[Màj] Qwant : en finir avec l'omerta

Des balles dans le pied
Internet 53 min
[Màj] Qwant : en finir avec l'omerta
Crédits : cc Matt Brown
Mise à jour :

Article actualisé sur le contexte de la « moustiquaire » et des « suspects corses ».

Le président de Qwant a eu des mots très durs suite à notre enquête sur les problèmes rencontrés par son moteur de recherche. Nous avons longtemps hésité à rendre publiques les « pressions » dont nous avons fait l'objet. Les témoignages concordants de plusieurs de ses ex-salariés nous ont convaincu qu'il nous fallait le faire.

Après avoir longtemps bénéficié d'une bienveillance « a priori » de la part des médias, séduits par ses promesses en termes de protection de la vie privée vis-à-vis des GAFAM, et de « souveraineté », Qwant fait l'objet de ce que Konbini a pu qualifier de désenchantement médiatique suite à une série d'articles de La Lettre A, du Figaro, de Next INpact, du Canard Enchaîné puis de Mediapart, pointant différents problèmes. 
 
La semaine passée, Qwant a annoncé, dans une série d'articles de presse, la nomination de Tristan Nitot en tant que directeur général, en remplacement de François Messager. Ex-fondateur de Mozilla Europe, ex-membre du Conseil national du numérique, membre du comité de prospective de la CNIL, blogueur, fervent défenseur des logiciels libres et de la vie privée, Nitot est une figure bien plus connue que Messager, ex-DSI de Celio, Monoprix ou Vivarte (anciennement Groupe André).
 
D'après le Monde, le départ de Messager ne serait « pas complètement étranger à cette mauvaise passe » médiatique, et il paierait « au moins pour partie le courroux des salariés révélé par Le Canard enchaîné » (cf Le cahier de doléances des salariés de Qwant). « Le problème de RH a malheureusement fait du mal à François », a expliqué au Monde Éric Léandri, le patron de Qwant. Sauf qu'en l'espèce, le courroux des salariés n'était aucunement motivé par l'attitude de François Messager. Au contraire, il pointait explicitement du doigt le comportement et les choix de Léandri.
 
« C'est odieux », « il fallait une tête et c'est celle de Messager qui a roulé, mais ce n'est pas la bonne », dixit plusieurs personnes suffisamment au fait des arcanes de Qwant pour requérir l'anonymat : « en interne, personne n'est dupe ». Pour eux, la nomination de Tristan Nitot servira d'abord à redorer le blason de Qwant dans la presse et les médias, mais également à éliminer de la direction de l'entreprise la seule personne susceptible d'essayer de pouvoir tenir tête à Léandri.
 
« Nitot est tout sauf un administratif ou un opérationnel : c'est un speaker, hors sol et totalement sous la coupe de Léandri. Son rôle : danser devant les journalistes, nu s'il le faut. Nitot est fait pour être DG comme moi je suis fait pour être pape », ironisent-ils :
 
« Charger Messager sur les RH c'est lui planter un coup de couteau : il a tenté de mettre en place des managers et mis en place un comité de direction... ce que Léandri n'a pas supporté, et ça lui coûte son poste : on ne forme pas d'équipe à côté de Léandri, on est tous sous la haute autorité de ce dernier. Il veut être l'unique donneur d'ordres. Une vraie dictature se met en place, avec tous les ingrédients, y compris la propagande ».

Une « erreur de débutant » ?

On ne peut pas comprendre ce jeu de bonneteau, non plus que la dureté des propos tenus par ces « insiders » à l'encontre de Léandri, sans se pencher sur la personnalité de ce dernier. En l'espèce, nous n'avions pas prévu, initialement, de rendre publiques les coulisses de nos enquêtes sur Qwant, non plus que les « pressions » dont nous avons fait l'objet cet été de sa part, comme il l'avait expliqué sur Twitter, en s'excusant : c'était « une erreur de débutant et d'amoureux de Next Impact à qui je voulais éviter d'écrire n'importe quoi...».
 
Mais le pilonnage de SMS et d'appels téléphoniques auquel il a soumis l'actionnaire de Next INpact, le volume d'accusations infondées et de propos biaisés proférés sur Twitter par le président cofondateur de Qwant et son « ami » Laurent Bourrelly, les insinuations complotistes qu'il égraine deci-delà dans les médias, ainsi que les témoignages (d'autant plus préoccupants qu'ils sont tous concordants) que nous avons recueillis auprès de plusieurs ex-salariés, nous ont finalement décidé à le faire.
 
A fortiori parce qu'en réponse à un tweet de notre rédacteur en chef, Marc Rees, déplorant « les messages (multiples appels et sms) incendiaires reçus par l’actionnaire principal » de Next INpact, Éric Léandri a répondu qu'il était « très déçu du manque de courage de l'actionnaire pour reporter réellement la conversation que nous avons eue ». Non content de nous « troller » en public et de harceler l'actionnaire en privé, Léandri laissait entendre que nous aurions menti, et que l'actionnaire aurait pêché par veulerie. Nous avons donc décidé de « reporter réellement la conversation » qu'ils ont eue.  
 
Les éléments que nous avons recueillis et compilés, dénués de toute animosité personnelle, longuement vérifiés et recoupés, entendent contribuer à un débat d'intérêt général visant à permettre à nos lecteurs de se forger leur propre opinion sur cette « conversation » en particulier, et le comportement du président de Qwant en général.
 
Histoire de faire le tri entre ce qui relèverait d'une « erreur de débutant », ou des pratiques ordinaires d'un « incendiaire ». Une « conversation » qui expliquerait par ailleurs, et en partie, bon nombre des problèmes rencontrés par le moteur de recherche. Problèmes qui affectent par ailleurs, et au premier chef, les propres salariés de Qwant.

Qwant, mécène de Next INpact

Début juin, Christophe Neau (ledit actionnaire, qui préfère cela dit être appelé Teuf) m'invite à boire un verre. Next INpact a (enfin) un budget piges, et moi des enquêtes qui pourraient l'intéresser. Au détour de la conversation, il me parle de sa recherche de mécènes et de la promesse, par Qwant, d'un don de 90 000 euros. Éric Léandri l'avait en effet invité, en mai dernier, dans la tribune VIP d'un match de football, et expliqué qu'il appréciait tout particulièrement le travail de Next INpact, à mesure que les deux projets, notamment en matière de protection des données personnelles, de souveraineté et de positionnement face aux GAFAM, partageaient le même ADN. Ce que Teuf ne pouvait évidemment que confirmer.
 
Pour autant, Teuf m'explique aussi qu'il n'a reçu que 20 000 €, en avril 2018, et rien depuis. Malgré plusieurs relances, il n'obtenait pas de réponse, et ne savait pas pourquoi. Ne parvenant pas à comprendre si Qwant avait des problèmes de trésorerie ou si Léandri avait tenté de l'amadouer, il m'invite – au vu des récentes accusations sur les vieux résultats renvoyés par Qwant – à vérifier ce qu'il en est. Marc Rees avait commencé à enquêter à ce sujet mais, débordé, n'avait pas trouvé le temps de vérifier si ces doutes étaient avérés.
 
L'objectif est triple : vérifier si ces accusations (qui avaient entraîné Qwant à porter plainte contre leur auteur) étaient avérées, mesurer si Qwant (comme il le clame) a réussi à se départir de Bing, le moteur de recherche de Microsoft, et enfin de « fact-checker » si Qwant est à la hauteur de la réputation acquise dans les médias, auprès du gouvernement et dans un nombre croissant de grandes entreprises et administrations – qui en ont fait le moteur de recherche par défaut.
 
À ce titre, Teuf me répète qu'il n'interfère jamais dans la partie éditoriale de Next INpact, et que quelles que soient les conclusions de mon enquête, la décision de la publier sera le fait du rédacteur en chef, quand bien même l'article pourrait lui faire perdre le mécénat promis par Léandri.
 
