finissent par céder avec les décalottages répétés par l’enfant lui-même, sous la douche et lors des mictions où, millimètre par millimètre, la peau finira par s’assouplir. Ces décalottages ne devraient d’ailleurs pas être effectués par une tierce personne chez les jeunes garçons de moins de trois ans, contrairement à ce que qui est souvent préconisé », estime le spécialiste. En effet, le décalottage ne peut être entretenu par l’enfant à ces âges précoces.

Attendre pour limiter la douleur due aux adhérences

Cette notion de disparition du phimosis et des adhérences à la puberté est très importante pour les urologues. Selon eux, l’essentiel de la douleur de la circoncision ne provient pas de la section de la peau mais bien de la libération des adhérences. Et le bloc pénien ne permet pas d’insensibiliser le gland en cas d’adhérences. « Du point de vue médical, un enfant qui n’est pas gêné par un phimosis n’a pas à être circoncis, souligne le Pr Bernard Boillot. Si une circoncision est réalisée par choix des familles, il faudrait mieux attendre que l’enfant ait au minimum 7 ou 8 ans, que les adhérences soient libérées. Nous plaidons de plus pour une amélioration de la prise en charge de la douleur lors des circoncisions, sous analgésie locorégionale par bloc pénien ou en couronne, avec délivrance d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens en pré et post-opératoire ».

Circoncision, la réalité des complications

En cas de malformation génitale (hypospadias, verge enfouie), la circoncision doit impérativement être réalisée par un urologue pédiatre. En dehors de ces cas particuliers, la circoncision chez les enfants dont les organes génitaux sont normaux n’est pas non plus dénuée de risque de complications. « Le taux de complication suite à une posthectomie en établissement de soins est évalué entre 0,4% et 2%, détaille le Dr Christian Castagnola (Mougins). De plus, une revue de la littérature de 2010 a estimé que les taux de complications de la circoncision rituelle en Afrique de l’Est et du Sud oscillait entre 35% et 48% (infections, saignements, fistules urétrales, nouvelle circoncision etc.) avec un taux de mortalité de 0,2% ».

Hémorragies (au niveau du frein, des berges, escarres, coagulopathie méconnue…), infections cutanées (gangrène de Fournier, nécrose de la verge), rétractation du prépuce et amputations sont les complications immédiates. Au rang des complications retardées figurent les dermites ammoniacales, les sténoses cutanées et du méat, des cicatrisations inesthétiques, voire à l’âge adulte des troubles sexuels et psychologiques encore débattus. Première des complications en fréquence (5 à 10%), la sténose du méat urétral est due en majeure partie à des gestes de coagulation trop puissants. Elle est plus rarement secondaire à une dermite. La fistule urétrale est également une complication courante. Quant aux décès, ils restent exceptionnels (tétanos, sepsis sur obstruction urétrale, maladies de la coagulation).

 De nombreuses complications potentielles mais non quantifiées peuvent être dues à l’utilisation de « dispositifs d’aide à la circoncision » (clamps divers, dispositifs en plastique etc.), encore peu utilisés et non disponibles en France. Plus ou moins perfectionnés, certains à usage unique sont des « tout-en-un », c’est-à-dire qu’ils coupent et agrafent, afin de circoncire sans instrument ni stérilisation. Actuellement ces dispositifs ne sont pas recommandés car non évalués.

 

Par Hélène Joubert, journaliste à l’occasion du 112eme congrès de l’Association Française d’urologie

 

 

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