Le 1er juillet, j'envoie à Teuf et Marc Rees (ledit rédac' chef) un premier mémo récapitulant la polémique opposant Qwant et Marc Longo, cet entrepreneur qui accusait le moteur d'avoir un index bloqué en 2017. Je m'étonne à ce titre qu'aucun média n'ait relayé le fait que le premier venait de faire condamner le second pour « dénigrement » en concurrence déloyale, au motif que « la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, peu importe qu'elle soit exacte, l'exception de vérité n'étant pas admise en matière de dénigrement ». Je m'attelle donc à vérifier si ces informations sont « exactes ».
 
Ma curiosité est alors piquée par un entrefilet intitulé « Qwant préfère porter plainte que répondre aux questions » et publié, ce même jour, par La Lettre A (LLA), qui avait déjà consacré plusieurs articles aux déboires de Qwant. Elle y déplorait en effet que la start-up avait « laissé entendre à différentes reprises, sur Twitter ou sur LinkedIn que La Lettre A déformait ses propos ou ne prenait pas soin de le contacter avant de publier un article. Ce qui est faux : chacun de nos articles a été précédé de sollicitations écrites et téléphoniques ».
 
Guillaume Champeau, directeur éthique et des affaires juridiques de Qwant, lui avait également répondu qu'« un précédent article truffé de contrevérités et d'éléments déformés pour nuire à Qwant fait l'objet d'une plainte pour diffamation déposée auprès du Doyen des juges d'instruction du Tribunal de Paris. Compte tenu de ce précédent, nous ne répondrons pas à vos questions, étant persuadés que quoique nous répondions, votre article sera orienté à charge. »
 
LLA précisait de son côté n'avoir, pour autant, « pas encore reçu la plainte évoquée dans ce mail, mais constate que plutôt que de répondre à des questions légitimes, la direction de Qwant préfère faire pression en brandissant la menace de poursuites judiciaires. Soit. La justice tranchera ». Une start-up qui ne répond pas aux questions d'un journaliste, fait « pression » sur son média en le menaçant d'un procès en diffamation, et fait condamner un « concurrent » pour « dénigrement » (quand bien même ce qu'il a rendu public serait « exact ») attise forcément la curiosité.

« Ça fait cher la pige » 

Je passe 15 jours à vérifier les résultats que Marc Longo avait fait constater par huissier, en avril dernier. À l'époque, l'huissier s'était contenté de constater que les résultats ne mentionnaient que la seule année 2017, et qu'il n'avait trouvé aucune mention des années 2018 et 2019. De fait, je découvre que si Qwant ne ramène que peu de réponses, je n'ai plus de résultats mentionnant l'année 2017, et quelques résultats mentionnant 2019.
 
Or, des recherches plus poussées, reposant notamment sur la consultation de centaines d'URL archivées sur la « machine à remonter le temps » d'archive.org, ainsi que dans l'historique des modifications de Wikipedia, me permettent de découvrir et démontrer que non seulement l'index de Qwant renvoie toujours (3 mois plus tard) des résultats de 2017, mais également que Qwant limite les résultats émanant de son index à 50 (maximum) seulement, contre 150 pour ceux de Bing. Enfin, je découvre que Qwant les répète plusieurs fois, sans savoir s'il s'agit d'un « bug » ou d'une « fonctionnalité » destinée à laisser entendre qu’il aurait indexé bien plus de pages qu’en réalité.
 
Je suis consterné, tout comme le sont Teuf et Marc Rees : le problème est encore plus conséquent que ce que Longo avait fait constater par huissier (voir Qwant : des résultats datés, limités (mais répétés)). Ironie de l'histoire, Teuf m'apprend que Next INpact a (enfin) reçu un second virement de 30 000 € de la part de Qwant. Il manque encore 40 000 euros, mais Teuf et Rees me disent de continuer à enquêter et d'envoyer nos questions à Qwant.
 
La perspective de faire perdre cet argent à Next INpact m'ennuie. Je m'en ouvre à Teuf : « ça fait cher la pige », ajoutant que je pourrais publier mon enquête ailleurs. Il me répond que « ce serait détruire notre ADN que de ne pas publier ce type d'info, surtout pour de l'argent ».
 
SMS Qwant
Crédits : jmm
 
J'envoie donc mes questions le vendredi 19 juillet, à 9h25. Dans le mail, je précise que j'ai « besoin de réponses "écrites", & que je ne pourrai pas me contenter d'explications "off" (je ne suis pas "contre" un coup de fil de "contextualisation/explication", mais il ne saurait se substituer à des réponses "formelles") ».
 
Marc Longo, de nouveau assigné en justice par Qwant, est en effet convoqué au tribunal le lundi 22 juillet. Ne sachant pas si des journalistes assisteront à l'audience, nous voulons pouvoir mettre en ligne le « fact-check » dans la foulée. Et ce, non seulement parce que nous venons de découvrir que le problème soulevé par Marc Longo est avéré, mais qu'il n'a également, trois mois après le constat d'huissier et un mois après sa condamnation, toujours pas été réparé.
 
Au vu du ton pris par Qwant en réponse aux problèmes et questions soulevés par La Lettre A, je m'attendais à une confrontation potentiellement rugueuse. Et nous étions conscients que mon enquête pouvait poser problème à Qwant. Nous ne mesurions absolument pas ce que nous allions subir – puis découvrir – dans la foulée. 

« Mais pas Next INpact bordel ! »

Ce vendredi 19 juillet, à 12h40, Éric Léandri demande à Teuf, par SMS, s'il peut lui consacrer 15 minutes. S'ensuit un appel téléphonique dont, dixit Teuf, « je me souviendrai jusqu'à ma mort » : « Je ne peux pas tout détailler, mais en gros il fallait absolument que tu te déplaces chez eux parce que les questions que tu posais, c'étaient des conneries, qu'il savait très bien d'où ça venait, il parlait aussi de manipulations... Ce dont je me souviendrai jusqu'à ma mort, c'est quand il m'a hurlé "Putain quand le Figaro en parle, ça a la rigueur ça passe, mais putain mais pas Next INpact bordel ! Vous êtes les meilleurs, je vais faire comment moi ?"... comme si c'était la fin ; donc là je me suis dit qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas chez Qwant ». 
 
Le Figaro venait, début juillet, de consacrer une enquête aux déboires du « Google français ». Elle expliquait notamment que, préssenti pour être bientôt installé par défaut sur les postes de 2,5 millions de fonctionnaires, Qwant suscitait « de nombreux doutes au sein de l’administration », au point que « deux audits [avaient] été lancés par le secrétariat d’État au numérique pour aller « vérifier ce qui se passe sous le capot » de Qwant et s’assurer que l’entreprise progresse sur le plan technologique ».
 
« Qwant joue son avenir sur ce dossier », précisait Le Figaro, à mesure qu'« il a impérativement besoin de l’appui de l’État pour décoller », et que « si on bascule l’administration française sur Qwant, on atteindra plus de 20 % de parts de marché », expliquait Éric Léandri. L'article se concluait par les soupçons du patron de Qwant sur « des tentatives de déstabilisation de la concurrence et de la presse : alors que nous préparons notre émission d’obligations convertibles pour accélérer, c’est comme par hasard maintenant que les attaques infondées convergent. »
 
J'avais lu cette enquête du Figaro. Je n'en avais pas moins vérifié le fait que les résultats fournis par l'index de Qwant au sujet des mots-clefs constatés par l'huissier de Marc Longo étaient toujours et encore bloqués en 2017. Nous avions alors pris conscience que notre enquête était d'autant plus sensible que Qwant faisait l'objet de deux audits gouvernementaux, et qu'ils étaient susceptibles d'identifier les mêmes problèmes.  

«  Alors il passe nous voir ou on doit répondre à tout ?  »

Teuf m'appelle dans la foulée pour me faire part de cette « conversation », et me demander si je voulais bien répondre favorablement à son « invitation ». Où je découvre que, non content de m'accuser d'enquêter « à charge » (alors que je venais de leur envoyer nos questions, pour que Qwant puisse précisément y répondre), Éric Léandri « exigeait » également (en hurlant) que je vienne les rencontrer, au motif que je serais victime de « manipulations », et que mes questions seraient des « conneries ».
 
Pris de court et gêné, je réponds à Teuf qu'en tout état de cause, je serai en formation jusqu'au mardi suivant (et que je ne peux y échapper : je suis le formateur), que j'ai peu de temps, beaucoup de travail (il me restait encore à écrire mon article qui, dépassant les 50 000 signes, sera finalement scindé en deux), mais que je vais y réfléchir. 
 
À 13h49, Teuf envoie un SMS à Éric Léandri : « Je comprends ta colère, mais sache qu'on n'a pas l'habitude d'écrire des articles à charge sans raison ou subjectivement et que je n'interfère pas dans le contenu de nos journalistes. En tout cas je vois ce soir avec Manach pour qu'il vous rencontre avant publication de l'article. En espérant que cela n'entache pas notre amitié. »
 
En réponse, Léandri lui envoie une série de 20 SMS. Tout en y reconnaissant que Teuf, fondateur et propriétaire de Next INpact, n'interfère pas dans le contenu éditorial, il tente d'expliquer les raisons de sa « colère ». Pour lui, « Next c'est le top avec ou sans des articles qui critiquent Qwant. Mais là j'en ai marre. Et je ne suis pas un pigeon. Ça n'entache rien entre nous ni sur Next. Mais ça n'est pas du journalisme. »
 
Le lendemain, à 9h58, Léandri relance Teuf : « Alors il passe nous voir ou on doit répondre à tout » (sic), suivi d'un second SMS, 5 secondes plus tard : « sans qu'il ne passe ». En réponse, Teuf lui explique, à 10h47, que faute de disponibilité de mon côté, « il vaut mieux dans un premier temps répondre aux questions par écrit, et je pense qu'il vous rencontrera quand il aura un peu plus de dispo », avant de préciser : « Pour info, l'article ne sera pas publié lundi ».
 
Nous avons en effet décidé de repousser sa publication, à mesure que Qwant ne semble guère vouloir répondre à nos questions.
 
À 11h07, Éric Léandri précise ses intentions : « On va lui répondre et lui montrer où regarder mais publier ça sans venir voir en vrai c'est juste fou ». À 13h50, il explique ce pourquoi mon « fact-check » sera de toute façon, à ses yeux, faussé. À l'époque, Teuf ne m'avait pas parlé de ce SMS. Et nous avons dû nous y reprendre à plusieurs fois pour comprendre que Qwant préparait (et prépare encore) une évolution majeure de son moteur, prévue pour cet automne. En outre, les retouches et modifications en cours ne me permettraient pas d'obtenir de résultats satisfaisants.
 
En creux, le patron de Qwant reconnaissait que son moteur n'aurait encore été déployé qu'en phase expérimentale, d'où l'importance de venir discuter avec eux de leurs projets à venir, plutôt que de répondre sur les résultats délivrés aux utilisateurs. Ce qui invalidait par avance mon enquête, mais aussi et surtout le simple fait, pour n'importe quel internaute, d'utiliser Qwant autrement que pour obtenir des résultats lambdas. 

« Nonobstant vos accusations "à charge" et vos pressions, je n'ai pas reçu d'invitation »

Après réflexion, nous décidons, pendant le week-end et en accord avec Marc Rees, que je n'irai au contact que s'ils répondent préalablement à nos questions, et par écrit – comme demandé. Hors de question d'aller faire un tour du propriétaire avec des démos faites spécialement pour les médias.
 
Comme je l'ai depuis écrit, mon enquête portait sur les résultats proposés aux utilisateurs de Qwant, pas ceux sur lesquels travaillent les équipes de R&D. Non seulement parce que le moteur de recherche existe depuis 6 ans, que Qwant a annoncé son index en novembre 2018, qu'il est installé comme moteur de recherche par défaut sur les postes de millions d'employés d'entreprises privées et d'administrations et qu'il venait de faire condamner Marc Longo pour avoir, notamment, rendu public un bug que j'avais pu vérifier.
 
Le soir du lundi 22 (soit 3 jours après avoir envoyé nos questions), j'écris à Teuf : « Des nouvelles de Léandri ? Faut que je leur re-écrive pour leur demander quand ils daigneraient m'inviter ? Leur silence est, sinon coupable, en tout cas limite méprisant (nonobstant le fait de t'appeler toi plutôt que de me répondre à moi). »
 
Le 24, n'ayant toujours reçu ni réponse ni invitation, je me décide à les relancer, dans un email où je fais état des « pressions » qu'Éric Léandri avait exercées sur nous, tout en expliquant que je veux bien aller discuter avec eux, mais seulement quand ils auront répondu à nos questions : 
 
« Bonjour, 
 
un truc m'échappe : Next INpact me demande d'enquêter sur votre index et de vérifier si les problèmes soulevés par Marc Longo (et d'autres) sont bullshit, #oupas, il y a des choses que je ne comprends pas, je vous envoie donc mes questions, vous n'y répondez pas, mais contactez les directeurs de la publication et de la rédaction de Next INpact pour déplorer le fait que j'enquêterais "à charge" !?... en réponse à mes "questions", qui visent précisément à vous permettre d'y "répondre" ?...

J'ai cru comprendre, à ce titre, que vous auriez insisté auprès d'eux pour que je vienne dans vos bureaux : je ne vois pas vraiment ce que le fait que vous me répondiez depuis vos locaux plutôt que par email pourrait changer, à mesure que mon enquête, et mes questions, portent sur les résultats proposés aux utilisateurs de Qwant, qui l'interrogent depuis leurs postes de travail et/ou domicile... et non depuis vos bureaux : mon enquête ne porte pas sur la (vie de) la "start-up" Qwant, mais sur les résultats fournis par son "moteur de recherche".

En tout état de cause, nonobstant vos accusations "à charge" et vos pressions, je n'ai pas non plus reçu d'invitation. Je serais tout à fait disposé à venir vous voir, histoire de pouvoir discuter des questions que je vous ai posées, mais j'aimerais d'abord obtenir des réponses. Comprenez que je n'ai nulle envie de faire le déplacement si, d'aventure, vous me proposiez de faire le tour du propriétaire, mais sans répondre à mes questions. » 

Les deux bugs identifiés sont corrigés : une « coïncidence »

Dans la foulée, Tristan Nitot, vice-président Advocacy de Qwant, m'appelle et m'explique qu'entre les vacances et les deux audits dont Qwant fait l'objet cet été, il va tenter de réunir les réponses à nos questions, mais que ça pourrait prendre un peu de temps. Apprenant qu'ils avaient une importante réunion le 31 juillet, et en gage de bonne foi de notre part, nous convenons de leur laisser jusqu'à début août, soit 15 jours, pour nous répondre. 
 
Le 26, Nitot m'envoie une première série de réponses, tout en se disant en l'état incapable de nous expliquer pourquoi Qwant limite à 50 le nombre de résultats émanant de son index (alors qu'il en propose 150 quand elles viennent de Bing), ni pourquoi Qwant répète plusieurs fois ces mêmes résultats, en boucle.
 
Faute de réponses de leur part, et parce que celles initialement transmises me laissaient penser qu'ils ne mesuraient pas la gravité des problèmes découverts, je les relance, le 30 juillet, puis de nouveau le 1er août, les prévenant que le premier volet de l'enquête sera mis en ligne le lendemain. 
 
Étrangement, la « dark pattern » consistant a répéter en boucle les résultats émanant de l'index de Qwant disparaît subitement, et le nombre de résultats affichés est désormais restreint à 50 réponses seulement, qu'elles émanent de Qwant ou de Bing. À défaut de répondre à nos questions, et sans que je parvienne à comprendre s'il s'agit d'un bug ou d'une fonctionnalité, Qwant vient de corriger le tir, à la veille de la parution de mon enquête. Une « coïncidence », m'expliquera Tristan.

Le complot 

Ce même 1er août, de 23h15 à 23h24, Éric Léandri envoie une quinzaine de SMS à Teuf. Robin Carcan, un journaliste ayant signé dans La Lettre A plusieurs articles faisant état de difficultés rencontrées par Qwant (au point que ce dernier l'a menacé d'une plainte en diffamation, a priori toujours pas déposée), a retweetté un thread que je venais de consacrer au rapport de l'IGPN sur la disparition de Steve Caniço, sur les quais de Nantes, le soir de la Fête de la musique. 
Ce tweet n'a rien à avoir avec Qwant (et 43 autres personnes l'avaient par ailleurs retweeté), mais pour Léandri, c'est le signe d'un complot. Nous serions manipulés, aurions les mêmes amis et la même stratégie, nos « soit-disant investigations » seraient « bidons » : il se dit « déçu » et prévient qu'il va se défendre « très fort ».
 
En réponse à la mise en ligne de notre enquête, le lendemain, Éric Léandri déplore sur Twitter que je n'aie pas pris « 15 mn chez Qwant derrière l'index en 15 jours » pour répondre à son « invitation », et nous demande de mettre en ligne l'intégralité de nos échanges par mail. 
 
Une demande, réitérée plusieurs fois, d'autant plus étonnante que non seulement elle démontre qu'ils n'avaient pas répondu à toutes nos questions, mais également que j'y mentionnais les « pressions » dont nous avions fait l'objet, ainsi que le fait que je n'avais, initialement, nullement fait l'objet d'une quelconque « invitation » (sauf à estimer qu'un coup de fil rageux et insultant à mon directeur de publication puisse être qualifié de la sorte).
 
Lui ayant rétorqué que Qwant n'avait pas répondu à trois de nos questions (les plus gênantes), Léandri réitère sa demande dans la foulée, tout en laissant entendre qu'il n'aurait lu que les premiers et les derniers de nos e-mails. 
 
Sur Twitter, nombreux sont ceux à ne pas comprendre le fait que Qwant, plutôt que de répondre à mes questions ou de reconnaître les problèmes identifiés, me reproche de ne pas avoir accepté leur « invitation ».
Comprenant que Qwant n'avait pas répondu à toutes mes questions, Nitot s'engage à y répondre (« dans la mesure de mes moyens », dixit). Le second volet de mon enquête est mis en ligne peu après 18h, et comprend la quasi-totalité du verbatim des réponses envoyées par Nitot.
 
À 19h30, Éric Léandri laisse un message sur le répondeur de Teuf, évoquant des « mensonges relayés sur les réseaux sociaux » et nous demande de nouveau et « officiellement le droit de publier les mails et nos réponses ». 
 
À 21h09, en réponse à une série de tweets où je tente de résumer ce pourquoi je n'avais pas été convaincu par les réponses de Qwant, Léandri tweete que je vais « trop loin bien trop loin... Ce n'est ni du journalisme ni une enquête... C'est n'importe quoi a tous les niveaux. »
 
À 21h36, Teuf me demande, « désolé », s'il peut me téléphoner. Je n'ai pas le souvenir du contenu de notre conversation, sinon qu'elle inaugura un (long) cycle d'échanges de messages puis d'appels téléphoniques, parfois passé 22h30, y compris le week-end. 

« Je te le renverrai en morceaux »

Ce jour-là, Teuf a reçu 18 SMS de Léandri, ainsi que 7 appels téléphoniques, d'une durée cumulée de près de 55 minutes. Trois le matin, dans la foulée du premier article, un en fin d'après-midi après la mise en ligne du second volet, et trois le soir, à 21h04, 21h12 et 21h48 (de 1, 23 puis 17 minutes).
 
Selon Teuf (et Laetitia, sa femme, qui entendait la conversation), Léandri l'a averti (en hurlant) qu'une plainte en diffamation allait être déposée contre moi (ce qu'il n'a semble-t-il toujours pas fait), que j'étais « une merde de journaliste », que ce que j'avais découvert était « totalement faux » et que nous avions « menti sur tout ». Ce n'était pas la peine de me renvoyer chez Qwant : « je te le renverrai en morceaux ».
 
En termes « fleuris », Éric Léandri me souhaitait également des pratiques formulées de façon fort méprisante – que je ne saurais répéter publiquement et qui n'en seraient pas moins susceptibles de rencontrer une qualification pénale devant un juge – avant de conclure qu'il... n'avait pas encore lu mes articles, et qu'il ne réagissait qu'à mes tweets.
 
Le samedi 3 août, Teuf reçoit 25 SMS de Léandri, dont l'un reconnaissant (« la seule bonne nouvelle », dixit) que « grâce à toutes ces conneries », Qwant avait réussi à trouver un bug qui les « rendait fou » dans son index, signe que mon enquête n'était donc pas si dénuée de fondements. 
 
À 21h22, Teuf m'écrit qu'« Éric continue de correspondre par SMS. Il croit que je t'ai dit qu'il m'avait mis la pression pour ne pas publier la news. Ce qui est évidemment faux. Il m'a mis la pression pour que tu te déplaces les voir chez eux. Je n'ai pas le temps de le gérer ce soir. Je ne sais pas d'où il sort cela, mais coupe court à cette rumeur, merci. » 
 
À 21h24, je lui réponds : « j'ai été gentil (et prudent) en répondant que j'avais refusé d'y aller parce que j'enquêtais sur le "moteur de recherche" et pas la "start-up", et que j'avais donc besoin d'être devant un "ordinateur", comme leurs utilisateurs, pas dans leurs "locaux", mais sans rappeler comment il m'avait "INVITÉ" : à savoir en te gueulant au téléphone, et SANS me répondre ni d'ailleurs m'envoyer d'invitation. Je garde ça s'il s'énerve vraiment, parce que oui, il a cherché à t’intimider et te foutre la pression ».
 
À 21h31, Teuf précise : « Il devient légèrement lourd mais je gère... ». À 21h36, je lui propose de réagir aux accusations de Léandri : « dis-moi si je peux lui répondre ça : À la demande expresse du propriétaire de Next INpact, que vous venez donc, un samedi soir, de contacter pour la Xième fois depuis 15 jours, je confirme donc que vous n'avez PAS fait pression sur lui pour ne PAS publier mon enquête, mais pour que je vienne vous voir. » 
 
Teuf me répond qu'il souhaite rester tranquille avec sa femme, et pas d'avoir à gérer Léandri « jusqu'à 3h du matin ». Il l’appellera le lendemain, mais aimerait bien qu'on réponde (« oui ou merde ») à la demande insistante de publier les échanges d'e-mails.
 
À 21h49, j'y réponds favorablement, sur Twitter (a fortiori, comme je le précise à 21h58, parce que cela « permettra aussi de (dé)montrer que je n'ai eu de cesse de vous relancer pour obtenir des réponses » puis, à 22h04 que « c'est vous qui avez (lourdement) insisté pour que je vienne, MAIS sans... m'inviter; & c'est moi qui ai dû vous relancer à ce sujet, en précisant que je serais disposé à venir, à condition que vous répondiez à nos questions. J'attendais donc vos réponses. »). À 22h13, Léandri annonce qu'il publiera donc nos échanges d'e-mails le lundi suivant.

Qwant reconnaît une erreur, Léandri nie

Le lundi 5, à 21h20, et alors que Qwant n'a toujours pas mis en ligne nos échanges d'emails, je demande à Teuf combien d'appels et de SMS il a reçus de Léandri ces 15 derniers jours : « Bcp ».
 
À 21h46, Qwant met en ligne un thread censé répondre à nos questions. S'il ne répond pas clairement aux plus gênantes, il reconnaît qu'« une erreur d’adressage a en quelque sorte « rebranché » un index de 2017 mis en sommeil, ce qui a pollué le cache ». De plus, « la répétition des mêmes résultats dans les 50 résultats proposés sur certaines requêtes, qui ne répondait à aucune logique d’aucune sorte, est un autre bug que nos équipes ont identifié et corrigé grâce à la question posée » (et donc, in fine, grâce à notre enquête).
À 22h11, Éric Léandri retweete la réponse de Qwant, tout en précisant, étrangement, qu'elle leur permet de... « démontrer pourquoi vos conclusions sont totalement fausses ». Il nous faudra beaucoup de temps avant de comprendre que Léandri et Qwant nous reprochaient en fait d'avoir repris à notre compte ce qu'ils estimaient être les « conclusions » de Marc Longo, ce que nous n'avions pourtant jamais fait. 
Nous n'avons ainsi jamais écrit que Qwant n'avait pas d'index mais, a contrario, démontré que les résultats associés à plusieurs mots-clefs constatés par l'huissier de Longo en avril retournaient toujours, en juillet, des réponses datant de 2017. Les résultats n'étant pas les mêmes que ceux de Bing, c'était donc par ailleurs bien la preuve que Qwant disposait de son propre index !
À 22h14, Éric Léandri met en ligne nos échanges d'email. Un Twittos note à ce titre que cela « prouve même encore plus l’honnêteté de @manhack. Parallèlement, on apprend que Qwant aurait fait « pression » à la rédaction de Next INpact pour se plaindre de l’article à venir ».
 
À 22H47, un journaliste en charge de l'innovation éditoriale à Contexte, qui avait initialement « râlé » contre mon article au motif qu'il avait trouvé les réponses de Nitot « plutôt convaincantes », estime a contrario que « ce thread en réponse montre quand même qu'il [moi, ndla] avait mis le doigt sur de sérieux soucis sur les résultats de recherche, et qu'il fallu ramer ce week-end pour corriger les bugs ».
À 23h03, Léandri concède que « passer par l’actionnaire pour évoquer un contenu éditorial est ce que l’on peut aisément placer dans la catégorie des (très) mauvaises pratiques », que « c'est une erreur de débutant et d'amoureux de Next Impact (sic) à qui je voulais éviter d'écrire n'importe quoi... », puis que « l'actionnaire pourra confirmer que jamais ça n'a été pour empêcher la parution par une quelconque pression, mais juste pour que Next passe au bureau pour qu'on vous présente nos index et expliquer mieux nos problèmes ».

« Et surtout, oublie Qwant » 

Le 7 août, le Canard Enchaîné révèle le contenu d'un audit interne RH de Qwant. Le 8, nous publions un article de contextualisation, précisant qu'il avait été fait « à la demande » de Léandri, mais également que 14 de la quarantaine de salariés invités à faire remonter – de façon anonyme – leurs doléances avaient déploré que « la partie search est loin d'être à la hauteur et ne semble pas être la priorité première. (ex: l‘absence d'index et le manque d'effort mis sur Qwant.com est simplement inacceptable) » (voir Le cahier de doléances des salariés de Qwant).
 
Qwant a depuis expliqué que cette doléance émanait probablement de salariés ne travaillant pas sur l'index. Mais elle pourrait tout aussi bien provenir d'employés y travaillant activement, mais déplorant l'accumulation de projets connexes ou encore le fait que l'index faisait encore l'objet de « retouches » constantes.
 
Nous avons en effet constaté, à plusieurs reprises, que les résultats étaient modifiés « à la volée », en fonction des problèmes remontés. Dans le sillage de la publication de notre enquête, les résultats datés de 2017 que nous avions documentés ont ainsi tous été corrigés.
 
Le 8 août, à 21h41, cherchant à vérifier à quel point Léandri m'avait placé sous observation, je procède à une petite expérimentation. En réponse à un twittos qui déplorait que Qwant s'en était « pris à Jean-Marc pour essayer de décrédibiliser son taf », j'explique que « J'hésite à "liker"...: Eric surveille aussi, depuis la semaine passée, non seulement les réponses que je fais, mais aussi ce que je "like", et il ne s'est pas privé de nous reprocher plusieurs d'entre eux... » :
10 minutes plus tard, à  21h51, Léandri envoie une salve de 6 SMS à Teuf commençant par : « Bon et bien au moins il aime se foutre des gens... et surtout oublie Qwant », et finissant par : « Et fais lui plaisir, dis lui vite. Qu'il puisse le twitter ». Ce que je n'avais bien évidemment pas fait, ne serait-ce que parce que Teuf ne me faisait pas lire ses SMS, mais aussi parce que nous cherchions encore, à l'époque, à comprendre ce qui pouvait ainsi motiver tant de furie.
 
À 21h57, Teuf m'écrit : « Tu as dit un truc qu'il fallait pas pour que Léandri se mette en colère après moi ? » Je lui réponds dans la foulée : « Oui : j'ai écrit qu'il surveillait ce que je like... Et que donc j'hésitais a liker un tweet. Il est tombé dans le panneau ? »
 
Entre le 19 juillet et le 8 août, Léandri a envoyé 115 SMS à Teuf qui, en retour, ne lui en a renvoyé que 17. Depuis, il n'est plus entré en relation avec lui. Léandri n'est par ailleurs jamais entré en contact avec moi autrement que publiquement, via Twitter. 

L'« ami » de Léandri s'y met lui aussi 

Le 13, un Twittos me met en copie d'un thread où Laurent Bourrelly – un ami (et spin doctor) de Léandri, connu pour « troller » ceux qui critiquent ou émettent des réserves au sujet de Qwant (cf le 1er volet de notre enquête) – me qualifie de « journaliste qui écrit de la merde » :
S'ensuivront une centaine d'autres tweets où Bourrelly qualifiera notamment notre enquête de « torchon », d'avoir « traîné dans la boue ce moteur », « trompé le lecteur dès le début » ou encore d'avoir « choisi avec soin de relayer le côté complotiste, plutôt que la vérité ».
 
Jamais Bourrelly n'expliquera en quoi notre enquête est erronée ou biaisée, refusant d'argumenter, nous renvoyant (à minuit et demi) vers la dizaine de vidéos qu'il avait consacrées à Qwant jusque-là, tout en refusant de nous donner les timecodes qui auraient pu étayer ses accusations.
 
Et quand je finis par lui démontrer, en réponse à ses relances incessantes, que Qwant n'avait fait de la protection de la vie privée sa « baseline » qu'après le début des révélations Snowden, et non lors de son lancement, il me répond : « Allez c’est bon, vous m’avez prouvé que vous n’êtes pas journaliste. Les faits ne vous intéressent pas s’ils dévient votre opinion ».
Mieux (ou pire, c'est selon), Bourelly nous somme (lui aussi), et à de nombreuses reprises (20 fois), d'accepter son « invitation » à venir l'« affronter en vidéo ». Tout comme nous l'avions fait suite à l'« invitation » d'Éric Léandri, nous lui répondons que nous n'accepterons de discuter que lorsqu'il répondra à nos questions. Ce qu'il ne fera jamais.
Là encore, je mis du temps à comprendre que Bourelly, lui aussi, nous reprochait des propos prêtés à Marc Longo, et que nous n'avions jamais repris. Ses interventions furent d'autant plus contre-productives qu'il entraîna plusieurs Twittos à se démarquer de Qwant, m'enjoignant, à ce titre, à rappeler plusieurs fois (ici, , , et ) qu'il ne s'exprimait qu'en son nom, et pas au nom de Qwant, et à déplorer que son comportement, censé défendre Qwant, ne pouvait que nuire à son image.
 
Occasion, également, d'expliquer à mots couverts que lui et son « ami » se comportent tout pareillement, et très loin de ce que l'on peut attendre de la part d'un professionnel habitué à s'exprimer dans les médias et à répondre à des journalistes.
Le comportement de l'« ami » de Léandri est d'autant plus étonnant que 11 de la quarantaine de salariés qui s'étaient exprimés dans l'audit interne de Qwant avaient précisément déploré, en mai (et comme nous l'avions révélé le 8 août), le fait qu'il « véhicule une trop mauvaise image pour qu'on le laisse représenter Qwant et ses employés ».
 
Le 13 août, Marc Rees, rédacteur en chef de Next INpact, intervient : « Jean Marc @manhack a fait un formidable travail au fil de ses articles. Je n’accepte pas qu’il soit roulé ainsi dans la fange tout comme je n’accepte pas les messages (multiples appels et sms) incendiaires reçus par l’actionnaire principal. »
 
Le 15, Éric Léandri lui répond : « Je suis très déçu du manque de courage de l'actionnaire pour reporter réellement la conversation que nous avons eu », laissant – in fine – entendre que cette « conversation » n'aurait pas été « incendiaire », mais sans que l'on comprenne en quoi le comportement de Teuf pourrait relever d'une quelconque veulerie, ou lâcheté.
 
Dans la foulée, Léandri déplore de nouveau ces « propos qui disent que Qwant ne respecte pas la vie privée ou n'a pas d'index », propos que nous n'avons jamais tenus. 
 
À défaut de répondre à tous ses tweets, je lui réponds ainsi que c'est lui qui insinue que ses  « pressions » visaient à « ne pas faire l'article ou à le modifier », et confirme qu'elles visaient bien « à me "sommer" d'accepter votre "invitation" (comme Bourrelly) ».
 
Au vu de la somme de « fake news » associées, par Léandri, à notre « fact-check », mais également de son tweet sur le « manque de courage » de Teuf (que nous prenons comme une « invitation » à rendre publique leur « conversation »), nous décidons donc de « reporter réellement la conversation » qu'ils ont eue. 
 
Ce qui me prendra beaucoup de temps, à mesure qu'il fallait non seulement relire les centaines de tweets échangés cet été, les mettre en lien avec les SMS et coups de fil reçus par Teuf, mais aussi parce qu'il nous a fallu du temps pour découvrir que sa façon de nous répondre n'avait rien à voir avec ce que Marc Longo avait découvert, que j'avais pu vérifier, ni ce que Next INpact avait publié.

Une question d'intérêt général

À relire ces échanges, je mesure en effet à quel point les choses auraient pu se passer autrement. Il aurait suffit à Éric Léandri d'être transparent, de laisser le responsable communication répondre au journaliste plutôt que de faire pression sur Teuf, de reconnaître le problème de cache corrompu plus tôt (voire dès que Marc Longo l'avait identifié, plutôt que de porter plainte contre lui), d'expliquer pourquoi il leur avait fallu trois mois pour le corriger (explications que nous attendons toujours), de reconnaître les deux bugs identifiés au lieu de nous prêter des « conclusions totalement fausses » que nous n'avions jamais écrites...
Il aurait suffit à Éric Léandri de ne pas conclure au complot à la seule lecture de nos questions puis, et avant même la mise en ligne de notre article, parce que le journaliste de La Lettre A avait retweeté un thread qui n'avait pourtant rien à voir avec Qwant. De lire notre enquête avant de nous accuser de tout et n'importe quoi. De demander à son « ami » d'arrêter de nuire de la sorte à l'image de Qwant (a fortiori parce que c'est aussi une demande de ses salariés).
 
La décision de rendre publique la « conversation » avec Teuf est aussi, à ce titre, la résultante d'un long travail journalistique d'enquête recoupé par de nombreuses conversations (bien plus cordiales) que j'ai pu avoir avec d'anciens salariés de Qwant (Léandri étant régulièrement persuadé que les fuites dans la presse émanent de « taupes », je me suis refusé à contacter des salariés en poste, pour ne pas risquer de leur nuire). Le niveau de violence et de toxicité qu'ils décrivent est tel que nous ne pouvions pas, non plus, garder cette information par-devers nous.
 
Pris dans leur ensemble et au regard du contexte dans lequel ils s'inscrivent (l'évaluation des performances de Qwant, bénéficiant de fonds publics, questionné par un investisseur institutionnel sur les hauts salaires de plusieurs de ses cadres supérieurs et audité par deux services de l'État, en prévision d'un déploiement sur les postes informatiques de 2 millions d'agents de la fonction publique, cf les synthèses de Konbini et Michel Nizon), ces éléments se rapportent à une question d'intérêt général, que la CEDH place au cœur de toute société démocratique.

« T'es vraiment trop con, tu ne me sers à rien »

Interrogé pour savoir si, comme le déploraient plusieurs salariés dans leur cahier de doléance (et comme Teuf est bien placé pour le savoir), « Éric hurle trop quand ça ne va pas », le délégué du personnel de Qwant nous avait répondu que « Parfois, on a l'impression qu'il hurle en réunion, alors qu'en fait il a la voix qui porte, mais de là à dire qu'il gueule : non ». 
 
Une réponse qui a consterné l'ensemble des ex-salariés de Qwant avec qui nous avons, depuis, communiqué, et qui ont (tous) témoigné du fait que Léandri ne « gueule » pas mais – comme déploré par plusieurs salariés – qu'il « hurle » bel et bien, y compris en public, devant les autres salariés, au risque ou au point d'humilier celui ou celle qui fait l'objet de son courroux, sans lui laisser la possibilité de se défendre ou de répondre. 
 
L'un d'entre eux nous explique : « j'ai pas de mot, s'il y avait plus fort qu'ubuesque, c'est du foutage de gueule, je suis tombé de ma chaise. Je ne dis pas qu'il gueule : il hurle, faut le vivre pour le comprendre, ça fait peur. Quand il était là, il faisait au moins une colère par jour : des hurlements, une impossibilité donnée à son interlocuteur de dire quoi que ce soit, et d'une vulgarité impressionnante (pas grossier, mais "t'es vraiment trop con, tu fais de la merde, tu ne me sers à rien") » – sic.
 
Un autre : « Léandri gueule sur tout le monde devant tout le monde, et prend les autres salariés à témoin, avec une volonté d'humiliation, donc tout le monde s'arrête de travailler, devient spectateur, et ça crée une forme de terreur, tout le monde se demande à qui le tour. Quand je suis arrivé, ça m'énervait de me voir reprocher des choses que je n'avais pas faites, mais il m'a dit quand on t'engueule t'as pas à répondre, et j'ai fini par entériner ça, par ne plus rien dire, vu que si on répond, ça aggrave la situation. Sans parler des menaces de licenciement devant tout le monde... Un salarié m'avait parlé de harcèlement démissionnaire : plutôt qu'agir en adulte, on le met sous pression, pour que la rupture ne vienne pas d'eux ».
 
Un troisième : « Léandri ne "gueule" pas : il "hurle" ! C'est pas Jean-Pierre Mocky qui gueule contre les injustices, il hurle pour instiller la peur, asseoir son pouvoir et fragiliser psychologiquement les gens ; quand on vous a hurlé plein de fois sur vous, vous vous auto-censurez ».
 
Dans des témoignages et documents recueillis par Mediapart, Éric Léandri est décrit par d’anciens salariés comme « éruptif », « violemment colérique », « agressif ». À l'en croire, dans leurs précédents locaux, « les soufflantes passées par Éric Léandri sur ses salariés étaient audibles par les employés d’entreprises mitoyennes » au point, précise un quatrième, que « mêmes fenêtres fermées, les voisins l'entendaient et venaient nous voir » pour vérifier que tout allait bien : « faudrait l'enregistrer, c'est indescriptible, et l'intention est agressive et menaçante ».
  
Brice Le Borgne, le journaliste qui a enquêté pour Mediapart, souligne par ailleurs que, lorsqu'il est allé rencontrer Léandri,  ce dernier l'a... éconduit, sans répondre à ses questions : « n’appréciant pas notre échange, le président de Qwant a préféré écourter la discussion au bout d’une vingtaine de minutes, tout en nous menaçant de poursuites judiciaires. "Je peux vous assurer que je ne vais pas arrêter […]. J’irai au bout de cette petite histoire pour savoir qui est derrière vous", a-t-il lancé d’une voix forte, nous raccompagnant vers la sortie ».

Les « volants », les « rampants » et la « moustiquaire »

Non contents de confirmer que Léandri « hurle » régulièrement, tous m'ont décrit un climat de « peur », voire de « terreur », entretenu par leur président. « Il est menaçant, il veut faire peur et la peur prédomine : peu de personnes oseront parler » m'a ainsi expliqué un cinquième ex-salarié, signe que si l'« omerta » (autre terme revenant plusieurs fois) semble règner en interne, elle commence à se fissurer – sous couvert d'anonymat. Si aucun des ex-salariés n'a accepté de témoigner nominativement, la concordance de leurs témoignages est confondante. 
 
Tous décrivent un « phénomène de cour » autour de Léandri et de Marie Juyaux, sa directrice générale adjointe en charge de la marque, que tous mentionnent également – et spontanément – comme co-responsable du climat toxique qui règne dans l'entreprise. Si certains salariés leur sont « inféodés et n'ont pas d'avis propre, tout le monde a une peur bleue de ces deux-là ; Éric et Marie sont deux personnalités toxiques, et Éric est très archétypal du pervers narcissique : il est tout à fait capable d'humilier en public des salariés, et le lendemain d'arriver comme si de rien n'était. Il souffle le chaud et le froid et veut tout maîtriser ».
 
« Juyaux est la seule à ne pas se faire engueuler publiquement », m'explique l'un des ex-salariés interrogés. « Léandri gueule très rarement devant tout le monde sur Marie Juyaux », confirme un autre. « Elle est intouchable, elle peut dire et faire ce qu'elle veut, donc ce couple est très nocif », précise un troisième. « Les équipes sont compétentes, chouettes et motivées, mais à force de contre-ordres, de pressions, les gens partent, pas à cause de Qwant mais à cause de ce couple infernal », déplore un quatrième : « Léandri a fait partir des gens compétents qui auraient vraiment pu aider Qwant, mais les gens baissent les bras ».
 
« C'est la culture d'entreprise la plus toxique que j'ai jamais vue », regrette un cinquième. « Les injonctions sont publiques, donc humiliantes : ce que font les gens n'est jamais assez bien, voire nul », détaille un sixième : « Léandri est maître à bord, il a tous les pouvoirs, il gère tout, avec un sentiment de toute-puissance et d'impunité totale, il ne se pose pas la question de savoir si ça peut nuire à l'entreprise, c'est lui le boss ».
 
Un septième, interrogé sur les méthodes de management de Léandri et Juyaux, nous répond, laconique : « peur, intimidation, laisser faire, manque de contrôle, incapacité à gérer une société »... Signe de leur mépris, la cour de Léandri et de Juyaux a coutume de plaisanter sur le fait que les salariés de Qwant se diviseraient en deux catégories : les « volants » (qui travaillent au 4e étage, là où sont les bureaux des cadres supérieurs) et les « rampants » (les autres, assimilés à des insectes, qu'ils empêchent d'entrer à l'étage de la direction, en « fermant la moustiquaire »).
 
[MaJ, lundi 23 septembre] Sur Twitter, Guillaume Champeau, responsable éthique et des affaires juridiques de Qwant, explique qu'« un cadre, une fois, a eu le malheur de dire qu'il devrait installer une moustiquaire à sa porte, pour limiter les visites trop nombreuses de collègues. Ce jour-là @eric_leandri lui a très sèchement dit "je veux plus JAMAIS entendre ça". Et je n'ai JAMAIS réentendu ça. »
 
De notre côté, nous avons eu confirmation que « cette histoire de moustiquaire a duré bien des mois jusqu'à ce que Leandri en entende parler et pique un coup de gueule mais cela a perduré ; les volants et les rampants ont continué d'exister mais plus en "Off" pour que ça ne sorte pas du petit cercle utilisant ces termes ».

« Comment ça se passe chez moi en Corse »

Nous avons passé des heures à parler avec ces sept anciens salariés de Qwant. Leurs témoignages sont accablants. À défaut d'en faire une recension circonstanciée (ce qui permettrait potentiellement de les identifier), nous avons sélectionné plusieurs citations concordantes : 
 
« On nous donne des objectifs, mais ça change tout le temps, comme si le plancher se dérobe sous nos pieds, et on a peur des réactions d'Éric, ça crée un climat de tension et de peur, les gens n'osent pas parler, et ils s'en vont, ils sont motivés par le projet, certains arrivent à prendre du recul et restent, d'autres ne le supportent pas ».
 
« C'est l'omerta : on ne parle pas des problèmes, on ment sinon on se fait défoncer par le chef; il y a une forme de désensibilisation autour des critiques visant Léandri. Il n'y a aucune considération pour les salariés, et un mal-être absolument dingue. Parfois, Léandri fait des compliments à quelqu'un puis, quand il s'en va, se met à le laminer devant tout le monde (en mode : "quel con, je l'ai bien embobiné") de façon très agressive, et il se vante d'être un stratège en manipulant les gens ».
 
« Ils sont pathologiques sans arrêt : ils ne font pas de plan de travail, ne sont pas précis dans leurs instructions, et quand des gens prennent des initiatives ça ne va pas; il est dans une fuite en avant, il fait des POC [preuve de concept ou démonstration de faisabilité, ndlr], dit que ça existe dans les médias, le présente à Vivatech, puis va chercher de l'argent pour le financer,  et nous demande de le mettre en prod' ».
 
« Ça paraît tellement irréaliste, mais y'a rien de normal dans cette start-up », déplore l'un des ex-salariés, qui se souvient d'une réunion de recadrage où, devant une quarantaine de salariés, Éric Léandri présenta un schéma PowerPoint pour expliquer « comment ça se passe chez moi en Corse au sujet de la confiance : un meurtre a été commis, il y a deux suspects : SUSPECT 1, SUSPECT 2. Si SUSPECT 1 balance SUSPECT 2 à la police, SUSPECT 2 va en prison et quand il sort il se venge et tue SUSPECT 1 », et vice-versa. 
 
A contrario, si « aucun des deux ne balance l'autre à la police, personne ne va en prison et tout le monde est content. Donc moi bien entendu je veux que ce soit comme ça entre nous », concluait le président.

Qwant Leandri omertaCrédits : DR

[MaJ, lundi 23 septembre] Dans ce même thread, Guillaume Champeau explique que « C'était fin 2016 (...). Qwant a alors un gros problème avec deux sites qui se font la guerre et se renvoient la responsabilité dès qu'un truc ne va pas. Éric commence par montrer un slide très sérieux tiré d'un bouquin de management, l'atmosphère est lourde. Et là, parce que c'est Éric, et qu'il aime plaisanter et jouer avec la caricature du Corse, il zappe et dit qu'il va expliquer le problème façon corse. Pour réussir ensemble un objectif commun, il faut arrêter de se balancer l'un l'autre. Tout le monde a ri, tout le monde a compris, c'était très réussi. Le message est passé, et le problème s'est progressivement réglé. »

Éric Leandri a peut-être pensé « plaisanter et jouer avec la caricature du Corse », et certains ont pu rire, mais d'autres non. Plusieurs ex-salariés ont ainsi et spontanément évoqué l'« omerta, qui résulte de la peur », en vigueur au sein de Qwant, et que cette anecdote sur les suspects corses pouvait dès lors être également perçue comme une forme d'« intimidation ». 

Tristan Nitot « n'est pas là pour faire joli »

Nous sommes conscients que ces témoignages sont susceptibles d'être biaisés, à mesure qu'ils émanent d'ex-salariés qui ont mal vécu leur passage au sein de Qwant, et/ou leurs départs – contraints ou forcés – de l'entreprise. Nous n'en sommes pas moins conscients que ces témoignages concordants expliquent aussi ce pourquoi Éric Léandri a pu ainsi tenter, dans le cadre de notre enquête, non seulement de hurler sur Teuf, mais aussi de faire passer ses désirs pour des réalités, au point de nier ce que nous avions découvert et documenté – et que Qwant a pourtant reconnu. 
 
La liberté de la presse implique la liberté de la critique, dans les deux sens. En l'espèce, et en 20 ans d'exercice de ce métier, je n'ai fait l'objet d'aucune plainte en diffamation, ait reçu une seule menace de droit de réponse (non suivie d'effet), deux menaces de représailles physiques, mais jamais aucun de mes interlocuteurs – qui, d'ordinaire, s'efforçaient toujours de rester cordiaux – ne s'en était ainsi pris à mon employeur, qui ne saurait être, non plus, un bureau des pleurs. Ce à quoi nous avons été confronté cet été est une première dont la gravité nécessite de verser ces éléments au débat d'intérêt général. 
 
Le problème n'est pas seulement que Léandri puisse chercher à faire pression sur des journalistes ou leurs employeurs, qu'il les menace, diffame (en hurlant, y compris très tard le soir, week-end compris), nous accusant d'avoir tenu des propos que nous n'avons jamais tenus, tout en nous accusant d'être manipulés ou de faire partie d'un improbable complot.
 
Le problème, c'est que non content de faire montre d'un sentiment d'impunité, Éric Léandri s'est tiré une balle dans le pied, contribuant à la découverte de son potentiel de nuisance contre la réputation et l'image de sa propre société.
 
Le problème, c'est enfin qu'il semble se comporter pareillement – voire pire – avec ses propres salariés, et que cette attitude toxique et complotiste, d'après les ex-salariés avec qui je me suis entretenu, nuit à Qwant et ses employés. Au point d'avoir viré, ou poussé à la démission, de nombreux et talentueux salariés, qui auraient pu contribuer à améliorer le projet. 
 
« Ma fonction, c’est de changer l’organisation, la culture de l’entreprise et prendre plus la parole », a expliqué Tristan Nitot au Monde. « C’est Tristan qui est à la direction. Il n’est pas là pour faire joli. C’est à lui de prendre ses orientations et de manager. Et ce n’est pas un problème pour moi » a affirmé, de son côté, Éric Léandri. 
 
« En tant que Directeur Général, il pilotera les axes stratégiques de recherche et développement, mais aussi la communication et les ressources humaines, au service d’une marque forte et d’une entreprise incarnant les valeurs éthiques qui lui sont chères », précise le communiqué de Qwant.
 
« Ensuite, il faut réfléchir à ce que l'on veut mettre dans la culture d'entreprise » a par ailleurs détaillé Tristan Nitot à Clubic : « Je vais faire en sorte que les collaborateurs de la société puissent travailler plus efficacement, et que cela se ressente sur leur bien-être ». Des propos qui font étrangement écho aux doléances et problèmes énoncés par les ex-salariés. À ceci près que plusieurs d'entre-eux, réagissant à sa nomination, estiment que c'est un nouveau coup fourré de Léandri, qui ne laissera jamais Nitot concrétiser ses annonces. Ce qui reste donc à vérifier.
 
Contacté, Qwant, par la voix de Tristan Nitot, nous répond qu'« Eric a déjà répondu sur Twitter et ne voit pas l'intérêt d'y revenir. J'espère pour ma part que dans cette trop petite famille qui comme tu le dis "partage le même ADN", on puisse s'engueuler de temps en temps et ensuite passer à autre chose ;) »
 
Pour pouvoir passer à autre chose, encore faut-il aussi établir une analyse dépassionnée de la situation, des problèmes identifiés – ce que nous avons tenté lors de nos enquêtes – et de la façon qu'a Éric Leandri d'y faire face. En l'espèce, il pouvait d'autant moins avoir répondu à nos questions sur Twitter qu'il ne les as reçues que mercredi dernier, à la veille de l'annonce de la nomination de Nitot (dont nous n'avions pas été informés). Par souci de transparence, les voici : 
 
Bonjour, 
 
je me permets de vous contacter parce que Next INpact va publier un article sur les "pressions" dont nous avons fait l'objet cet été, et nous aurions donc des questions à vous poser :
 
. pourquoi avez-vous contacté Christophe Neau pour lui expliquer que mes questions étaient des "conneries", et fait pression (en hurlant) sur lui de sorte que j'accepte votre "invitation", plutôt que de laisser votre service com', Champeau ou Nitot répondre à mes questions ?
 
. en quoi le fait de téléphoner à Christophe Neau pour exiger, en hurlant, que je passe vous voir relève-t-il d'une "invitation" ?
 
. Christophe Neau m'a depuis fait part que dans l'un des (très nombreux) SMS que vous lui aviez envoyés, vous expliquiez que "pendant qu'on retouche nos infras de l'extérieur il n'obtiendra rien de concluant et tout sera différent en fonction du temps donc, ce que je ne comprends pas, c'est comment faire un article comme ça sans venir voir ou alors attendre au moins le passage sur la nouvelle infra qui amènera au concours SEO de novembre et la il pourra tout tester" : comment expliquez-vous que les résultats de Qwant, "de l'extérieur", et à mesure qu'"on retouche nos infras", ne permettaient d'obtenir "rien de concluant" ?
 
. pourquoi avoir réagi sur Twitter, puis par SMS et appels téléphoniques à Christophe Neau (toujours en hurlant), me traitant de tous les noms et m'accusant d'avoir écrit des mensonges alors que... vous n'aviez lu que mes tweets, et pas mes articles ?
 
. tous les ex-salariés que nous avons interrogés ont témoigné du fait que vous "hurliez" bel et bien et régulièrement sur certains de vos salariés (comme le déploraient plusieurs dans le mail de doléances), mais aussi que vous entreteniez, avec Marie Juyaux, un "climat de peur" au sein de Qwant, au point d'avoir viré ou poussé à la démission un certain nombre d'entre eux : comment expliquez-vous ces accès de "violences" verbales et comportementales (que nous avons donc aussi pu mesurer) ?
 
. pourquoi avoir continué à bombarder Christophe Neau de SMS incendiaires, alors que vous aviez reconnu, sur Twitter, que c'était "une erreur de débutant et d'amoureux de Next INpact" que de passer par l'actionnaire ?
 
. pourquoi avoir répondu à Marc Rees, qui déplorait « les messages (multiples appels et sms) incendiaires reçus par l’actionnaire principal », que vous étiez « très déçu du manque de courage de l'actionnaire pour reporter réellement la conversation que nous avons eu » ? Qu'entendiez-vous par là ?
 
En tout état de cause, nous allons donc « reporter réellement la conversation » que vous avez eue cet été, et vous contactons donc de sorte de nous permettre de mieux comprendre ce qui s'est passé. 
 
Merci de confirmer réception de ce mail, et que vous serez en capacité d'y répondre dans les 48h. 
 
Occasion, par ailleurs, de répéter que nous ne sommes pas mal intentionnés, a fortiori parce que l'ADN de Qwant et celui de Next INpact nous semblent liés, mais que nous n'en cherchons pas moins à comprendre ce pourquoi et comment Qwant en général, et Éric Leandri en particulier, a pu en arriver là.

Si vous voulez témoigner ou me contacter de façon sécurisée (voire anonyme), le mode d'emploi se trouve par là.

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